Merkel va briguer un quatrième mandat de chancelière allemande

La dirigeante de l’Union démocrate (CDU) Angela Merkel a l’intention de briguer un quatrième mandat de chancelière de l’Allemagne. Elle a annoncé dimanche qu’elle serait une fois de plus candidate au poste de présidente de la CDU lors du congrès du parti début décembre. Lors d’une conférence de presse, elle a dit que selon elle, la présidence du parti signifiait qu’elle serait automatiquement la candidate du parti à la chancellerie et que par conséquent elle se représenterait l’année prochaine aux élections fédérales.

Les informations présentées dans les médias ont souligné qu’il y a quatre ans Merkel avait laissé entrevoir vouloir profiter de son troisième mandat pour préparer un changement de direction à la tête du parti et du gouvernement. La crise croissante en Europe ne lui a cependant laissé que peu de marge de manœuvre. Lors de la conférence de presse de dimanche, Merkel avait affirmé avoir « longuement réfléchi » et que sa décision n’avait pas été facile à prendre.

Le fait qu’elle a décidé de briguer un quatrième mandat est directement lié au vote du Brexit et à l’élection de Donald Trump comme président aux États-Unis. La politique nationaliste de Trump de « l’Amérique d’abord » a ébranlé jusque dans ses fondements la politique européenne.

La victoire électorale de Trump est vue en Europe comme un vote de défiance à l’égard des élites dirigeantes représentées par Hillary Clinton et le Parti démocrate. De nombreux articles ont constaté qu’un développement identique est en train d’avoir lieu en Europe et en Allemagne. L’opposition à la politique officielle est en train d’augmenter de façon significative. Le Brexit n’est que le début de l’intensification de la crise que connaît l’Union européenne. Des victoires des partis d’extrême-droite sont probables dans les mois à venir en Autriche, aux Pays-Bas et en France.

Alors que l’élite dirigeante des États-Unis se range derrière Trump, un développement identique a lieu en Allemagne derrière Merkel. Tous les partis traditionnels sont en train de se rapprocher pour tenter de former un genre de forteresse politique contre la population.

Une nouvelle chancellerie sous Merkel est un appel à la poursuite de la « grande coalition » entre les partis de l’« union » – la CDU et l’Union chrétienne-sociale (CSU) son allié en Bavière – et le Parti social-démocrate (SPD). Par ailleurs, il s’agit d’un appel lancé à tous les partis à resserrer les rangs en vue d’une collaboration plus étroite. La toute dernière décision de présenter le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, du SPD comme candidat commun du SPD et des CDU/CSU va dans le même sens.

Un grand nombre de journalistes a qualifié une réélection de Merkel de « politique de l’immobilisme » et de « politique comme à l’accoutumée ». En fait, c’est le contraire qui est le cas. Un gouvernement Merkel 4.0 ne serait pas simplement la continuation de ce qui se fait déjà. La décision de Merkel de renouveler sa candidature est liée à une offensive politique préparée longtemps à l’avance et visant à s’attaquer de manière énergique et agressive aux changements en matière de politique étrangère et intérieure.

Aux critiques qui mettent en garde que la poursuite de la grande coalition renforcera le désenchantement politique, les partisans de Merkel ont répondu : « Maintenant plus que jamais ! » Sa nouvelle candidature est liée aux préparatifs pour intensifier la politique du militarisme et de l’expansion du pouvoir de l’État afin de combattre l’opposition sociale qui constitue déjà le fondement du programme de la grande coalition. Un examen du bilan de l’actuelle grande coalition montre qu’une nouvelle candidature de Merkel doit être entendue comme une menace.

Suite aux élections fédérales de 2013, les négociations en vue d’une coalition avaient été extrêmement longues et, finalement, il devint évident que les partis au pouvoir s’étaient accordés sur un changement fondamental de la politique étrangère en faveur du militarisme et de la guerre. Le ministre des Affaires étrangères Steinmeier, la ministre de la Défense von de Leyen, le président Gauck et d’autres ont déclaré que l’Allemagne était « trop grande pour commenter la politique étrangère depuis le banc de touche ».

Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et des crimes commis par la dictature nazie, d’influents politiciens allemands soulignent que la période de la retenue militaire est révolue. À l’avenir, l’Allemagne interviendrait avec une plus grande indépendance dans les régions en crise et les points focaux de la politique mondiale – expressément par des moyens militaires.

Il s’ensuivit un processus d’intense réarmement militaire. Le gouvernement allemand organisa, en alliance avec les États-Unis, un coup d’État à Kiev en amenant au pouvoir avec l’aide des forces fascistes, un régime pro-occidental qui précipita l’Ukraine dans une guerre civile en déclenchant une confrontation avec la Russie qui est dotée de l’arme nucléaire.

Ce fut ensuite le déploiement de la Bundeswehr en Syrie dans le but de soutenir l’OTAN. Parallèlement, l’intervention de la Bundeswehr en Afrique fut mise en route. La ministre de la Défense von der Leyen a annoncé dernièrement des dépenses militaires supplémentaires s’élevant à 130 milliards d’euros et un nouveau livre blanc du ministère de la Défense prévoit le déploiement de la Bundeswehr au plan national et international.

Dans l’Union européenne, Merkel et son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, ont de par leur brutale politique économique, intensifié la crise sociale. La conséquence en est que 23 millions de personnes sont sans emploi en Europe. Des millions d’autres occupent des emplois précaires et à bas salaire.

Dans de nombreux pays – le Portugal, l’Espagne, l’Italie et la Grèce – le chômage des jeunes dépasse 50 pour cent. La pauvreté augmente chez les jeunes, les travailleurs et les retraités. Cette contre-révolution sociale a culminé dans les drastiques mesures d’austérité imposées en Grèce et qui ont dévasté l’ensemble du pays.

En Allemagne, la pauvreté progresse rapidement. Plus de 12 millions de personnes sont officiellement enregistrées comme pauvres et les enfants sont tout particulièrement touchés. Huit millions de personnes travaillent dans des conditions de travail précaire. En 2030, 50 pour cent des retraités toucheront une retraite équivalant à l’aide sociale Hartz-IV bien qu’ayant travaillé toute leur vie. Les associations patronales exigent déjà de repousser à 73 ans l’âge légal du départ à la retraite.

Dans le même temps, une petite minorité vit dans l’opulence. Le gouvernement a créé les conditions dans lesquelles cette minorité est en mesure de s’enrichir considérablement aux dépens de la majorité. Les revenus de la propriété industrielle et de l’immobilier se sont accrus de plus de 30 pour cent au cours de ces 15 dernières années.

Les préparatifs en vue d’un état d’urgence et de la dictature sont promus dans le but de réprimer l’opposition à cette politique. Un énorme appareil de surveillance est mis en place sur la base des lois antiterroristes. La police et les services de renseignement collaborent étroitement et la Bundeswehr s’entraîne pour son déploiement à l’intérieur du pays en dépit du fait que la Loi fondamentale allemande interdit ces deux pratiques.

Les attaques perpétrées contre les droits démocratiques se manifestent le plus clairement dans la campagne extrêmement brutale menée contre les réfugiés. Le droit d’asile a été mutilé au point d’être méconnaissable. Des personnes désespérées fuyant les guerres au Moyen-Orient et en Afrique sont maltraitées, emprisonnées dans des camps, intimidées et déportées. Des centaines d’autres se noient tous les mois en Méditerranée.

Le gouvernement et les médias attisent une campagne de haine à l’encontre des musulmans qui rappelle les pogroms nazis contre les Juifs. Elle est utilisée aux mêmes fins : diviser la classe ouvrière et faire le jeu de l’extrême-droite, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD).

L’élection de Trump aux États-Unis montre clairement où une telle politique va mener. La résistance à ce développement est en train de grandir parmi les travailleurs et les jeunes gens, mais le gouvernement est déterminé à poursuivre son cap. Avec l’annonce de son intention de se représenter pour un quatrième mandat, la chancelière a jeté le gant à la veille d’importantes luttes de classe.

(Article original paru le 23 novembre 2016)

 

 

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