Un général américain haut-placé prévient qu’une zone d’exclusion aérienne en Syrie signifie la guerre avec la Russie

La mise en œuvre d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie signifierait une guerre des États-Unis à la fois avec la Syrie et la Russie, le commandant en uniforme le plus haut gradé des États-Unis l’a dit ouvertement à la commission des forces armées du Sénat jeudi.

Le général de la marine, Joseph Dunford, le chef de l’état-major interarmées des États-Unis, a énoncé les graves implications de la politique préconisée à la fois par les factions prédominantes au sein du Parti républicain et par la candidate démocrate à la présidence, Hillary Clinton, au milieu de la violence montante en Syrie, et de la pression croissante de Washington sur le gouvernement russe pour qu’il accepte unilatéralement l’immobilisation de ses propres avions, ainsi que ceux du gouvernement syrien.

Le Secrétaire d’État, John Kerry, a demandé à plusieurs reprises que la Russie adhère à ce qui serait essentiellement une zone d’exclusion aérienne unilatérale contre la Russie et la Syrie où des avions de guerre américains continueraient d’effectuer des attaques aériennes.

Kerry a présenté sa proposition comme un moyen de faire revivre et de rétablir la « crédibilité » d’un accord de cessez-le-feu que lui et le ministre russe des Affaires étrangères avaient négocié le 9 septembre. Cette cessation des hostilités s’est effondrée moins d’une semaine après sa mise en œuvre face à des centaines de violations par des « rebelles » islamistes soutenus par les États-Unis qui ont refusé d’accepter ses conditions, ainsi que deux grandes attaques consécutives.

La première a été réalisée par des avions de combat des États-Unis et de leurs alliés il y a une semaine contre une position de l’armée syrienne, tuant 90 soldats syriens et en blessant une centaine d’autres. Washington a affirmé que le bombardement était une erreur, mais les responsables syriens ont signalé que la frappe aérienne semblait être coordonnée avec une offensive terrestre par les combattants de l’État islamique (EI) qui ont envahi brièvement la position bombardée.

Cela a été suivi le 19 septembre par une attaque sur un convoi d’aide humanitaire à Alep, qui a tué au moins 20 personnes et a détruit 18 camions. Les États-Unis ont immédiatement attribué l’attaque à la Russie, sans fournir aucune preuve à l’appui de cette accusation. La Russie et le gouvernement syrien ont nié toute responsabilité et ont suggéré que les prétendus « rebelles » ont bombardé le convoi.

La position américaine a été reflétée dans le témoignage à la fois de Dunford et du Secrétaire à la Défense, Ashton Carter, devant le comité du Sénat jeudi. Le général a admis au comité : « Je ne connais pas les faits », au sujet de l’identité des avions qui ont attaqué le convoi, mais il a ajouté rapidement : « Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les Russes sont responsables ». De même, Carter a déclaré, « Les Russes sont responsables de cette frappe qu’ils l’aient mené ou non ».

L’effondrement du cessez-le-feu sous le poids de ces incidents a abrogé un accord qui avait été farouchement refusé à la fois par Carter et le commandement militaire au Pentagone. Ces derniers ont déclaré publiquement leur opposition – d’une manière qui frisait l’insubordination – à la disposition de l’accord pour des actions coordonnées et le partage de renseignements avec la Russie, que les principaux généraux de l’Amérique voient comme l’ennemi principal.

Ce point de vue a été réaffirmé jeudi par le général Dunford, qui a déclaré que sur la base de la « combinaison de son comportement et de sa capacité militaire, la Russie est la plus grande menace pour nos intérêts nationaux ». Interrogé pour savoir s’il a soutenu la proposition de partage des renseignements, Dunford a répondu, « Nous n’avons pas l’intention d’avoir un accord de partage des renseignements avec les Russes ».

Prenant la parole à New York jeudi soir après que le prétendu Groupe international de soutien pour la Syrie a mis fin à une rencontre qui n’avait fait aucun progrès vers la restauration de l’accord de cessez-le-feu américano-russe, le ministre des affaires étrangères Kerry a déclaré : « La seule façon d’y parvenir [à la cessation des hostilités et la violence] est si ceux qui ont la puissance aérienne dans cette partie du conflit cessent tout simplement de l’utiliser, non pas pour un jour ou deux, mais aussi longtemps que possible afin que chacun puisse voir qu’ils sont sérieux ».

Après avoir quitté la même réunion, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a rejeté la demande que le gouvernement syrien prenne des « mesures unilatérales » dans des conditions où les « rebelles » soutenus par les États-Unis rejettent le cessez-le-feu. « Nous insistons et nous trouvons du soutien pour les mesures qui sont prises par l’opposition également, afin de ne pas laisser Jabhat al-Nusra profiter de cette situation », a-t-il dit.

Cela, cependant, est précisément le but de Washington. Le complexe militaire et des renseignements des États-Unis est de plus en plus préoccupé que le gouvernement syrien, avec le soutien de la Russie et de l’Iran, soit sur le point de briser le siège de cinq ans mené par les milices islamistes armées et payées par la CIA et les principaux alliés des États-Unis de Washington : l’Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar. Les avions syriens et russes ont commencé un bombardement intense de l’est d’Alep tenue par les « rebelles » vendredi dernier dans ce qui a été rapporté comme la préparation d’une offensive terrestre majeure pour reprendre cette zone de la ville. Si l’offensive est un succès, la guerre des États-Unis pour un changement de régime aura subi un renversement stratégique.

Al Nusra, la filiale syrienne d’Al-Qaïda, qui est officiellement désignée par les États-Unis et l’ONU comme une organisation terroriste, constitue l’épine dorsale des forces mandatées employées par l’impérialisme américain pour effectuer un changement de régime en Syrie. L’une des principales controverses entourant l’accord du cessez-le-feu américano-russe était son appel aux États-Unis pour convaincre les « rebelles » payés par eux de se séparer de Al Nusra. Washington a été incapable et peu disposé à le faire parce qu’ils sont étroitement intégrés avec les éléments d’Al-Qaïda et qu’ils ne pourraient pas survivre en tant que force de combat sans eux.

L’imposition d’une zone d’exclusion aérienne sur Alep et d’autres zones contrôlées par Al Nusra est considérée de plus en plus comme une question de vie ou de mort par les islamistes soutenus par les États-Unis. Comme l’audience du Sénat de jeudi l’a indiqué, alors que Kerry a demandé à la Russie de baisser la garde volontairement, il y a des éléments importants au sein de l’État américain qui réclament l’imposition de la zone d’exclusion aérienne par la force.

Le général Dunford a été questionné par le sénateur républicain du Mississippi Roger Wicker pour savoir si les États-Unis pourraient prendre « des mesures décisives » et imposer une zone d’exclusion aérienne. Wicker a indiqué qu’il avait discuté de la question avec les démocrates, qui ont indiqué qu’ils soutiendraient une telle entreprise si l’intervention des États-Unis recevait un autre nom.

« Pour l’instant, pour que nous contrôlions tout l’espace aérien en Syrie il faudrait que nous faisions la guerre contre la Syrie et la Russie », a répondu Dunford au sénateur. « C’est une décision assez fondamentale qui n’est certainement pas de mon ressort ».

La remarque de Dunford a provoqué une intervention du président du comité, le sénateur républicain John McCain de l’Arizona, qui l’a poussé à préciser que le contrôle total de l’espace aérien syrien nécessiterait la guerre avec la Russie et la Syrie, tandis qu’une zone d’exclusion aérienne pourrait éventuellement être imposée sans en arriver là.

Cette audience a donné un aperçu à vous glacer le sang de la réalité des débats en cours au sein de l’État américain et de son armée sur des actions qui pourraient rapidement se transformer en une confrontation avec une Russie, qui dispose d’armes nucléaires, ce qui mettrait l’humanité au bord de la catastrophe.

Dans d’autres remarques à la veille de l’audience du Sénat, Carter et Dunford ont souligné que les États-Unis vont maintenir leur déploiement militaire dans le Moyen-Orient longtemps après la défaite de l’ÉI, le prétexte actuel pour les interventions actuelles en Irak et en Syrie.

À la conférence de l’Association de l’armée de l’air, Dunford a déclaré que « Si vous supposez, comme moi, que nous allons être dans cette région, sinon en Irak, pendant de nombreuses années à venir », les décisions devraient être prises pour la mise en place de quartiers généraux militaires permanents et d’infrastructures de commandement et de contrôle.

« Il est évident et très clair que nous allons être dans cette région pendant un certain temps », a déclaré Carter dans un « discours aux troupes » diffusé en direct sur les médias sociaux. Il a ajouté : « L’ÉI est un gros problème, mais nous allons le regeler par sa défaite. Mais nous avons l’Iran à côté, nous avons d’autres questions au Moyen-Orient ».

En d’autres termes, Washington prévoit la poursuite de ses interminables guerres au Moyen-Orient, y compris une action militaire dirigée contre l’Iran, dans le but d’imposer l’hégémonie américaine sur les vastes ressources énergétiques de la région et d’affaiblir stratégiquement les principales cibles de l’agression américaine impérialiste, la Russie et la Chine.

(Article paru d’abord en anglais le 24 septembre 2016)

Loading