Le spectacle répugnant du débat télévisé des élections au sénat de Berlin

Mardi soir, un débat eut lieu sur le plateau de la télévision régionale de Berlin rbb entre les candidats tête de liste de plusieurs partis qui participent aux élections législatives locales du 18 septembre à Berlin.

Cette « ronde des éléphants » a une longue tradition et est d’habitude ennuyeuse à mourir. Tous les partis traditionnels sont sur la même longueur d’ondes et leurs programmes sont quasi-interchangeables. Ils ont tous fait partie ces dernières décennies de différentes coalitions gouvernementales et sont tous responsables de la misère sociale qui règne dans la capitale.

Jusque-là, tous les partis qui ont été représentés au sénat de Berlin étaient invités à participer à cette émission de 90 minutes. Cette fois-ci cependant, les critères de sélection à l’émission furent modifiés pour permettre à l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) de déverser ses points de vue racistes et d’extrême-droite.

Ce rapide changement des modalités a permis à tous les partis sensés franchir le seuil de 5 pour cent requis pour entrer au sénat de participer à l’émission. De plus, l’arrivée de l’AfD a permis aux partis traditionnels de se passer du Parti pirate qui après les dernières élections avait fait son entrée au parlement régional avec quinze députés mais qui est censé subir une dégringolade le jour du scrutin, dans dix jours.

Ce qu’il fut permis de voir aux spectateurs mardi soir, ce fut un spectacle répugnant lors duquel des politiciens et des présentateurs, dont la plupart se connaissent depuis des années, se renvoyaient la balle, faisaient des plaisanteries et échangeaient des gentillesses. Celui qui a réussi à suivre jusqu’au bout cette émission pendant une heure et demie saura au moins pour qui il ne votera pas le 18 septembre.

Le plus marquant de la soirée a été le degré de concordance existant entre ces différents partis. Les seules divergences concernaient des détails mineurs.

Ce que l’on pourrait appeler le Parti allemand de l’unité, qui va de la droite de la CDU et de l’AfD à la gauche de Die Linke, a discuté avec lui-même. Et oui, l’AfD est bien l’un d’entre eux.

Ce n’est pas par hasard que le vice-président de l’AfD, Alexander Gauland, avait explicitement fait l’éloge de la déclaration relative à la déportation des réfugiés que la dirigeante de Die Linke, Sahra Wagenknecht, a faite il y a quelques mois.

Wagenknecht avait appuyé la demande de la CSU en faveur d’une déportation accélérée des étrangers considérés comme criminels en disant : « Celui qui abuse du droit à l’hospitalité a perdu le droit d’être un invité ». Gauland a répliqué : « Il est réconfortant de voir à quel point Die Linke est capable d’appliquer une politique réaliste [Realpolitik] ».

Mardi soir, le consensus politique entre tous les partis s’est tout particulièrement manifesté au sujet de la question de la sécurité. Tous les partis ont rivalisé les uns avec les autres pour exiger davantage de police, un meilleur matériel, plus d’armes, une coordination plus efficace entre les différents services et une coopération plus étroite entre les différentes agences de sécurité.

Depuis des semaines, la CDU mène une campagne sécuritaire. Un seul slogan apparaît sur ses affiches – le renforcement des pouvoirs policiers.

Il y a quelques jours, le candidat CDU, Frank Henkel, et le chef de la police ont annoncé que la police de Berlin sera équipée de poings électriques. Ces poings électriques peuvent tirer des fléchettes métalliques sur des victimes jusqu’à une distance de dix mètres. Ces fléchettes sont munies de crochets sous courant fort qui transpercent des vêtements d’une épaisseur pouvant aller jusqu’à 5 centimètres. Une fois que les projectiles se sont introduits dans les tissus du corps de la victime, ils peuvent être réactivés de manière répétée en appuyant simplement sur la gâchette.

Ces armes font partie des préparatifs visant à réprimer des réunions de masse, des manifestations et des émeutes indésirables tout en servant aussi à rendre la police plus brutale.

Lors de la ronde des éléphants, le candidat tête de liste du SPD, le maire Michael Müller, qui fut interrogé sur les nouvelles armes de la police, a répondu, « Je me demande pourquoi lorsqu’il est question de la sécurité intérieure vous ne posez pas d’abord la question au ministre de l’Intérieur ? » Le ministre de l’Intérieur et candidat du CDU, Frank Henkel, se trouvait à ses côtés en souriant d’un air narquois.

Après que Müller a expliqué préconiser depuis longtemps un renforcement en effectif et en matériel de la police et des agences de sécurité, Henkel a répondu : « Je me réjouis que vous ayez d’abord posé la question au maire, parce que ça faisait très longtemps que je n’avais bénéficié d’un tel soutien de ma politique. »

Au mois de mai déjà, les Verts avaient réclamé dans un document de stratégie que « la police soit dotée d’un effectif adéquat, techniquement et conceptuellement bien équipé et parfaitement formé. » Leur tête de liste, Ramona Pop avait réitéré cette position mardi.

Le principal candidat de Die Linke, Klaus Lederer, était également d’accord avec Henkel. Une police mieux équipée était l’un des points pour lesquels il pourrait accorder son soutien au ministre de l’Intérieur.

Lederer poursuivit pourtant en déclarant avoir remarqué un manque d’idées en ce qui concerne l’expansion et la modernisation de l’appareil de sécurité. De nouvelles mesures visant à renforcer la surveillance de la population n’apportent pas plus de sécurité. D’ores et déjà, il était difficile de gérer le flot de données. Lederer a dit : « Si l’on cherche une aiguille dans une botte de foin, il serait absurde d’augmenter la taille de la botte de foin. » Ce qu’il faut, pour lui, c’est davantage de personnel mieux qualifié au sein de l’appareil de sécurité.

Dans ces conditions, le candidat principal de l’AfD, Georg Pazderski, avait beau jeu. En tant qu’ancien officier de l’armée – il fut précisé durant l’émission qu’il avait été un ancien « officier d’état-major » – il s’est fait passer pour un expert en sécurité. Bien que sa déclaration sur la politique des réfugiés ait provoqué des réflexions critiques, le comportement amical à son égard se poursuivit. Au sujet des réfugiés, Pazderski a dit : « Je préconise une formation pour ces gens, mais pas leur intégration. Il faut préparer ces gens pour qu’ils retournent de nouveau chez eux. »

Soixante-et-onze ans après la fin de la terreur nazie et des crimes commis par l’armée allemande, un officier de l’armée dirige un parti d’extrême-droite et raciste à Berlin et personne dans les rangs des partis traditionnels n’ose s’opposer à lui. Il ne pourrait y avoir d’indication plus évidente de la faillite de l’élite politique allemande.

Depuis mardi soir, il devrait être absolument clair que le Parti de l’égalité sociale (PSG) est le seul parti à s’opposer au réarmement massif de la police et de l’armée.

Jeudi soir, le PSG est passé à la télévision allemande dans le cadre d’une émission consacrée aux partis plus petits. « Je vais aborder les questions centrales du développement politique actuel et qui sont systématiquement occultées par tous les autres partis : le rapide renforcement de l’armée et les préparatifs de guerre. La lutte contre la guerre est le thème central de notre campagne électorale » a déclaré Christoph Vandreier qui a représenté le PSG dans l’émission de la chaîne de télévision rbb.

(Article original paru le 9 septembre 2016)

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