L’introduction en bourse de Snap : Le programme de Trump alimente une orgie spéculative

Les actions de Snap Inc., éditeur de l’application de messagerie Snapchat, ont bondi de 44 pour cent jeudi après son introduction en bourse (IPO). La société, qui compte un nombre infime d’employés, n’a jamais réalisé de profit et a perdu 514,6 millions de dollars l’an dernier, vaut maintenant plus que Target, un géant de la grande distribution qui emploie plus de 300 000 personnes.

En quelques secondes de négociations du titre, plus ou moins une heure et demie après la cloche d’ouverture, la richesse de chacun des deux cofondateurs de l’entreprise, Evan Spiegel et Bobby Murphy, a été portée à 5,3 milliards, les actions bondissant d’un prix initial de 17 dollars à plus de 24 dollars – un bond de 44 pour cent. Elles ont augmenté encore plus au cours de la journée avant de retomber légèrement à la clôture de la négociation. D’autres ont également profité, y compris les sociétés de capital-risque Benchmark Capital et Lightspeed Venture Partners, qui ont réalisé respectivement 903 millions de dollars et 613 millions de dollars.

L’explosion de la valeur des actions Snap illustre deux processus liés. C’est une autre preuve de la montée du parasitisme au cœur de l’économie américaine et du système financier. En même temps, c’est une autre approbation manifeste par Wall Street et les élites financières américaines des politiques du gouvernement Trump qui visent à lâcher les « instincts animaux » de la course capitaliste à l’argent, libérés de tout contrôle ou réglementation gouvernementale.

Le fait que Snap Inc. ait averti qu’il se peut qu’elle ne puisse jamais faire un profit n’a pas empêché une ruée sur les actions. Les spéculateurs n’ont pas salivé à la perspective que les 158 millions d’utilisateurs de Snapchat, envoyant chaque jour plus de 2,5 milliards d’images et de messages et pour la plupart âgés de 18 à 34 ans, puissent être une source lucrative de revenus. Au contraire, la ruée a été motivée par la perspective à très court terme, mesurée en minutes ou même en secondes, qu’il y avait d’immenses gains immédiats à faire sur une hausse de la valeur de ses actions.

La réaction au lancement de Snap a été saluée à Wall Street comme un signe que le ralentissement des introductions en bourse au cours des deux dernières années était sur sa fin et que d’autres fortunes massives pourraient être faites si d’autres entreprises telles que le service de taxi d’Uber et le service de location Airbnb décidaient de s’introduire en bourse.

L’introduction en bourse de Snap intervient au milieu d’une montée du marché qui a commencé avec l’élection de Donald Trump il y a quatre mois. Depuis le jour de l’élection, le marché a augmenté de 15 pour cent et mercredi l’indice Dow Jones a atteint un nouveau record de 21 000 points après avoir dépassé la barre des 20 000 le 25 janvier.

Elle a eu lieu la même semaine que Trump a annoncé des plans pour augmenter les dépenses militaires des États-Unis du montant énorme de 53 milliards de dollars, compensé par des réductions des dépenses sociales et de l’aide aux autres pays, et alors que son administration organisait une rafle massive de travailleurs sans papiers.

Comme l’a fait remarquer Trump dans son discours au Congrès cette semaine, depuis sa victoire électorale, les valeurs des actions ont augmenté de plus de 300 milliards de dollars. La force motrice de ce processus n’est pas la perspective d’une véritable reprise de l’économie américaine – la croissance devrait se maintenir en dessous de 2 % – mais repose sur la croyance que le gouvernement va supprimer les contraintes légales et administratives sur les profits.

Bref, le type d’arrangements économiques et financiers qui ont caractérisé la carrière commerciale de Trump, la spéculation, l’escroquerie, les bas salaires et toutes sortes d’infractions de la part de ses entreprises, vont maintenant dominer encore plus l’économie américaine dans son ensemble.

Cette perspective a été articulée par le stratège en chef de Trump, l’idéologue fasciste et économiste nationaliste Stephen Bannon, qui a insisté sur le démantèlement de ce qu’il appelle « l’État administratif ».

L’entrée de Snap en bourse est l’expression de ce processus général. Il s’agit d’une entreprise qui ne fabrique rien, qui a très peu d’employés et dont l’évaluation est fondée sur la conviction que c’est un moyen par lequel l’argent sera tout simplement capable d’engendrer plus d’argent via des opérations financières.

Le fait qu’une telle spéculation prenne de plus en plus la première place dans l’accumulation de la richesse est l’expression de la pourriture au cœur même du capitalisme américain. Il résulte du fait qu’il y a des milliards de dollars qui ne trouvent pas de débouché productif dans l’économie réelle et que les investisseurs cherchent de plus en plus à réaliser leurs profits par des manipulations financières.

On voit le même phénomène ailleurs. L’un des principaux moteurs de l’augmentation du marché boursier a été l’augmentation de la valeur des actions des banques, en particulier de Goldman Sachs, dont les anciens dirigeants et employés ont occupé des postes importants dans le gouvernement Trump.

La hausse de la valeur des actions des banques n’est pas le résultat des attentes d’une augmentation des prêts pour les activités productives, mais découle de la croyance que l’administration Trump a l’intention de démanteler les règlements financiers, y compris les mesures extrêmement limitées introduites par la loi Dodd-Frank en réaction à la crise financière de 2008.

De même, la montée en flèche des actions de sociétés comme Caterpillar, impliquées dans des projets d’infrastructure, n’est pas fondée sur de véritables initiatives publiques – malgré la déclaration de Trump dans son discours au Congrès que les infrastructures croulantes seront remplacées par des routes, ponts, tunnels, aéroports et chemins de fer « flambants neufs » sur tout le territoire. Elle repose plutôt sur le fait que, au centre du « programme d’infrastructures » à 1000 milliards de dollars, il y aura des allégements fiscaux et des annulations de dettes pour les grandes entreprises.

Les entreprises d’armement et les entreprises de défense bénéficient également d’une poussée en raison de l’engagement de Trump à augmenter les dépenses militaires au prix de services sociaux essentiels. Et, ce qui jette de l’huile sur le feu, il y a la promesse de réductions d’impôts importantes, tant pour les impôts individuels que pour les entreprises.

La perspective que les sommets de la société américaine, qui se vautrent déjà dans des niveaux obscènes de richesse, vont être encore plus richement récompensés sous l’administration Trump est le contenu essentiel de la frénésie autour de l’introduction de Snap en bourse.

L’élection de Trump marque une nouvelle étape de la contre-révolution sociale lancée sous Obama, dont l’objectif est d’enrichir massivement l’oligarchie financière par l’appauvrissement des travailleurs, le démantèlement des services sociaux et l’élimination ou le manque de mise en œuvre des règlements portant sur la protection de l’environnement, la santé au travail et d’autres aspects des entreprises.

C’est le résultat du système capitaliste, qui, assailli par la crise économique, géopolitique et sociale, ne voit aucune solution à ses maladies internes en dehors de faire reculer la société de plus de cent ans, retournant à l’âge des robber barons (barons voleurs).

Le programme social et économique réactionnaire de Trump, qui a déjà donné lieu aux plus grandes manifestations de masse dans l’histoire des États-Unis, met ce gouvernement sur une trajectoire de collision avec la classe ouvrière. Si les travailleurs veulent le contrer, ils doivent comprendre que Trump n’est pas qu’un individu, qu’il n’est pas juste une tache sur le paysage du système capitaliste qui serait sain par ailleurs, mais qu’il est l’expression la plus pure du capitalisme : le parasitisme, la dictature et le militarisme.

La lutte contre le gouvernement Trump, c’est la lutte contre la classe sociale qu’il représente, l’oligarchie financière américaine, et le système capitaliste. Il faut que la classe ouvrière adopte une stratégie socialiste visant à renverser le capitalisme et à le remplacer par la propriété et le contrôle publics des moyens de production.

(Article paru en anglais le 3 mars 2017)

 

 

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