Perspectives

La campagne de Trump: une nouvelle étape dans l’effondrement de la démocratie américaine

Avec l'éruption de conflits physiques à l'intérieur et à l'extérieur des rassemblements du milliardaire et candidat républicain à la présidence Donald Trump, activement encouragés par le candidat lui-même, la politique américaine a atteint un point critique.

Les conséquences des tensions sociales explosives aux Etats-Unis, combinées à la guerre sans fin à l'étranger, apparaissent à ​​la surface de la vie politique. Pour la première fois aux Etats-Unis, un candidat avec un programme nettement fascisant et autoritaire, qui déclare ouvertement qu'une grande partie de la population américaine doit être réprimée, est sur ​​le point d’obtenir la candidature du Parti républicain.

Trump – avec son énorme fortune accumulée grâce aux affaires financières, aux opérations immobilières et à la criminalité pure et simple – est la personnification politique du caractère oligarchique de la société américaine, où une petite élite ayant à sa disposition une énorme richesse préside à des niveaux d'inégalité sociale sans précédent. Sa campagne représente une mesure préventive de cette oligarchie, tout à fait consciente de la montée du militantisme dans la classe ouvrière, de développer de nouvelles méthodes de pouvoir plus ouvertement autoritaires.

Le rôle particulier de Trump est de puiser dans la colère sociale profonde produite par un système politique hostile et indifférent aux problèmes du chômage de masse, de la baisse des salaires et du déclin économique, qui touchent des millions de personnes. Il cherche à canaliser cette colère dans une direction réactionnaire, par un mélange de dénonciations populistes des entreprises « déloyales » qui exportent les emplois et d’attaques racistes et xénophobes contre les immigrés, les musulmans et les pays étrangers.

Le phénomène Trump est issu d'un climat politique et social déterminé. Le fait même que le sénateur Ted Cruz du Texas, son principal rival républicain, soit présenté comme une alternative « modérée » montre à quel point le système politique américain a viré à droite. Cruz est sans doute aussi réactionnaire et dangereux que Trump, il préconise l’escalade militaire au Moyen-Orient, d'énormes réductions d'impôts sur les sociétés et les riches, et l'érection d'un état ​​semi-théocratique en Amérique.

Le Parti démocrate est lui-même déchiré par la crise. Hillary Clinton, sa favorite officielle à la présidence, est la personnification du statu quo politique. Elle a présenté sa campagne comme la continuation du gouvernement Obama, approuvant précisément le gouvernement dont les politiques – renflouement de Wall Street au détriment des travailleurs, extension des guerres du gouvernement Bush, renforcement des pouvoirs de l’appareil militaro-policier – ont créé les conditions pour la montée du Trump.

Clinton est à juste titre une des figures les plus méprisées de la politique américaine et sa campagne construite sur un tas de mensonges et d'hypocrisie. Elle et son mari, l'ancien président, ont exploité leurs positions dans la machine politique pour acquérir une immense fortune personnelle.

La campagne du rival de Clinton, le sénateur du Vermont Bernie Sanders, a attiré un soutien de masse en grande partie dû au fait qu’il se présente lui-même comme « socialiste démocratique. » Les larges sections de travailleurs et de jeunes qui ont fait de Sanders un candidat sérieux à l'investiture démocrate le soutiennent parce qu'elles recherchent un changement politique et social décisif.

Il y a cependant un immense fossé entre ce que Sanders est vraiment et la perception que les gens ont de lui. Sa campagne en elle-même est une tentative de l'élite dirigeante de prévenir une radicalisation de masse de la classe ouvrière et de la jeunesse en les ramenant dans l’orbite du Parti démocrate, l'un des deux instruments politiques à travers lequel l'aristocratie financière contrôle la vie politique américaine depuis plus d'un siècle.

Alors que Trump est très sérieux au sujet de son programme de réaction extrême, le « socialisme » de Sanders n’est qu’une formule dépourvue de tout contenu véritablement anti-capitaliste. Au fur et à mesure que la campagne progresse, son programme et sa rhétorique prennent un caractère de plus en plus conformiste. Dans un certain parallèle à la rhétorique de Trump, Sanders en appelle de plus en plus directement au nationalisme économique toxique, dénonçant non pas le système capitaliste mais les divers accords commerciaux qui ont permis à la Chine et au Mexique de « voler des emplois américains. »

Il y a eu de nombreuses comparaisons entre la campagne électorale actuelle et celle de 1968 qui a vu la démagogie raciste de George Wallace, les assassinats de Martin Luther King Jr. et Robert Kennedy, et le règne de terreur policière à la Convention nationale démocrate à Chicago. Tout cela eut lieu dans les conditions d'un mouvement croissant contre la guerre du Vietnam, de soulèvements urbains massifs dans tout le pays et de grèves militantes de la classe ouvrière.

Le Parti démocrate, compromis et discrédité par la guerre du Vietnam, a fini par céder le pouvoir en 1968, ce qui a marqué le début de la fin du libéralisme New Deal. L'élection a été suivie d’une évolution constante du Parti démocrate vers la droite. Il a depuis utilisé de plus en plus diverses formes de politique identitaire pour se constituer une base dans les couches les plus privilégiées de la classe moyenne pour la guerre à l'étranger et un assaut intensifié sur la classe ouvrière en Amérique, qui trouve sa culmination dans le gouvernement Obama. C’est tout ceci qui a permis à un démagogue réactionnaire comme Trump de trouver un soutien auprès de couches importantes d’Américains à faible revenu.

Les comparaisons avec les élections de 1968 sont certainement appropriées. Cependant, il y a une autre campagne électorale américaine qui revient à l'esprit: celle de 1860, lorsque les conflits de sections et de classe aux États-Unis ont explosé en guerre civile ouverte. Ce conflit fut impulsé par l'impossibilité de concilier l'esclavage et le travail libre. Sous-jacent à la crise de 2016 est l'émergence du conflit irrépressible entre la classe ouvrière et la classe capitaliste.

Si légitime que soit la colère et le dégoût exprimés, rien ne sera résolu dans des affrontements avec les partisans de Trump à ses meetings. Ces actions ne fournissent que l’occasion pour la répression de l'Etat, et la réponse de Trump se développe vers une fusion entre les nervis qu’il paye et les forces de police sur le terrain.

Le mouvement radical vers la droite de la politique officielle américaine doit être combattu par les méthodes de la lutte des classes. La première étape dans cette lutte est de reconnaître que les travailleurs et les jeunes doivent sortir du carcan du Parti démocrate, et de réunir toutes les sections de la classe ouvrière dans un mouvement politique de masse dirigé contre le système capitaliste.

La classe ouvrière doit mettre en avant sa propre stratégie de classe indépendante pour défendre les emplois, le niveau de vie et les droits démocratiques et lutter contre le danger croissant d'une guerre impérialiste mondiale. Cela signifie la lutte pour un programme socialiste, basé sur la nationalisation et la mise sous contrôle démocratique des banques et de l'industrie de base, pour mettre un terme à la domination de la société par une petite poignée de super-riches.

Les mêmes questions sont posées à la classe ouvrière dans tous les pays. L'effort de l'élite dirigeante pour attiser le nationalisme extrême et le chauvinisme, pour diviser les travailleurs et les mettre les uns contre les autres, vise à créer les conditions pour l'escalade de la guerre impérialiste et la réaction sociale. Cet effort doit être combattu par la lutte pour unifier tous les travailleurs du monde entier sur la base de leurs intérêts de classe communs.

La question décisive est la construction d'une direction révolutionnaire dans la classe ouvrière et parmi les jeunes. Il est nécessaire, comme nous l’avons écrit dans un article de perspective plus tôt ce mois-ci, de passer à l’action et de se battre pour construire cette direction. Nous exhortons tous les travailleurs et les jeunes qui veulent une alternative à la décadence du capitalisme mondial à prendre la décision de rejoindre et de construire le Parti de l'égalité socialiste.

(Article paru en anglais le 14 mars 2016)

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