Le PS claque la porte après le rejet de son offre par les grévistes guyanais

Après le rejet par le collectif "Pou La Gwiyann dékolé" du plan d'investissement en Guyane d'un peu plus d'un milliard d'euros, le PS a refusé le projet proposé par le collectif pour 2,5 milliards d'euros en investissements pour la santé, l'éducation, l'emploi et le logement. Hollande et Cazeneuve veulent laisser les manifestations s'user en jouant sur le temps et les élections présidentielles du 7 mai.

Les grévistes ont réagi en intensifiant leur action. Selon le collectif « Pou La Gwiyann dékolé », ils renforcent les barrages érigés partout en Guyane pour faire « pression » sur le gouvernement PS.

Mardi 4 avril, un rassemblement de 11.000 personnes s'est déroulé devant le Centre spatial guyanais (CSG), d'où décollent les fusées européennes Ariane sur Kourou, au lendemain d'une journée "ville morte" à Cayenne. Un membre du collectif « Pou La Gwiyann dékolé », Manuel Jean-Baptiste, a dit, « Nous ne bougerons pas d'ici. La situation est figée, la Guyane est bloquée. Vous êtes bloqués. Nous voulons les milliards que nous avons demandés ».

Le port de Cayenne, neutralisé par la grève générale, ne décharge plus de containers provoquant la pénurie des produits frais dans les magasins. En revanche, il n'y a pas de pénurie de carburant en raison du fonctionnement du terminal pétrolier, qui n'a pas rejoint le mouvement. Les barrages sur les routes touchent également l'aéroport de Cayenne, aucun fret aérien ne parvient sur ce territoire qui n'est relié à aucun autre port par voie terrestre.

La ministre de l'Outre-mer et le ministre de l'Intérieur qui s'étaient rendus en Guyane le week end dernier pour négocier avec une délégation d'une cinquantaine de personnes n'a pas abouti sur un accord pour mettre fin à la grève générale, qui a débuté lundi 27 mars.

Le premier ministre Bernard Cazeneuve a jugé les exigences guyanaises « irréalistes » en appelant à «renouer les fils du dialogue» après l'échec des négociations : « Nous travaillons sur l'ensemble des revendications d'urgence transmises ces derniers jours, y compris après le départ des ministres. Des réponses seront apportées à chaque demande, je m'y suis engagé. C'est pourquoi je vous annonce qu'un groupe de suivi partenarial va être mis en place, pour poursuivre les discussions et s'assurer, en transparence, que les décisions sont mises en oeuvre sur le terrain ».

Tout en espérant jouer sur le temps et la pénurie financière des grévistes, le PS continue à faire pression pour mettre fin à la grève.

A la fin du conseil des ministres qui s'est tenu mercredi, le gouvernement Cazeneuve par l'intermédiaire de son porte parole Stéphane Le Foll a exigé la levée des barrages : « Dans trois semaines, il y a des élections présidentielles, il faut que les mesures engagées soient prises. Il faut que chacun dans le souci de la parole donnée, on s'engage dans un travail concret. Il y a un retard qui a été pris, des mesures avaient déjà été prises, il y a une accélération donnée. Maintenant mettons-nous tous au travail. Nous souhaitons la levée des barrages ».

Le gouvernement Cazeneuve joue sur les présidentielles du 7 mai pour imposer aux Guyanais l'acceptation du plan d'un milliard d'euros, qu'annulerait en toute probabilité le futur gouvernement après les présidentielles. Leur stratégie dépend avant tout du rôle réactionnaire des fédérations syndicales et de leurs alliés politiques en métropole. Ces derniers sont tous des alliés du PS, et ils n'ont jusqu'ici organisé aucune mobilisation d'ampleur des travailleurs en France en solidarité avec les travailleurs guyanais.

L'année dernière, des manifestations et des grèves en métropole contre la loi travail brisant le code du travail avait nécessité l'utilisation de l'appareil policier pour réprimer les manifestants, dans le contexte de l'état d'urgence du gouvernement Hollande. Après la menace de l'interdiction d'une manifestation du premier ministre de l'époque, Manuel Valls, les syndicats ont mis fin à la grève.

La seule voie pour aller de l'avant en Guyane est de développer un mouvement plus large de l'ensemble des travailleurs, dans les DOM-TOM et en métropole, contre la politique d'austérité menée par la bourgeoisie française et l'Union européenne. Ce mouvement doit impérativement être indépendant non seulement des appareils syndicaux, mais des organisations nationalistes qui exercent leur influence dans la grève guyanaise.

En 2009, une grève générale s'était déroulé en Guadeloupe et en Martinique avec des revendications similaires à celles aujourd'hui en Guyane. Le LKP (Collectif contre l’exploitation outrancière) qui dirigeait la grève en Guadeloupe avait mis fin à la grève après avoir obtenu des miettes de la part du gouvernement Sarkozy alors que les protestations s’étendaient à La Réunion, au large de Madagascar.

Huit ans après la grève générale en Guadeloupe et en Martinique, la situation dans les DOM-TOM et en métropole se sont détériorées avec l'augmentation du chômage et les attaques contre les acquis sociaux du gouvernement Hollande.

Comme le WSWS l'a écrit dans un précédent article sur la Guyane : « Le chômage et la misère ne sont pas des maux temporaires à caractère administratif; ils sont le produit de la faillite du capitalisme, après une décennie d'une profonde crise mondiale, et du PS. »

Les revendications indépendantistes soulevées par l'UTG et les collectifs soulevées pendant les négociations avec les ministres de l'Outre-mer et de l'intérieur afin de « doter [leur] pays, trop éloigné des centres de décisions hexagonaux, d’un statut particulier ». En fait, cette perspective ne mène à rien, sauf à isoler les travailleurs guyanais des luttes de leurs frères et sœurs de classe en France.

L'adoption d'un statut comparable en Nouvelle Calédonie n'a pas permis à cette île du Pacifique, stratégique pour la France, d'améliorer la condition de vie des travailleurs.

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