L’ISO appuie Jill Stein du Parti vert en la présentant comme «anticapitaliste»

Dans un article publié le 9 août, intitulé «A new road ahead for the Green Party» («Une nouvelle voie pour le Parti vert»), l’International Socialist Organization (ISO) donne son appui total au parti vert des États-Unis ainsi qu’aux résultats de sa convention nationale, où Jill Stein a été nommée candidate présidentielle du parti. La convention a eu lieu à l’Université de Houston, du 4 au 7 août.

À la suite de la déclaration de Bernie Sanders où il a affirmé son soutien à Hillary Clinton dans les élections présidentielles, d’autres groupes de la pseudo-gauche ont appuyé Stein, dont Socialist Alternative et Solidarity.

L’ISO commence l'article en défendant la campagne de Sanders. On peut lire que «Stein et les verts ont gagné l'intérêt de la nation dans la couverture médiatique de la course présidentielle, surtout après que la campagne non conformiste de Bernie Sanders pour la nomination à la tête du Parti démocrate a échoué de peu. Ses millions de partisans évaluent maintenant leurs options pour novembre.»

L'affirmation que Sanders – qui s’est présenté pour les démocrates et s’est allié avec eux durant ses 25 ans au Congrès – «est non conformiste» et que sa campagne a «échoué de peu» est une fraude politique. Tout en s'affichant comme un «socialiste démocratique», Sanders a présenté un programme de piètres réformes libérales combinées à un nationalisme économique et un soutien pour la politique étrangère impérialiste et militariste de l’administration Obama. Il a clairement rejeté toute remise en question de la propriété capitaliste des sociétés et des banques.

La campagne de Sanders a reçu un vaste soutien grâce à ses dénonciations de Wall Street et de l’inégalité sociale. Des millions de personnes qui ont voté pour lui dans les primaires l’ont fait parce qu’elles cherchaient une solution socialiste au capitalisme. Sa campagne s’est terminée de façon prévisible avec une capitulation lâche devant Clinton, qui selon lui va continuer sa soi-disant révolution politique. Comme le World Socialist Web Site l’avait averti, le seul but de la campagne de Sanders était de canaliser la radicalisation grandissante des travailleurs et des jeunes dans le Parti démocrate.

L’ISO poursuit en appuyant la promotion des politiques identitaires par le Parti vert. L’article se réjouit du fait que «l’influence de mouvements comme Black Lives Matter a rendu centraux les enjeux de la suprématie blanche et de la lutte contre le racisme.» L’ISO soutient particulièrement les contributions faites par YahNé Ndgo, un ancien partisan de Sanders.

Commentant le discours d’ouverture de Ndgo, l’ISO écrit qu’elle «a montré l’importance des anciens partisans de Bernie Sanders qui entrent dans le Parti vert en lui apportant une énergie et une vision nouvelles». Au dernier jour de la convention, Ndgo a dit à son audience: «Je voudrais que toutes les personnes racistes se lèvent.» Quand certains délégués verts se sont levés, elle a encouragé les autres à faire de même. Elle a poursuivi: «Tous les Américains ont été programmés à être raciste entre eux et envers nous-mêmes.»

En appuyant l’accent mis par Ndgo et les verts sur la «suprématie blanche» et l’affirmation que l’entièreté du pays est raciste, l’ISO défend le Parti démocrate et l’establishement en entier dans leurs tentatives de diviser la classe ouvrière et détourner l’attention des enjeux fondamentaux, comme l’inégalité sociale et la guerre.

Dans son évaluation de la convention des verts, l’ISO fait l’éloge du parti pour son adoption de l’amendement 835 à la plateforme. Elle écrit: «Pendant la convention, un amendement a été ajouté à la plateforme du Parti, faisant des verts un parti explicitement anticapitaliste pour la première fois.» Plus loin, l’article mentionne en passant que l’amendement remplace «de vieilles formules qui appuient un “capitalisme responsable”».

L’ISO affirme qu’un amendement de trois paragraphes dans la plateforme des verts, adopté sans presque aucune discussion, a transformé une organisation qui, depuis des décennies, appuie le capitalisme et agi comme un groupe réformiste faisant de la pression sur le système bipartite en un «parti anticapitaliste».

En réalité, l’amendement est une manœuvre tactique du Parti vert en réponse au succès de la campagne de Sanders et de l’intérêt grandissant des jeunes et des travailleurs pour le socialisme. Les discussions sur l’amendement ont débuté seulement à la mi-mai 2016, alors que Sanders avait déjà gagné 20 primaires et 1438 délégués.

L’article de l’ISO clarifie involontairement le caractère complètement opportuniste de l’amendement à la plateforme des verts et du parti en entier. Ursula Rozum, coprésidente des Jeunes verts et secrétaire du Parti vert de New York, aurait dit que l’amendement a été rédigé parce que «la campagne de Sanders a fait que le “socialisme” fait maintenant partie du débat public, et a probablement changé l’opinion de certains des chefs du parti qui craignaient qu’une position anticapitaliste ouverte marginalise l’organisation».

Une analyse plus approfondie de l’amendement révèle qu’il ne contient absolument rien d’anticapitaliste. Plutôt, c’est un mélange éclectique de formulations anarchisantes et antimarxistes qui rejette la planification centralisée, le contrôle des travailleurs sur les moyens de production et l’hégémonie politique de la classe ouvrière.

L’amendement adopté dit: «Le Parti vert cherche à construire un autre système économique basé sur l’écologie et la décentralisation des pouvoirs. Cet autre système rejette tout autant le système capitaliste qui maintien la propriété privée sur presque toute la production et le système de socialisme étatique qui assume le contrôle des industries sans prise de décision locale et démocratique. On croit que les vieux modèles du capitalisme (propriété privée de la production) et du socialisme étatique (propriété étatique de la production) ne sont pas écologiquement durables, socialement justes ou démocratiques et que les deux intègrent des structures qui font croître les injustices.»

Le texte de l’amendement obscurcit le caractère de classe de l’État et des relations de production, promouvant des illusions qu’il peut exister «un autre système économique» sans abolir la propriété bourgeoise et l’État capitaliste.

Dans L’État et la révolution, écrit pendant la période précédant la Révolution russe d’octobre 1917, Vladimir Lénine caractérise l’État comme un instrument de domination de classe, utilisé dans la société capitaliste par la bourgeoisie pour réprimer la classe ouvrière et maintenir la domination des capitalistes sur la vie économique. Il écrit: «Le renversement de la bourgeoisie est réalisable seulement dans la transformation du prolétariat en classe dirigeante, capable d’écraser la résistance désespérée et inévitable de la bourgeoisie, et d’organiser, pour le nouvel ordre économique, toutes les masses opprimées et exploitées.»

Si les verts s’opposent au «socialisme étatique (propriété étatique de la production)», donc, de la formation d’un État ouvrier, alors quelle classe gouvernera? L’État n’est pas un arbitre neutre, c’est un instrument de domination de classe. Il est présentement contrôlé par l’élite corporative et financière, qui impose la politique étrangère et intérieure. Sans une révolution de la classe ouvrière, l’État va continuer de fonctionner dans l’intérêt des capitalistes, menant des politiques d’austérité et de guerre.

Au lieu de fournir une analyse de classe, les verts présentent une nébuleuse, anarchisante et essentiellement primitiviste notion de décentralisation, de contrôle communautaire et d’autonomie locale. Ils écrivent: «Nous construirons une économie basée sur des travaux verts publics et à grande échelle, la municipalisation, et la démocratie en milieu de travail et en communauté. Certains appellent ce système décentralisé du “socialisme écologique”, du “communautarisme” ou une “communauté coopérative”.

Pour finir, l’amendement prétend que la «propriété diversifiée de la production décentraliserait le pouvoir sur les lieux de travail, ce qui décentraliserait le pouvoir économique dans l’ensemble.»

L’utilisation de termes comme «diversifiée», ainsi que de plusieurs autres termes ambigus dans le document, comme «communauté» au lieu de «classe», est intentionnellement vague. D'aucune façon la «propriété diversifiée» n’exclut la propriété privée. Ça implique aussi une référence aux politiques identitaires et la demande pour une augmentation de la diversité de genre et de race dans les conseils d'administration des sociétés.

L’ISO affirme que cet amendement a transformé les verts en parti anticapitaliste, mais leur plateforme en entier répète leur soutien pour le capitalisme américain.

La plateforme, initialement adoptée en juillet 2014, maintien la position malthusienne qu’une abstraite et anhistorique «surpopulation» et une «consommation non viable» sont la source de la dégradation de l'environnement, au lieu de l’exploitation des travailleurs et du pillage de l’environnement par la classe capitaliste.

Une section particulièrement révélatrice intitulée «Travail et création d’emplois» expose leur hostilité envers la classe ouvrière américaine. Ils écrivent qu’ils veulent «réduire la consommation pour minimiser l'externalisation – l’exportation d’emplois à d’autres pays – réduisant ainsi le prix relatif de l’utilisation de travailleurs américains.»

En d’autres mots, les verts au pouvoir vont décréter des réductions de salaire et de l’austérité dans le but de transformer les États-Unis en une économie à bas salaires mûre pour l’exploitation. Le caractère réactionnaire de leur inquiétude quant à la «surconsommation» est entièrement exposé dans cette proposition.

Tout en acclamant le Parti vert, l’ISO a choisi de ne faire aucune mention de la rhétorique antiguerre utilisée par Stein et d’autres à la convention. Dans son discours de remerciement, Stein a déclaré: «En tenant compte du changement climatique, des armes nucléaires et de cette course folle vers l’armement nucléaire dans laquelle on fonce à tête baissée et de ces guerres sans fin qui se retournent contre nous partout dans le monde, on ne peut pas seulement attendre que ça passe.»

Stein est restée intentionnellement vague dans ses dénonciations de la guerre. Elle n’a fait aucune référence à l’«impérialisme», à «Obama», «Bush» ou «Clinton», ou fait référence concrètement aux nombreuses guerres et atrocités commises par l’impérialisme américain pendant le dernier quart de siècle qui ont causé la mort de plus d’un million de personnes. Elle a aussi réitéré l'appui du Parti vert pour des interventions justifiées par la défense des «droits de l'homme» et qui ont l’approbation des Nations Unies.

L’omission de l’ISO était sans aucun doute intentionnelle. Avant la convention des verts, elle a publié un autre article encourageant le Parti vert à appuyer ouvertement la «révolution» soutenue par les États-Unis en Syrie. L’ISO a critiqué Stein, disant qu’elle avait «parfois minimisé l’importance du rôle d’autres puissances impérialistes, comme la Russie, qui intervient pour faire respecter ses propres intérêts».

L’ISO a aussi critiqué le candidat à la vice-présidence de Stein, Ajamu Baraka, pour avoir écrit «des articles qui minimisent l’ampleur de la répression exercée par le régime de Bashar al-Assad en Syrie contre l’opposition révolutionnaire, tout en renforçant le mythe que le régime d'Assad représente une expression de “souveraineté nationale” contre l’impérialisme américain».

L'ISO s’est spécialisée à présenter la guerre civile en Syrie soutenue par l’impérialisme, et dirigée par des organisations islamiques fondamentalistes, comme une «révolution», et à dépeindre tous ceux qui la dénoncent comme des partisans d’Assad et de Poutine. Sa classification de la Russie comme «impérialiste» répète la propagande de guerre de l’administration Obama et de ses porte-parole des médias qui utilisent cette appellation comme un qualificatif contre la Russie et la Chine dans le but de justifier une intervention militaire future contre elles.

(Article paru d'abord en anglais le 23 août 2016)

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