Des émeutes éclatent après qu’un jeune a été sexuellement agressé par la police à Aulnay-sous-Bois

Des émeutes ont éclaté samedi soir dans un quartier défavorisé d’Aulnay-sous-Bois, dans la banlieue nord-est de Paris, pour protester contre la brutalité policière. Quatre officiers ont été accusés d’avoir utilisé une violence excessive et d’avoir violé Théo, un jeune innocent de 22 ans, avec une matraque de police.

L’incident a suscité l’indignation populaire le samedi et le dimanche soir, avec des affrontements mineurs et des incendies dans le vaste quartier populaire des 3000. Une voiture a été incendiée et des abris d’autobus brisés. Le dimanche, la police antiémeute a été déployée et a arrêté au moins cinq personnes.

L’agression a eu lieu jeudi après-midi, lorsque quatre policiers sont arrivés dans le quartier des 3000 et ont commencé à faire des contrôles d’identité des jeunes. Durant l’opération, Théo aurait été plaqué au sol et battu par les policiers, dont l’un d’eux aurait attaqué Théo avec une matraque. Théo a subi des blessures anales de 10 centimètres de profondeur, nécessitant une chirurgie immédiate, ainsi que des blessures à la tête et au visage.

Hier, BFM TV a diffusé un enregistrement dans lequel Théo raconte son arrestation et son agression barbare par la police.

Théo a dit : « Il me regarde, j’étais de dos, mais j’étais en trois quarts, donc je voyais ce qu’il faisait derrière moi. Il prend sa matraque et il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement. Dès qu’il m’a fait ça, je suis tombé sur le ventre, j’avais plus de force. Là il me dit les mains dans le dos, j’ai dû mettre mes mains dans le dos, ils m’ont mis les menottes et là ils m’ont dit assieds-toi maintenant, je leur ai dit j’arrive pas à m’asseoir, je sens plus mes fesses, et ils m’ont mis des gaz lacrymogènes dans la tête, dans la bouche, un coup de matraque en pleine tête, et moi j’avais tellement mal aux fesses que cette douleur-là semblait éphémère. »

« J’avais du mal à marcher, je n’étais même pas moi-même. Je croyais que j’allais mourir, je marchais, mais parce qu’ils me tenaient bien. »

Théo a raconté qu’une fois à l’intérieur du véhicule de police, la police l’a battu et insulté, le traitant d’« espèce de salope » et « bamboula ». Il leur a fallu plusieurs heures pour appeler une ambulance.

Théo a dit : « Le Samu me retourne, il regarde la plaie et me dit là c’est très grave, il y a au moins 5 ou 6 centimètres d’ouverture, faut l’opérer le plus rapidement possible. […] Ils ont dit que j’avais perdu beaucoup de sang. […] Le coup de bâton dans les fesses qu’ils m’ont mis, ça m’a marqué à vie, c’est une chose que je ne souhaite à personne, physiquement je suis très diminué, j’arrive pas à bouger, là comme vous me voyez ça fait trois heures que je suis comme ça. […] Je dors pas la nuit ». 

Des sources judiciaires disent que les images montrent que deux policiers « tentent de maîtriser » Théo, à l’instant où il intervenait pour protéger un ami. « Assez rapidement, ils font usage de gaz lacrymogène. » Un des policiers « sort sa matraque télescopique et porte des coups au niveau des jambes de l’individu, dans l’idée, on pense, de faire fléchir ses genoux. » La source a ajouté que : « Sur la vidéo, on voit un coup de matraque télescopique, à l’horizontale, vers la victime. Le coup traverse le caleçon, nous pensons que c’est celui-ci qui entraîne la blessure. » 

Au début, le parquet de Bobigny a tenté de dissimuler la brutalité policière, ouvrant une enquête judiciaire simplement pour « violence ». Il a publié une déclaration qui affirme : « Les policiers procédaient au contrôle de l’identité d’une dizaine de personnes après avoir entendu les cris caractéristiques des guetteurs de points de vente de stupéfiants. » Au cours de cette opération, ils « tentaient de procéder à l’interpellation d’un homme de 22 ans » et « au regard de la résistance de ce dernier », ils ont fait « l’usage de gaz lacrymogène et, pour l’un d’entre eux, d’une matraque télescopique. »

Après que des images vidéo sur Internet ont clairement révélé des brutalités policières contre Théo, Bruno Beschizza, le maire de droite d’Aulnay-sous-Bois et ancien policier, a été contraint de condamner la violence. Qualifiant la décision du parquet d’ouvrir une enquête pour violence et non pour viol de « détournement de la vérité » il a déclaré que « la police est là pour protéger et non humilier nos concitoyens ».

Dimanche, le juge d’instruction chargé du dossier a décidé d’inculper l’officier qui a utilisé la matraque télescopique pour viol. Les quatre officiers, qui nient les accusations, ont été suspendus.

L’agression barbare infligée à Théo est le produit de nombreuses années pendant lesquelles la police a pu traiter brutalement et impunément les résidents de banlieues ouvrières en France. Cela n’a fait qu’empirer lorsque la police a reçu des pouvoirs extraordinaires en vertu de l’état d’urgence qui est effectivement permanent en France, constamment prolongé depuis les attentats terroristes de novembre 2015 à Paris. En même temps, l’influence et le prestige politique du Front national néo-fasciste parmi les fonctionnaires de police ont continué à progresser.

Aulnay est une ville dévastée, souffrant de conditions sociales déplorables, en particulier du chômage qui monte en flèche. Ces dernières années, elle a été le lieu d’émeutes de masse opposant la police à la population, notamment en 2005 et 2007.

Cette crise sociale est le produit de décennies de politiques réactionnaires menées par les gouvernements successifs de toutes les couleurs politiques. Il y a trois ans, le gouvernement du Parti socialiste (PS), avec l’aide des syndicats, a fermé l’usine automobile de PSA Peugeot-Citroën à Aulnay, éliminant ainsi 3000 emplois.

Benoît Hamon, candidat à la présidentielle du PS, a rituellement appelé à une « enquête déterminée et transparente », pour tenter de dissiper la colère croissante chez les jeunes de banlieue. Il a tweeté un message disant, « Les policiers représentent la République qui protège. Il y a urgence à rétablir la confiance. » 

Une longue et amère expérience a montré, cependant, que les assurances de personnalités comme Hamon ne valent absolument rien. Chaque fois que la police attaque brutalement les jeunes de ces quartiers, elle bénéficie d’une protection de l’État ; Les accusations contre la police sont régulièrement abandonnées après que la preuve de la brutalité policière soit supprimée ou maquillée.

L’été dernier, Adama Traoré, 24 ans, est mort en garde à vue après son arrestation. Sa mort a déclenché des émeutes dans sa ville natale de Beaumont-sur-Oise. Bien que les rapports d’autopsie aient révélé que Traoré est mort d’asphyxie due à une violence policière excessive, les autorités ont tenté de cacher le fait et l’accusation de meurtre fut classée sans suite. Les manifestations de la famille et des amis ont été limitées au motif de l’état d’urgence.

(Article paru en anglais le 7 février 2017)

 

 

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