Pays-Bas : l’hostilité contre les migrants domine dans les grands partis aux élections

Selon de récents sondages d’opinion, les deux partis gouvernementaux se présentant aux élections législatives le 15 mars prochain seront sanctionnés pour leur brutale politique d’austérité.

Le parti anti-migrants et anti-musulmans de Geert Wilders, le Parti pour la liberté (PVV), devrait profiter le plus des pertes subies par le Parti populaire libéral et démocrate (VVD), dont le leader est le premier ministre Mark Rutte, et son partenaire de coalition, le Parti travailliste (PvdA) social-démocrate. Le PVV se trouve actuellement en tête dans les sondages, tout juste devant le VVD.

Les élections aux Pays-Bas sont d’autant plus importantes que ce pays d’environ 17 millions d’habitants a souvent présagé des tendances qui ont affecté l’Europe dans son ensemble. Des élections présidentielles auront lieu en mai en France et des élections législatives auront lieu en septembre en Allemagne. Là aussi, l’extrême droite espère tirer profit de la politique des partis traditionnels.

Wilders fonde sa campagne sur un mélange de démagogie sociale et de xénophobie et qui est pratiqué depuis des années. Dans une entrevue télévisée il a comparé les mosquées à des « temples nazis » et le Coran à Mein Kampf de Hitler. Wilders insulte les Marocains en les qualifiant de « vermines » et de « racaille. »

Dans son programme électoral, le PVV appelle à une interdiction du Coran, à l’interdiction de construire de nouvelles mosquées, à l’arrêt de l’immigration en provenance des pays islamiques, à l’abolition du droit d’asile, à la fermeture hermétique des frontières, à la sortie de l’Union européenne (UE) et à mettre fin aux financements de l’aide aux pays en voie de développement, de l’énergie éolienne, de l’art et de la radio publique.

En même temps, Wilders recourt à une certaine démagogie sociale. Il promet d’annuler l’augmentation de l’âge de départ à la retraite, ainsi que les coupes aux services des soins aux personnes âgées. De plus, il promet de résilier la franchise obligatoire dans l’assurance maladie.

Le PVV doit cependant surtout son succès au fait que personne n’a sérieusement défié son cap ultra droitier. Au cours de ces dix dernières années, diverses coalitions impliquant tous les partis établis ont préparé le terrain à l’ultra-droite au moyen d’une orgie sans précédent de coupes sociales, faisant des réfugiés et des migrants les boucs émissaires et les rendant responsables de la détérioration des conditions sociales.

Selon les données économiques et sociales officielles, les Pays-Bas font bonne figure au niveau international. Au cours de la dernière année, leurs résultats économiques ont augmenté de 2,1 pour cent tandis que le taux de chômage a diminué à 5,4 pour cent. Ces chiffres dissimulent toutefois d’énormes tensions sociales.

Durant la crise financière mondiale de 2008, l’Appel démocrate-chrétien (CDA) et le gouvernement PvdA avaient injecté plus de 85 milliards d’euros dans le secteur financier pour sauver les banques néerlandaises défaillantes.

Le premier ministre Rutte, dont la VVD a gouverné de 2010 à 2012 en alliance avec l’ADC et avec le PvdA depuis les élections générales de septembre 2012, s’était chargé de récupérer le coût du renflouement des banques grâce à des coupes sociales considérables.

Le marché du travail a été radicalement libéralisé, l’âge de départ à la retraite et la TVA ont été augmentés, le système de santé a été privatisé et les minimas sociaux ont été réduits. Les subventions accordées aux étudiants et aux handicapés ont été réduites également. Le marché de l’immobilier s’est effondré et, à cause de la perte de valeur des biens immobiliers, de nombreuses familles ont perdu une grande partie de leur patrimoine.

La prétendue reprise économique n’a rien fait pour les pauvres et la classe ouvrière. Le nombre de personnes vivant dans la pauvreté a fortement augmenté depuis la crise de 2008. Quelque 1,2 million de personnes, soit près de 8 pour cent de la population, sont encore considérées comme pauvres. Dans les grandes villes – Amsterdam, Rotterdam et La Haye – le taux de chômage se situe entre 13,4 et 14,4 pour cent.

Les enfants et les migrants sont particulièrement touchés par l’augmentation de la pauvreté. Environ 22 pour cent des Néerlandais originaires du Maroc vivent sous le seuil de pauvreté. Environ 12 pour cent de tous les enfants souffrent de la pauvreté. Parmi les enfants issus de l’immigration, ce chiffre atteint 28 pour cent.

Parallèlement, la proportion de travailleurs disposant d’un « emploi sûr » est passée de près de 57 pour cent en 2008 à 30 pour dent en 2014. L’augmentation des emplois à bas salaire fait en sorte que le taux de chômage officiel demeure relativement faible. Mais les sous-employés qui travaillent à temps partiel ou qui sont souvent des travailleurs autonomes, et les soi-disant « travailleurs découragés » qui ont abandonné la recherche d’un emploi, ne sont pas inclus dans ces chiffres. Selon les calculs effectués par la banque centrale néerlandaise, si l’on incluait ces chiffres, le taux de chômage se situerait à 16 pour cent.

Le PvdA social-démocrate a excellé tout particulièrement dans la coupe des prestations sociales. En 2008, Wouter Bos le président de l’époque du parti avait organisé le sauvetage des banques. Et, lorsqu’en 2012 le gouvernement minoritaire du VVD et de l’ADC s’effondrait face à un nouveau programme de mesures d’austérité parce que Wilders avait refusé de les soutenir au parlement, le PvdA prit lui-même le relais.

Six ministres du PvdA occupent des postes au gouvernement actuel, y compris le chef du parti et son candidat tête de liste, Lodewijk Asscher, qui occupe la fonction de ministre des Affaires sociales et de l’Emploi et celle de vice-premier ministre. Le ministre des Finances, Jeroen Dijsselbloem, est également issu du PvdA. Depuis janvier 2013, il est le président de l’Eurogroupe (la réunion mensuelle et informelle des ministres des Finances des États de la zone euro) et supervise à ce titre la politique d’austérité brutale en Grèce et dans d’autres pays lourdement grevés par la dette.

Le PvdA a également veillé par le biais de ses liens avec la Confédération syndicale des Pays-Bas (FNV) à ce que les protestations des travailleurs de 2013 contre les mesures d’austérité du gouvernement soient maîtrisées.

Alors que les dépenses sociales diminuent, les dépenses militaires et sécuritaires augmentent. Le budget consacré à la police et au système judiciaire a augmenté de 700 millions d’euros au cours des deux dernières années. D’ici à 2020, le budget de la défense s’accroîtra d’un milliard d’euros. Les troupes néerlandaises participent entre autres aux côtés des États-Unis à la guerre en Syrie, soi-disant pour former des forces irakiennes et kurdes en vue de combattre l’ÉI, et au Mali aux côtés des troupes allemandes.

Le renforcement de l’appareil d’État néerlandais va de pair avec de violentes attaques contre les droits démocratiques, en premier lieu ceux des réfugiés et des immigrés. Dès 2010, les lois relatives au droit d’asile, jadis libérales, ont été fortement resserrées. L’organisation de défense des droits de l’Homme, Human Rights Watch, les considère maintenant comme les plus rigoureuses de l’UE.

Les demandeurs d’asile ne reçoivent qu’un approvisionnement minimum, qui est habituellement appelé « lit, bain et pain ». Les réfugiés déboutés disposent de 28 jours pour quitter le pays. Même si la déportation est impossible pour des raisons juridiques, les réfugiés n’ont plus le droit aux aides publiques et sont condamnés à devenir des sans-abri.

Le port de la burqa et du niqab est interdit dans les bâtiments publics, dans les transports publics, dans les hôpitaux et les écoles, bien qu’il n’y ait aux Pays-Bas que 100 femmes musulmanes à porter un voile couvrant leur visage. Dans son dernier rapport annuel, Amnesty International a critiqué le fait qu’à l’avenir la police et les services secrets hollandais soient autorisés à appliquer des mesures de surveillance de grande envergure alors que les « individus [supposés] dangereux et terroristes » sont privés de leurs droits.

Le gouvernement néerlandais manifeste une hostilité flagrante et de l’arrogance à l’égard de la population. Lorsque l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine fut rejeté l’année dernière lors d’un référendum, Rutte a bafoué la décision en ratifiant l’accord quand même.

À l’ouverture de la campagne électorale, Rutte a repris à son compte les tirades xénophobes de Wilders. Le 23 janvier, il a publié une lettre ouverte dans les sept plus grands quotidiens du pays, demandant aux immigrants de s’adapter aux « normes et aux valeurs hollandaises ». Le premier ministre a déclaré : « Nous éprouvons un sentiment de malaise grandissant lorsque des gens abusent de notre liberté pour désorganiser le pays, alors qu’ils sont précisément venus ici à cause de cette liberté. » Il a brandi la menace : « Comportez-vous normalement ou partez. »

Le dirigeant du PvdA, Asscher, s’est engagé dans la même voie. Il réclame une réglementation plus stricte sur l’immigration, la défense de l'« identité » néerlandaise et un « patriotisme progressif. »

C’est ainsi que Rutte et Asscher font directement le jeu de la propagande anti-migrant de Wilders. Avant 2005, Wilders était un membre du groupe parlementaire du VVD et passait pour le mentor de Rutte. Il avait rompu avec le VVD sur la question de l’entrée de la Turquie dans l’UE et avait lancé l’extrême-droite PVV.

Trois semaines avant les élections, le PVV de Wilders est au coude à coude avec le VVD de Rutte dans les sondages. Les deux partis disposeraient chacun de 23 à 28 sièges sur les 150 que compte le parlement.

Le PvdA risque de chuter de 38 à moins de 10 sièges. Sa part du vote dans les sondages a dégringolé de 25,3 à 8 pour cent.

Le Parti socialiste (SP), fondé en 1971 comme organisation maoïste (Parti communiste néerlandais/marxiste-léniniste), s’est montré incapable de tirer profit de l’effondrement du PvdA. Après avoir remporté 25 sièges en 2010 et 15 sièges en 2012, l’on prévoit maintenant qu’il ne recueille que 11 à 13 sièges en dépit de la crise sociale.

Le SP, qui n’est « socialiste » que de nom, avance un programme strictement nationaliste et tente de le masquer de promesses creuses de réforme. Son candidat principal, Emile Roemer, approuve la campagne sur la loi et l’ordre des autres partis et demande une augmentation des effectifs et du matériel de la police.

Outre le PVV de Wilders, le CDA, les Verts de Groen-Links et les démocrates libéraux de gauche de D66 s’attendent aussi à remporter plus de voix. Chacun escompte recueillir autour de 11 pour cent des voix, soit 15 à 16 sièges. Les résultats définitifs des élections sont toutefois loin d’être certains. Selon I&O Research, 77 pour cent des électeurs sont encore indécis.

Puisque aucun parti n’est susceptible d’obtenir une majorité de sièges, le SP spécule désormais sur la possibilité de pouvoir former une coalition avec les sociaux-démocrates et Groen-Links. Selon son chef Roemer, le SP reste ouvert à toute coalition « sauf avec Wilders et Rutte ».

Rutte a également exclu la possibilité d’une coalition avec Wilders mais, selon les sondages, plus des trois quarts des électeurs s’attendent à ce qu’il revienne sur sa promesse.

(Article original paru le 27 février 2017)

 

 

 

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