Trump nomme le fasciste Bannon comme premier conseiller et confirme vouloir déporter des millions d’immigrants

Le caractère d’extrême droite de la nouvelle administration américaine est devenu encore plus clair dimanche lorsque le président élu Donald Trump, lors d’une entrevue au programme de nouvelles «60 Minutes» a déclaré qu’il avait l’intention d’emprisonner et de déporter 2 à 3 millions d’immigrants.

Cela faisait suite à la nomination plus tôt dans la journée des deux premiers membres de son administration – le président du parti républicain Reince Priebus comme secrétaire général de la Maison-Blanche et, comme premier conseiller et chef de la stratégie, Steve Bannon, le directeur de campagne de Donald Trump et directeur du site d'informations Breitbart News.

Les nominations de Trump et son agitation provocatrice contre les immigrants démontrent clairement, en dépit du fait qu’il aura perdu le vote populaire par plus de 2 millions de voix lorsque tous les votes seront comptés, qu’il a l’intention d’aller de l’avant avec le programme présidentiel le plus à droite de l’histoire des États-Unis.

La prosternation des dirigeants démocrates, du président Barack Obama à la candidate défaite Hillary Clinton, Bernie Sanders et Elizabeth Warren, aussi bien que la vague d’appuis des éditorialistes anti-Trump comme Thomas Friedman, Nicholas Kristof et Paul Krugman du New York Times, n’ont que rassuré Trump qu’il n’avait rien à craindre de ces sections et l'ont encouragé à aller de l’avant avec son programme autoritaire.

Les médias libéraux étaient remplis de spéculations voulant que Trump, maintenant que sa victoire était assurée, allait renoncer à ses positions les plus à droite. Mais lors de son entrevue à «60 Minutes», rien n’indiquait qu’il reculerait de sa rhétorique anti-immigrante mise de l’avant durant sa campagne, y compris ses appels à des déportations de masse, l'exclusion des immigrants musulmans et la construction d’un mur séparant les États-Unis du Mexique le long de la frontière de plus de 3000 km entre les deux pays.

«Ce que nous allons faire c’est de prendre les criminels et ceux qui ont des dossiers criminels, les membres de gangs, les trafiquants de drogue, nous avons beaucoup de ces personnes – probablement deux millions, peut-être même trois millions – et nous allons les jeter hors du pays, ou nous allons les incarcérer», a dit Trump. «Mais nous les jetterons hors de notre pays. Ils sont ici illégalement.»

Trumps fait évidemment référence aux statistiques du département de la Sécurité intérieure qui suggère qu’il y a environ 1,9 million d’immigrants aux États-Unis qui ont été condamnés pour un crime et sont ainsi, techniquement parlant, admissibles à la déportation. La majorité de ces «criminels», toutefois, sont des immigrants légaux et la plupart des crimes pour lesquelles ils ont été inculpés sont des crimes mineurs. Actuellement, les autorités responsables de l’immigration peuvent faire usage de discrétion pour ignorer les crimes mineurs, particulièrement dans les cas où la déportation séparerait les parents nés à l’étranger de leurs enfants nés au pays.

L’objectif de Trump de déporter rapidement 2 ou 3 millions d’immigrants ne pourrait être réalisable qu’en suspendant le droit à un procès équitable, en menant une opération policière massive et en créant ce qui serait – sans en porter nécessairement le nom - un système de camp de concentration. Le président de la Chambre des représentants des États-Unis, Paul Ryan, a implicitement admis que le plan de Trump impliquait de telles conséquences lorsqu’il a déclaré à CNN lors du programme «State of the Union» que le Parti républicain ne «prévoit pas établir une force de déportation…je crois que nous devons rassurer les gens».

Cette menace doit, au contraire, être prise très au sérieux. L’infrastructure pour une telle opération policière étatique a été développée pendant huit ans sous l’administration Obama, qui a déporté un nombre sans précédent d’immigrants – 2,4 millions – au cours de ses six premières années, dépassant de loin le bilan de l’administration de Georges W. Bush. Il est estimé qu’à la fin de ses huit années, l’administration Obama aura déporté 3,2 millions d’hommes, de femmes et d’enfants.

Le plan de Trump représente une grave menace pour les travailleurs immigrants et la classe ouvrière dans son ensemble. Il y a quelque 11 millions d’immigrants sans papiers aux États-Unis, une part importante des plus de 40 millions d’immigrants. Plus des deux tiers de tous les adultes sans papiers sont aux États-Unis depuis au moins 10 ans.

Si on ajoute aux 40 millions d’immigrants les enfants d’immigrants nés aux États-Unis, qui en vertu du quatorzième amendement sont considérés comme citoyens américains, le nombre s’élève à plus de 80 millions, soit le quart de la population américaine.

Trump a aussi déclaré lors de «60 Minutes» qu’il avait l’intention d’aller de l’avant avec sa promesse de bâtir un mur tout le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, qui pourrait inclure des sections de clôture et de barrières naturelles déjà existantes. Cette proposition réactionnaire rendrait les chemins vers les États-Unis encore plus dangereux qu’ils ne le sont déjà pour les immigrants, et résulterait en un nombre encore plus élevé de morts dans le désert, ainsi que dans les eaux de l’océan Pacifique et du golfe du Mexique.

L’intervieweur Lesley Stahl n’a pas questionné Trump sur sa proposition de refuser l'entrée aux immigrants musulmans ou ses menaces durant la campagne de lancer une guerre commerciale contre la Chine et d’incinérer le Moyen-Orient. L’entrevue, qui comprenait une longue discussion avec la femme et les enfants de Trump, était essentiellement un événement promotionnel pour le nouveau président.

Les médias ont largement ignoré la nomination d’un fasciste à la position de premier conseiller du président. Il y a eu, cependant, quelques critiques ici et là. Le chef de la minorité au Sénat, Harry Reid, a dit lors d’une déclaration: «Le choix du nouveau président Trump de nommer Steve Bannon comme bras droit signale que les tenants de la suprématie blanche seront représentés aux plus hauts niveaux à la Maison-Blanche de Trump.»

Le Southern Poverty Law Center a critiqué sévèrement le choix de Bannon, qualifiant celui-ci du «principal agent derrière la transformation de Breitbart en un centre de propagande pour les nationalistes ethniques blancs». L’organisation a cité des grands titres de Breitbart, y compris un appel à hisser le drapeau des confédérés après la tuerie à l’église noire de Charleston en Caroline du Sud, et un autre déclarant que la rectitude politique «protège la culture du viol musulmane». La ligue anti-diffamation a également dénoncé la nomination de Bannon.

Breitbart News se solidarise ouvertement avec les partis néofascistes européens, dont le Front national français, l’Alternative pour l’Allemagne et le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni. Les commentaires des lecteurs sur le site de Breitbart sont souvent imprégnés de racisme et de rhétorique antisémites. Une récente analyse Twitter a trouvé que 31 pour cent de ceux qui utilisent le mot-clé suprémaciste blanc #whitegenocide suivent Breitbart, tout comme le font 62 pour cent des utilisateurs du mot-clé anti-musulman #counterhijad.

Bannon est un dirigeant du soi-disant mouvement «alt-right», qui comprend dans ses rangs des associations néonazies et pour la suprématie blanche. En entretien avec Mother Jones en juillet dernier, Bannon s’est vanté que Breitbart News est «la plate-forme de l’alt-right», qu’il a qualifié de version américaine du Front national néofasciste en France.

Breitbart publie régulièrement du matériel de l’anti-musulmane fanatique Pamela Geller. Le printemps dernier, le site a publié une longue défense du mouvement «nationaliste blanc» appelé «An Establishment Conservative’s Guide to the Alt-Right».

En annonçant les deux nominations, l’équipe de transition de Trump a entrepris une démarche inhabituelle en décrivant Bannon, un ancien banquier d’affaire chez Goldman Sachs et producteur d’Hollywood, et Priebus comme des «partenaires égaux», élevant ainsi la position de Bannon à la Maison-Blanche.

La position de Priebus – secrétaire général de la Maison-Blanche – est un titre formellement reconnu ayant existé depuis des décennies. Le titre de Bannon, décrit dans la déclaration comme «haut conseiller et chef de la stratégie du président» ne l’est pas, bien que de récents précédents indiquent que ce sera une position politique influente. Karl Rove et David Axelrod ont eu des titres similaires dans les administrations de Bush et d’Obama respectivement.

La nomination de Priebus, qui est présenté comme un républicain conventionnel, vise à couvrir l’intégration de Bannon à la Maison-Blanche. Bannon a été crédité pour avoir orienté la campagne électorale de Trump dans une direction fascisante après avoir été choisi pour remplacer le chef de la campagne Paul Manafort.

La rumeur court que l’ancien maire de la ville de New York, Rudy Giuliani, qui a été un partisan de premier plan de Trump, va également se joindre à la nouvelle administration. Questionné par Georges Stephanopoulos du programme «This Week» sur la chaîne ABC par rapport aux manifestations qui ont secoué le pays suite à la victoire de Trump, Giuliani a répondu avec un langage dictatorial, associant les manifestations à des «émeutes» et rejetant le droit d’association pacifique dans des lieux non autorisés par la police.

«Lorsque ça tombe dans la violence, je n’ai aucune tolérance pour les émeutes», a dit Giuliani, qui pourrait bien devenir procureur général dans une administration Trump. «Vous voyez, j’ai dirigé une ville où il y avait eu deux émeutes en quatre ans. Je n’en ai eu aucune. Et ils savaient qu’ils ne pouvaient pas me faire ça. Et quand je voyais des gens dans les rues de New York, je me disais, vous brisez les règles de Giuliani. Vous ne prenez pas mes rues. Vous pouvez emprunter mes trottoirs.»

Une autre personnalité qui pourrait être nommée au cabinet de Trump, l’ancien membre du Congrès Newt Gingrich, a dit à CBS dimanche matin que Trump serait «très, très agressif» au cours de sa première année au pouvoir. Trump devrait «frapper fort», a dit Gingrich. Dans une autre entrevue, Giuliani et Gingrich ont tous les deux soutenu que Trump avait un «mandat» en dépit de sa défaite au vote populaire.

(Article paru d'abord en anglais le 14 novembre 2016)

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