Le secrétaire d’État américain lance une menace de guerre contre l’Iran

Le secrétaire d’État américain Rex Tillerson a lancé une menace de confrontation militaire avec l’Iran mercredi lors d’une conférence de presse précipitée dans laquelle il a fait un parallèle direct entre l’Iran et la confrontation téméraire et dangereuse de Washington avec la Corée du Nord.

En se référant à l’accord nucléaire négocié entre l’Iran et les principales puissances mondiales, Tillerson a déclaré : « Cet accord représente la même approche échouée du passé qui nous a conduit à la menace imminente actuelle de la Corée du Nord. L’administration Trump n’a pas l’intention de transmettre cette responsabilité pour l’Iran à une future administration. La preuve est claire : les actions provocatrices de l’Iran menacent les États-Unis, la région et le monde. »

Le gouvernement Trump a reconnu mardi que l’Iran a pleinement respecté les termes de l’accord nucléaire qu’il a négocié en juillet 2015 avec les « P5 + 1 » : la Chine, la France, la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis, plus l’Allemagne. Dans le même temps, cependant, elle a signalé qu’elle prépare des mesures conçues pour faire capoter l’accord.

Dans une déclaration formelle requise tous les 90 jours par le Congrès des États-Unis – la première livrée depuis l’entrée en fonctions de Trump – le secrétaire d’État Tillerson a certifié que, au 18 avril, l’Iran respectait ses termes de l’accord qui l’obligeait à plafonner son enrichissement en uranium, réduire son nombre de centrifugeuses de deux tiers et se soumettre à des inspections internationales pour en assurer la conformité. Ces termes devaient bloquer la capacité iranienne de développer une arme nucléaire, ce qui, insiste Téhéran, n’a jamais été son intention.

Cependant, la suite de la déclaration de Tillerson a révélé que l’administration Trump procède à un examen systématique de toutes les sanctions économiques et financières qui ont été abandonnées en échange de l’élimination par l’Iran de son programme nucléaire.

L’Iran, a déclaré le secrétaire d’État, « demeure un des principaux sponsors de la terreur à travers de nombreuses plates-formes et méthodes », et, par conséquent, Trump « a ordonné un examen par toutes les agences dirigées par le Conseil de sécurité nationale du Plan d’action global commun qui évaluera si la suspension des sanctions concernant l’Iran en vertu de la poursuite du JCPOA (Plan d’action global commun, le nom formel de l’accord nucléaire de l’Iran) est essentielle aux intérêts de sécurité nationale des États-Unis. »

Mercredi, le porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer, a esquivé une question directe sur l’intention du gouvernement d’abroger l’accord nucléaire en disant que le « bilan inter-agences » serait conclu en 90 jours et servira de base aux recommandations politiques.

« Nous sommes conscients de tout effet potentiel négatif qu’une action pourrait avoir », a-t-il ajouté, en ce qui concerne la réimposition des sanctions suspendues.

En effet, de tels « effets négatifs » sont précisément le but recherché, conçus pour provoquer l’Iran à répudier ses propres obligations dans le cadre de l’accord nucléaire et créer ainsi le prétexte pour l’agression militaire américaine.

Ainsi, en même temps que Washington pousse le monde au bord d’une confrontation nucléaire potentielle sur la péninsule coréenne, il jette les bases d’une autre guerre catastrophique au Moyen-Orient.

Au cours de sa campagne présidentielle de 2016, Donald Trump a dénoncé à plusieurs reprises l’accord nucléaire de l’Iran comme « le pire des accords jamais négociés » et s’est engagé à « le détruire » une fois qu’il sera élu.

En février, son conseiller à la sécurité nationale maintenant limogé, le général Michael Flynn, a fait irruption dans une séance d’information de la Maison Blanche pour annoncer de façon menaçante qu’il mettait « l’Iran en garde », ce qui impliquait des représailles militaires américaines contre les essais des missiles non nucléaires par l’armée iranienne, qui ne sont pourtant pas interdits par l’accord nucléaire.

Et le mois dernier, le général Joseph Votel, le chef du Commandement central des États-Unis, qui supervise les guerres américaines et les interventions au Moyen-Orient et en Asie centrale, a dénoncé l’Iran comme la « plus grande menace à long terme pour la stabilité » au Moyen-Orient et préconisé une campagne pour « perturber [l’Iran] par des moyens militaires ou par d’autres moyens ».

Cette dernière escalade de menaces est intervenue alors que le secrétaire à la Défense de Trump, le général James Mad Dog Mattis, effectuait une tournée au Moyen-Orient, avec des rencontres prévues avec les principaux ennemis régionaux de l’Iran, dont les monarchies saoudienne et qatarie et Israël.

Mattis aurait préconisé une politique consistant à augmenter l’aide militaire déjà massive des États-Unis et de vente d’armes à la dictature royale saoudienne et une collaboration plus directe des États-Unis dans sa guerre de plus de deux ans contre la population appauvrie du Yémen, qui a tué quelque 12 000 personnes, la plus part des civils, a transformé 3 millions en réfugiés et a laissé une grande partie de la population au bord de la famine.

S’adressant aux journalistes à Riyad après avoir rencontré le roi saoudien Salaman et le Vice-Prince héritier et ministre de la Défense, Mohammed Salman, Mattis a déclaré : « Où que vous regardiez, s’il y a des problèmes dans la région, vous trouverez l’Iran. » Il a ajouté : « Il nous faut surmonter les efforts de l’Iran pour déstabiliser encore un autre pays et créer une autre milice à l’image du Hezbollah libanais, mais en fin de compte, nous sommes sur le bon chemin pour y arriver. »

Les accusations de « déstabilisation » iranienne proviennent de la position objective de l’Iran comme rival de Washington pour l’hégémonie régionale au Moyen-Orient et de sa participation, aux côtés de la Russie, à la défense du gouvernement de la Syrie contre la guerre orchestrée par les États-Unis pour obtenir un changement de régime.

L’hypocrisie de Washington de traiter l’Iran de commanditaire du terrorisme et de source de tous les « problèmes dans la région » est sans vergogne. L’impérialisme américain a mené une série de guerres qui ont tué des millions, renversé les gouvernements et dévasté des sociétés entières. La CIA a armé et financé des groupes terroristes islamistes en Libye, en Irak et en Syrie, y compris ceux directement liés à Al-Qaïda.

Au Yémen, le Pentagone a fourni les avions de combat, les bombes et les missiles qui ont massacré des hommes, des femmes et des enfants, tout en fournissant une assistance de renseignements ainsi que du ravitaillement en vol pour permettre des bombardements 24 heures sur 24 visant à écraser la résistance de la population yéménite et l’obliger à accepter la réimposition du régime de marionnettes du président déchu Abd-Rabbu Mansour Hadi.

Maintenant, le Pentagone se préparerait à aider directement une offensive des Saoudiens et des Émiratis pour conquérir le port yéménite de Hodeida, le dernier lien entre la population affamée du pays et le monde extérieur. Les agences humanitaires ont prévenu qu’une telle attaque pourrait précipiter le pays dans une famine généralisée.

S’exprimant à côté du prince héritier saoudien mercredi, Mattis a offert un hommage obéissant à l'« altesse royale » de 31 ans tout en promettant de « renforcer la résistance de l’Arabie saoudite contre les méfaits de l’Iran et vous rendre plus efficace avec votre armée comme nous travaillons ensemble en tant que partenaires. »

Mattis a poursuivi en déclarant qu’il était dans « l’intérêt des États-Unis de voir un service de sécurité militaire et des services secrets de l’Arabie saoudite forts », et ceci dans un pays où les « services secrets » répriment impitoyablement toute manifestation de dissidence et où la critique de la famille royal est sanctionnée par la décapitation.

Comme pour l’attaque contre la Syrie, l’intensification des tensions avec la Russie et la stratégie de la corde raide nucléaire en cours à l’égard de la Corée du Nord, l’administration Trump a bénéficié du soutien crucial des démocrates pour la marche vers la guerre avec l’Iran. Les principaux membres démocrates de la Chambre et du Sénat se sont joints aux républicains en soutenant l’imposition de nouvelles sanctions. Dès la campagne présidentielle de 2016, les critiques des démocrates envers Trump se sont axées sur la politique étrangère et ceci depuis la droite, en particulier en raison du souci que l’administration Trump se révélerait « trop molle » envers la Russie et, par extension, l’Iran, qui s’est allié avec la Russie en Syrie.

(Article paru en anglais le 20 avril 2017)

 

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