Le Premier ministre néerlandais s’impose contre le concurrent d’extrême-droite

Aux élections législatives néerlandaises du 15 mars, le Parti pour la liberté (PVV) d’extrême-droite de Geert Wilders n’a pas réalisé la percée escomptée depuis longtemps. Avec 13,1 pour cent des voix, il est arrivé en deuxième place derrière les libéraux de droite (VVD) du premier ministre Mark Rutte qui a remporté l’élection avec 21,3 pour cent des voix.

Toutefois, les résultats plus médiocres que prévu de Wilders ne signent pas la fin du virage prononcé vers la droite de la politique européenne. Le VVD de Rutte et les chrétiens-démocrates (CDA), qui sont arrivés en troisième position avec 12,4 pour cent, ont en grande partie adopté le discours xénophobe et anti-islamique de Wilders qui a donné le ton à l’ensemble des élections. Leur seule différence avec Wilders concerne l’Union européenne. Alors que Wilders appelle à un référendum sur la sortie de l’UE, le VVD de Rutte et la plupart des autres partis bourgeois la défendent farouchement.

Wilders continuera à jouer un rôle politique majeur. Tout en ne répondant pas aux attentes suscitées par les sondages, il a amélioré son vote de 3 pour cent depuis les élections de 2012. « Électeurs PVV, je vous remercie ! Nous avons gagné des sièges ! Le premier succès est acquis. Et Rutte n’est pas encore débarrassé de moi !! » fut sa première réaction sur Twitter aux résultats électoraux.

Malgré la victoire de Rutte, le vote de la coalition au pouvoir s’est effondré en réduisant quasi de moitié le nombre de ses sièges au parlement qui passent de 79 à 42. Cela est loin des 76 sièges requis pour former une majorité au parlement qui en compte 150.

Alors que les libéraux de droite de Rutte ont perdu huit des 41 sièges détenus précédemment, le plus grand perdant de l’élection a été leur partenaire de la coalition sortante, le parti travailliste (PvdA). Le PvdA a été puni pour son soutien de l’austérité et ses attaques massives contre les programmes sociaux. Son vote a chuté de 25 à moins de 6 pour cent. Avec neuf sièges seulement, il recule maintenant à la septième place, derrière les Verts et le Parti socialiste ex-maoïste.

Le vote du Parti socialiste, qui avait soutenu la politique anti-immigrant des principaux partis bourgeois, a légèrement baissé en passant de 9,6 à 9,1 pour cent. En revanche, le score de la Gauche-écologiste a quadruplé en passant de 2,3 à 9 pour cent. Parmi les votants de moins de 34 ans, il a recueilli plus d’un tiers des voix et, à Amsterdam, il a été le parti le plus fort, en étant crédité de près d’un cinquième des voix.

L’ensemble de la campagne électorale a été fortement polarisé. Cela s’est traduit par une forte participation de 82 pour cent, la plus élevée depuis 31 ans et une hausse de 6 pour cent par rapport aux dernières élections.

La Gauche verte, tout comme les autres partis plus petits et les libéraux de gauche (D66), qui ont fait passer leur score de 8 à 12,1 pour cent, ont sensiblement tiré profit de l’opposition à la campagne fascisante menée par Wilders, notamment parmi les jeunes. Mais, tant les Verts que D66 cherchent à canaliser l’opposition à Wilders derrière un soutien résolu en faveur de l’UE et sont tout à fait disposés à appuyer un gouvernement de droite dirigé par Rutte. En se basant sur des sections de la classe moyenne, ils jouent un rôle similaire à celui qu’ont joué aux États-Unis les partis concernés qui avaient tenté de détourner l’opposition contre Trump dans l’impasse du belliciste Parti démocrate pro-Wall Street.

Partout en Europe, les gouvernements ont accueilli les résultats des élections néerlandaises avec soulagement. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, a déclaré qu’il s’agissait d’une « victoire pour l’Europe ». Il s’est dit optimiste quant aux prochaines élections en France. Le responsable de la chancellerie d’Angela Merkel, Peter Altmaier, a écrit sur son compte Twitter : « Les Pays-Bas, oh les Pays-Bas, vous êtes des champions ! […] Félicitations pour ce résultat fantastique. »

Paolo Gentiloni, le Premier ministre italien, a dit que la « droite anti-UE a perdu les élections » en exhortant ses sympathisants à œuvrer pour « revitaliser l’Union ».

Le président François Hollande a pontifié que « Les valeurs d’ouverture, de respect de l’autre et de foi en l’avenir de l’Europe sont la seule véritable réponse aux pulsions nationalistes et de repli sur soi qui secouent le monde. »

Wilders est un symptôme et non la cause du virage à droite opéré par la politique européenne. Ce tournant est la réponse des partis bourgeois à une profonde crise de la société capitaliste aux Pays-Bas et à travers le continent.

Ni l’UE ni aucun des gouvernements européens ne s’opposent à la ligne xénophobe et anti-islam de Wilders. Le mauvais traitement et le refus infligés aux refuges sont devenus depuis longtemps la politique officielle de l’UE.

Au début du mois, Rutte avait publié une lettre ouverte aux immigrants, leur disant : « Si vous ne vous plaisez pas ici, partez. » Et, il y a trois jours, il avait organisé une provocation calculée contre le gouvernement turc en interdisant à ses ministres d’entrer aux Pays-Bas dans une tentative de déchaîner l’hystérie nationaliste et récupérer une partie du soutien potentiel de Wilders.

Le seul souci de Merkel, de Hollande, de Gentiloni et des autres est la défense de l’UE comme base pour l’intensification du militarisme, y compris des interventions de style colonial et d’une action hostile contre la Russie, ainsi que pour le développement à l’intérieur du pays de mesures répressives dignes d’un État policier et des mesures d’austérité encore plus brutales contre la classe ouvrière.

L’idée, qu’après que Wilders ait eu le vent en poupe grâce au Brexit et à l’élection de Donald Trump, son revers électoral va compromettre les perspectives de Marine le Pen du Front national à l’élection présidentielle française semble naïve.

Le parti de Le Pen a des racines organisationnelles et historiques beaucoup plus fortes que le PVV, qui est plutôt le spectacle d’un homme-orchestre. Le FN a su mieux tirer parti des trahisons du gouvernement du Parti socialiste, de la crise de François Fillon et de la droite gaulliste ainsi que du programme économique néo-libéral du candidat actuellement donné favori pour remporter les présidentielles, l’indépendant Emmanuel Macron. Le FN combine l’hostilité à l’UE à la prétention de représenter les intérêts de la « population laborieuse » face à l’establishment.

Pour les Pays-Bas, l’élection ouvre ce qui est probablement une période d’instabilité politique massive et de violentes luttes politiques et de classe. Ce petit pays de 17 millions d’habitants est déchiré par de profondes divisions sociales et culturelles. En tant qu’ancienne puissance coloniale, il dispose d’une vaste communauté issue de l’immigration qui a été durement touchée par l’inégalité sociale croissante. Des villes libérales telles Amsterdam contrastent avec la religieuse « ceinture de la bible », l’une des régions les plus conservatrices d’Europe.

Durant la période d’après-guerre, ces contradictions avaient été comblées par une culture élaborée de consensus politique qui avait trouvé sa plus haute expression dans la collaboration pratiquée depuis les années 1980 par la droite néolibérale, le Parti travailliste et les syndicats pour démanteler les acquis sociaux antérieurs de la classe ouvrière. Cela a conduit à une forte polarisation sociale et au quasi effondrement de la « gauche » bourgeoise.

La situation politique aux Pays-Bas rappelle les conditions qui existaient sous l’Allemagne de Weimar entre 1919 et 1933, où un parlement paralysé par des conflits intenses avait présidé aux conditions qui ont mené à l’arrivée au pouvoir d’Hitler.

Avec à peine plus d’un cinquième des sièges dans un parlement où entre 14 et 15 partis sont représentés, et dans un pays profondément divisé, Rutte a besoin d’au moins trois, sinon quatre partenaires de coalition pour former un gouvernement viable. Il faudra donc plusieurs semaines, sinon des mois d’intenses marchandages d’arrière-boutique pour parvenir à une nouvelle coalition.

Tout dépend désormais de l’intervention indépendante de la classe ouvrière. Cela nécessite la création d’une section néerlandaise du Comité international de la Quatrième Internationale qui soit à la fois opposée au nationalisme et à l’Union européenne, capable de travailler à travers l’Europe et à l’échelle internationale avec des camarades ayant les mêmes principes dans le but d’unir, sur la base d’un programme socialiste, les travailleurs de tous les pays en vue du renversement du capitalisme.

(Article original paru le 17 mars 2017)

Loading