Le Premier ministre français appelle à l’extension de l’état d’urgence

Dans un entretien accordé à la BBC dimanche, le Premier ministre français Manuel Valls a appelé à une nouvelle extension de l’état d’urgence en France, jusqu’à l’élection présidentielle d’avril-mai 2017. L’annonce de Valls, à la suite de l’élection de Donald Trump comme président des États-Unis, indique l’effondrement accéléré des formes démocratiques de gouvernement des deux côtés de l’Atlantique.

Alors qu’il demandait à l’Assemblée nationale d’approuver la quatrième prolongation de l’état d’urgence depuis que le Parti socialiste (PS) de Valls l’a imposé juste après les attentats terroristes du 13 novembre à Paris, Valls ne donnait aucune indication de quand l’état d’urgence français serait levé, ni même s’il le serait.

« Il serait difficile aujourd’hui de mettre fin à l’état d’urgence », a déclaré Valls à l’émission HARDtalk de la BBC. « D’autant plus que nous allons lancer une élection présidentielle dans quelques semaines avec des réunions et des rassemblements publics. Nous devons donc aussi protéger notre démocratie ».

« De plus », ajoute-t-il, « le mécanisme de l’état d’urgence nous permet également de procéder à des arrestations et à des enquêtes administratives efficaces. […] Alors oui, nous vivrons probablement pendant un certain temps avec cet état d’urgence ». Il a cité l’attentat du 14 juillet à Nice, où un islamiste a tué 86 personnes et en a blessé 434 en lançant un camion dans une foule comme le genre d’attaque que l’état d’urgence devait empêcher.

Les arguments de Valls pour l’état d’urgence sont une fraude politique réactionnaire. L’état d’urgence n’est pas une initiative antiterroriste pour défendre la démocratie, mais un régime policier visant avant tout la classe ouvrière. Il vise à encourager les forces d’extrême-droite, à stimuler l’hystérie militariste et antimusulmans et à envoyer des policiers pour écraser l’opposition croissante de la classe ouvrière aux politiques d’austérité du PS, comme le mouvement de protestation de masse contre la Loi travail du PS.

Le fait que Valls ne prévoit pas de mettre fin à l’état d’urgence ne fait que souligner que des factions puissantes de la classe dirigeante entendent que la suspension des droits démocratiques soit permanente.

Il est maintenant évident, comme l’ont avoué même des sections de l’establishment politique, que l’état d’urgence n’empêche pas les attaques terroristes. Il a clairement été incapable d’empêcher l’attentat de Nice, et un rapport parlementaire cet été, supervisé par le député conservateur Georges Fenech, a conclu que l’état d’urgence avait une « portée limitée » comme mesure antiterroriste. En fait, l’état d’urgence n’a pas coupé les réseaux terroristes, car ce sont des outils essentiels de la politique de guerre française et de l’OTAN.

En février 2016, une fois que la grande majorité des actions policières en situation d’urgence avaient déjà eu lieu, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a publié un bilan s’appuyant sur les chiffres du ministère de l’Intérieur. La CNCDH a recensé 3824 perquisitions et saisies, 392 assignations à résidence, mais seulement 29 enquêtes sur des infractions liées au terrorisme. Il s’agissait notamment de 23 chefs d’accusation pour une infraction définie d’une façon très vague d’« apologie du terrorisme », c’est-à-dire de soutien verbal aux groupes islamistes, dont seulement six dossiers ont été transmis au Procureur de la république antiterroriste.

Pendant ce temps, des milliers de musulmans européens se rendent au Moyen-Orient pour rejoindre les milices islamistes qui sont les principales forces par procuration de l’OTAN dans sa guerre pour le changement de régime contre le président syrien Bashar al-Assad. Selon les estimations du groupe Soufan, une société privée de renseignement, quelque 1700 personnes en provenance de France ont déjà rejoint des milices en Syrie. Un flux de combattants à cette échelle est impossible à l’insu et sans la complicité des agences de renseignement européennes.

Une analyse des individus impliqués dans des attaques terroristes récentes en Europe, les attentats contre Charlie Hebdo et ceux du 13 novembre à Paris l’an dernier, ainsi que l’attentat du 22 mars à Bruxelles de cette année, illustre clairement cette complicité. Les dirigeants des commandos terroristes étaient bien connus des agences de renseignement, souvent comme des agents de haut rang. Pourtant, ils ont été capables de traverser les frontières, d’avoir accès à des dizaines de milliers d’euros et acquérir des armes sans entraves.

* La surveillance des frères Kouachi qui ont mené les attaques contre Charlie Hebdo a été retirée peu de temps avant qu’ils ne mènent l’attaque, bien qu’ils aient été en contact avec les hauts dirigeants d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQAP).

* Abdelhamid Abaaoud, le chef du commando terroriste du 13 novembre, fut autorisé à voyager à travers l’Europe bien qu’il ait été connu des services de renseignement comme le visage public des efforts de recrutement de la milice de l’État islamique sur les médias sociaux.

* Les assaillants du 22 mars et leurs cibles avaient été indiqués aux autorités belges par les services de renseignement turcs, israéliens et russes avant les attaques. Néanmoins, ils ne furent pas arrêtés, ni la sécurité renforcée autour de leurs cibles. Il s’est avéré aussi après l’attentat que le lieu où se cachait à Bruxelles le complice du 13 novembre, Salah Abdeslam, qualifiée dans les médias d’« homme le plus recherché d’Europe » jusqu’à sa capture peu avant l’attaque du 22 mars, était connu de la police belge dès le début.

L’establishment politique français et les médias ont utilisé des mensonges sur la guerre syrienne et les attentats de Paris et de Bruxelles pour réorienter la politique officielle vers la droite afin de continuer à imposer des politiques de guerre et d’austérité qui n’ont aucune soutien populaire.

Pendant près de deux ans, les masses ont été bombardées de mensonges, tirés de l’arsenal de l’extrême droite, présentant ces attaques non comme le résultat d’une guerre politiquement criminelle en Syrie, mais de la délinquance musulmane. Le PS a utilisé cette atmosphère toxique pour diviser les travailleurs, promouvoir la police et les militaires, augmenter les dépenses militaires de milliards d’euros et justifier les attaques policières répétées contre les manifestants pacifiques contre sa loi travail.

Cela a mené à des attaques contre les droits démocratiques qui sont sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, comme l’interdiction des maillots de bain « burkini » imposées sur les plages françaises au mépris des décisions judiciaires et la tentative cet été par Valls d’interdire les manifestations pacifiques des travailleurs et des jeunes contre la Loi travail.

Les conditions émergent pour des conflits de classe encore plus acharnés en France et à travers l’Europe. Au milieu d’un danger constant d’une guerre entre l’OTAN et la Russie en Syrie, avec Les Républicains (LR – de droite) et le Front national (FN – néo-fasciste) en hausse dans les sondages, un régime encore plus féroce de droite pourrait facilement arriver au pouvoir en France. Il disposerait de l’infrastructure juridique et technologique d’un État policier, construit par le PS, pour être mobilisé contre l’opposition de la classe ouvrière à l’austérité et à la guerre.

La condition préalable à toute lutte victorieuse contre la guerre et à la défense des droits sociaux fondamentaux des travailleurs est de s’opposer à la fraude réactionnaire de l’état d’urgence en France.

(article paru en anglais le 14 novembre 2016)

 

 

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