Grève de la construction au Québec

Pour une contre-offensive de la classe ouvrière contre les lois spéciales et pour la défense des services publics!

Le gouvernement du Québec est encore une fois en train de criminaliser une grève des travailleurs de la construction. L’Assemblée nationale se rencontre ce matin pour adopter une loi d’ « urgence » qui enlève aux 175 000 travailleurs syndiqués de la construction leur droit de faire grève et qui les menace de sanctions sévères s’ils ne retournent pas immédiatement au travail. 

En 2013, le gouvernement du Parti québécois avait rendu illégale une grève de 75 000 travailleurs de la construction. Cette fois, c’est le rival fédéraliste du PQ, les libéraux du premier ministre Philippe Couillard, qui donnent leur appui aux patrons de la construction dans leur tentative d’imposer des reculs majeurs, incluant des horaires « flexibles » et des coupes dans le paiement des heures supplémentaires. 

Les travailleurs de la construction sont la cible immédiate de la loi anti-grève des libéraux. Mais c’est toute la classe ouvrière qui est sous attaque. Au Québec, comme partout au Canada et dans le monde, la grande entreprise et l’establishment politique poursuivent un programme de guerre de classe : l’austérité et la guerre. Pendant que la grande entreprise demande sans cesse plus de concessions et des accélérations de cadence, leurs larbins politiques s’affairent à démanteler les services publics vitaux, comme la santé et l’éducation, et à sabrer les retraites et les prestations de chômage.

Et, quand les travailleurs résistent, leurs grèves sont rendues illégales ou, comme dans le cas de la grève étudiante de 2012, la police anti-émeute est déployée contre eux. Les gouvernements fédéraux et provinciaux, peu importe leur couleur, ont adopté une série de lois anti-grèves – y compris contre les travailleurs de Postes Canada, d’Air Canada, de CP Rail, du transport en commun de Toronto ainsi que les professeurs de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. En pratique, la classe dirigeante canadienne a répudié et aboli le plus élémentaire des droits des travailleurs, le droit de faire la grève. 

Les travailleurs face à une lutte politique 

L’intervention du gouvernement libéral Couillard en faveur des patrons de la construction souligne le fait que les travailleurs de la construction font face à une lutte politique : une lutte pas juste contre les entrepreneurs rapaces de la construction, mais aussi contre toute l’élite dirigeante, ses partis politiques et son appareil d’État. 

Les travailleurs de la construction, pas plus que toute autre section de la classe ouvrière, ne peuvent repousser l’assaut conjoint de la grande entreprise et de l’État contre leurs droits élémentaires simplement par une grève limitée, aussi militante soit-elle. 

L’assaut de la classe dirigeante nécessite comme riposte la mobilisation de toute la classe ouvrière, et ce, en tant que force politique indépendante. 

Les travailleurs de la construction devraient défier la loi anti-grève des libéraux et lancer un appel aux travailleurs du Québec, du Canada et d’outremer pour qu’ils se joignent à eux dans une contre-offensive ouvrière contre l’austérité capitaliste et pour la défense d’emplois bien payés, des services publics et des droits des travailleurs. 

Une position ferme contre les demandes de concessions des employeurs et contre toute loi anti-grève du gouvernement libéral gagnerait un puissant appui auprès des travailleurs partout au Canada, aux États-Unis et à travers le monde. 

Les exigences des patrons de la construction font écho à celles des employeurs dans tous les secteurs de l’économie: violation des droits acquis, baisse de salaires et «flexibilité», ce qui signifie sacrifier les conditions de vie des travailleurs afin de produire encore plus de profits. Et partout, les travailleurs sont confrontés à des gouvernements qui foulent aux pieds les droits démocratiques.

Défier la loi anti-grève de Couillard 

Pour appliquer ce programme de lutte, les travailleurs de la construction devront enlever la direction de leur lutte des mains de l’Alliance syndicale de la construction, une coalition de cinq fédérations syndicales de droite qui collaborent avec les patrons depuis des années. 

L’Alliance syndicale et les centrales syndicales du Québec, du Canada et des États-Unis auxquelles elle est affiliée ont plusieurs fois ordonné aux travailleurs d’obéir aux lois anti-syndicales et ont clairement dit qu’elles agiraient de même cette fois encore. 

En 2013, les dirigeants de l’Alliance syndicale ont déclaré qu’on ne pouvait rien faire lorsque le PQ a passé une loi pour forcer un retour au travail des travailleurs de la construction en grève. L’année suivante, face aux menaces des libéraux d’empêcher toute grève des travailleurs de la construction par leur propre loi anti-grève, l’Alliance syndicale a poussé les travailleurs de la construction à accepter des conventions collectives remplies de concessions. 

En 2017, ils font encore tout ce qu’ils peuvent pour démobiliser les travailleurs. Il est évident depuis le tout début des négociations que les employeurs comptaient sur l’appui du gouvernement pour forcer l’adoption de leurs demandes de concessions. Et malgré cela, les syndicats ont gardé un silence radio sur la menace d’une brutale loi anti-grève jusqu’à ce que le gouvernement admette ouvertement le 12 mai qu’il prévoyait criminaliser toute grève qui allait être déclenchée. Ils ont ensuite condamné le gouvernement… en paroles, signalant qu’ils allaient ordonner aux travailleurs d’abdiquer devant une telle attaque. 

En raison de leur programme nationaliste et pro-capitaliste, les syndicats au Canada, comme partout dans le monde, sont devenus au cours des trois dernières décennies le prolongement du patronat. Ils répriment systématiquement toute résistance des travailleurs et les enchaînent politiquement aux partis qui se disent de gauche – le PQ au Québec, les démocrates aux États-Unis, le Parti socialiste en France. En réalité, ces partis appliquent entièrement le programme de l’élite dirigeante, à savoir l’austérité, de vastes attaques sur les droits démocratiques et la guerre. 

Les syndicats, de plus en plus ouvertement intégrés à la gestion d’entreprise à travers diverses ententes corporatistes, ont développé des intérêts différents de ceux des membres qu’ils prétendent représenter, et même en opposition à eux. 

La plus importante des cinq fédérations syndicales du Québec, la Fédération des travailleurs du Québec, gère le Fonds de solidarité qui, avec plus de 10 milliards $ d’actifs, est le plus gros fonds de capital-risque de la province. Sur une base quotidienne, les dirigeants de la FTQ négocient des ententes avec les banques et les patrons, y compris les grandes sociétés d’ingénierie et de construction, dans le but de faire fructifier les profits des investisseurs et bâtir des entreprises québécoises «mondialement concurrentielles». 

Des comités de la base pour mener la grève et une offensive de la classe ouvrière 

Pour que les travailleurs de la construction puissent remporter leur lutte anti-concessions, ils doivent établir des comités de la base, indépendants des appareils syndicaux pro-capitalistes et en opposition à eux. Menés par les travailleurs les plus militants, ces comités auraient comme première tâche de s’organiser pour défier la loi anti-grève des libéraux et rallier l’appui des autres sections de travailleurs au Québec et à travers le Canada.

Le Parti de l’égalité socialiste ne lance pas un tel appel à la légère.

Le gouvernement libéral et l’élite dirigeante canadienne vont réagir avec colère et hargne à une telle désobéissance de la loi. Ils vont avoir recours aux policiers et aux tribunaux pour attaquer et intimider les grévistes.

Mais si les travailleurs de la construction au Québec ont de puissantes forces liguées contre eux, ils ont des alliés encore plus puissants: la classe ouvrière au Québec, au Canada et à travers le monde.

Durant la dernière semaine, Couillard, le Conseil du patronat et d’autres représentants de la grande entreprise ont pesté contre les grévistes et le fait qu’ils «coûtaient» à l’économie du Québec 45 millions $ par jour. Ils admettent ainsi, bien qu’indirectement, que les travailleurs produisent une vaste richesse: richesse qui est appropriée par les patrons de la construction, les banques et d'autres sections de la grande entreprise sous la forme d'immenses profits.

La classe ouvrière a une force sociale immense. Mais elle ne peut mobiliser cette force sociale et réaliser son potentiel créatif que si elle s’organise en tant que force politique indépendante.

À une rupture organisationnelle avec les syndicats doit s'ajouter l'adoption d'une nouvelle perspective politique: rejeter la subordination de la vie des travailleurs au profit capitaliste, lutter pour la prise du pouvoir par les travailleurs et réorganiser la vie socio-économique pour servir les besoins humains avant tout.

Nous exhortons tous les travailleurs et les jeunes qui veulent discuter les questions urgentes soulevées dans cette déclaration à contacter le Parti de l’égalité socialiste et à lire le World Socialist Web Site.

Loading