Après l’incendie de Grenfell Tower:

Le gouvernement britannique avoue que d’autres tours seraient revêtues de matériaux combustibles

Selon le gouvernement conservateur, 600 tours auraient un revêtement « similaire » à Grenfell Tower, à l'ouest de Londres où le brasier du 14 juin a coûté la vie à au moins 79 personnes.

Une porte-parole de la Première ministre a ajouté que les échantillons de certaines tours ont été testés et « jusqu'à présent, trois d’entres eux ont été jugés combustibles ».

Les révélations ont émergé quelques minutes seulement après la déclaration de la Première ministre Theresa May au Parlement sur l’incendie dans l'ouest de Londres.

Alors que le nombre de morts définitif reste à déterminer, et la colère publique monte, May a lancé une enquête sur l’incendie afin de couvrir son propre rôle et celui de ses amis entrepreneurs dans le meurtre en masse.

Organisée en vertu de la Loi sur les enquêtes de 2005, les termes et la portée de l'enquête - qui pourrait prendre des années - seront entièrement contrôlés par le gouvernement. Son but est de détourner le mécontentement social et politique et de bloquer le lancement des procédures pénales nécessaires et l'arrestation et l’inculpation immédiate des responsables. Cette enquête bidon est légitimée par tous les partis parlementaires de l'élite dirigeante, y compris le Parti travailliste sous Jeremy Corbyn.

May s’est exprimée parce qu’un flash info allait tomber, selon lequel jusqu'à 600 tours HLM au Royaume-Uni seraient revêtues du même matériau combustible que Grenfell. Ce revêtement a joué un rôle primordial dans la propagation du feu, qui en quelques minutes est devenu un brasier enveloppant 24 étages à partir de l'appartement au quatrième étage d’où le feu s'était déclaré.

May a commencé son discours en déclarant qu'elle venait de recevoir « une dernière nouvelle importante que j’estimais devrait être apporté à l’attention de la Chambre ce matin ».

Le « gouvernement a décidé d’analyser le revêtement de toutes les grandes tours concernées à titre de précaution. Juste avant mon arrivée à la Chambre, j'ai été informée qu'un certain nombre de ces tests se sont avérés positifs en matériau combustible ».

Ces aveux soulignent la nature systématique de la criminalité qui met en péril la vie même d'un grand nombre de travailleurs et a conduit directement à la mort des habitants de Grenfell.

Face à la colère publique, le gouvernement a essayé de se rattraper. Un porte-parole du ministère de la ville a dit: « La situation est que 600 bâtiments ont un revêtement. Ce n'est pas similaire [à Grenfell], il s’agit de toutes sortes de revêtement. »

Cependant, le porte-parole a confirmé immédiatement qu'ils ne savaient pas combien des 600 avaient un revêtement de matériau composite en aluminium (ACM) - le genre utilisé à Grenfell : « De ces 600, certains contiendraient de l’ACM; nous voulons les tester pour voir s'ils ont de l’ACM. »

Au cours de la dernière semaine, les pouvoirs ont minimisé les nombres de morts dans le but de contenir la colère populaire. A présent, ils minimisent aussi le nombre de personnes mises en danger par ces revêtements.

Après avoir déclaré d'abord que sept tours d'immeubles dans quatre collectivités locales en Angleterre avaient un revêtement combustible, le ministre des collectivités et de la ville, Sajid Javid, a informé les députés qu'il y en avait 11, dans 8 collectivités locales.

Il est avéré que neuf tours HLM à Salford, dans le nord-ouest de l'Angleterre, sont revêtues de matériaux similaires qui pourraient être combustibles, ainsi que des appartements situés dans un quartier défavorisé du nord de Londres, à Tottenham.

Alors que May s’exprimait, les résidents de 700 appartements dans cinq tours de la cité de Chalcots dans le quartier de Swiss Cottage à Londres ont reçu une lettre de la municipalité de Camden qui les informait que leur revêtement était le même que Grenfell Tower et qu'on allait immédiatement le supprimer.

Toutefois, selon le président de l’association de locataires d’une des tours, Burnham House, le travail pour commencer l'enlèvement ne commencera que dans six semaines.

A Barnet, qui a 24 tours HLM, on prélève des échantillons de gaines sur trois tours, sans enlever le tout immédiatement comme cela devrait être le cas, après qu'on a constaté que les pares-pluie sont semblables à ceux installés à Grenfell.

Malgré ces graves dangers à la sécurité publique, on ne reloge pas les locataires de logements sociaux à travers Londres et à l'échelle nationale.

Aucune action d'urgence centralisée n'est en cours pour éliminer les matériaux dangereux des tours d’habitation ; May annonce seulement que le gouvernement a la capacité de «tester plus de 100 bâtiments par jour» pour vérifier le type de revêtement utilisé.

On demande de manière aléatoire aux collectivités locales de vérifier le revêtement utilisé sur leurs tours, alors que beaucoup de tours au Royaume-Uni sont revêtues de matériau combustible qui en fait des pièges mortels. Cela pourrait prendre de nombreux mois pour que les collectivités à court d’argent établissent la nature du revêtement utilisé sur leurs tours.

En outre, cela ne s'applique qu'aux logements qui sont sous contrôle des collectivités locales et non des immeubles privés.

Il n'y a pas non plus d'extincteurs automatiques dans de nombreuses tours ; la plupart n'ont qu'une seule entrée-sortie. Vu l'ampleur du travail de rénovation nécessaire pour sécuriser les tours, qui implique le relogement d'environ 2 millions de personnes, May a refusé de dire si son gouvernement allait fournir les milliards de livres qui seraient nécessaires.

Interrogée à plusieurs reprises au Parlement, May a répondu vaguement: «Nous examinons diverses manières dont nous pouvons nous assurer que c'est bien le cas».

Cela poursuit le mépris total pour la vie des résidents de la classe ouvrière qui a mené aux morts à Grenfell. Avant l'incendie, on avait averti le syndic qui gérait Grenfell au nom de la municipalité de Chelsea à maintes reprises ce bâtiment faisait peser des dangers extrêmes sur ses 600 locataires.

May a déclaré au Parlement: « Nous ne pouvons pas demander aux gens de vivre dans des logements dangereux. »

Elle a pu avancer un tel mensonge sans peur d’être contredite parce son « enquête » jouit du soutien de Corbyn.

Il a déclaré que les victimes et leurs familles avaient été « abandonnées, immédiatement après et si cruellement avant l’incendie ; l'enquête publique doit établir l'étendue et par qui ».

Malgré l'aveu de May que le revêtement d’autres tours est combustible, Corbyn n'a pas évoqué cette question. Il a déclaré benoîtement: « Les résidents de la Grenfell Tower et la communauté de Kensington nord méritent d'avoir des réponses, et des milliers et des milliers de personnes vivant dans des tours à travers le pays ont besoin de réconfort très urgent. »

Corbyn n'a pas non plus exigé les résultats de l'enquête criminelle de la police de Londres lancée il y a une semaine. Jusqu'à présent, personne n'a été arrêté ou mis en examen après un incident dans lequel des dizaines de personnes, dont de nombreux enfants, ont trouvé la mort.

La réaction de Corbyn prenait la forme d'un conseil à May sur comment organiser l'enquête, soulignant «la défaillance catastrophique des alarmes d'incendie à Grenfell Tower », afin de la présenter de la manière la plus convaincante à une population en colère.

Son soutien aux fausses procédures de May est doublement obscène, car le jour avant – en réagissant au discours de May au Parlement – Corbyn avait dit que le gouvernement était « sans majorité, sans mandat, sans programme législatif sérieux, dirigée par une première ministre qui a perdu son autorité politique et qui a encore du mal à trouver un accord [avec le Parti unioniste démocratique d’Irlande du Nord] pour rester à son poste ».

Corbyn ne fera aucune déclaration qui relierait le brasier de Grenfell à une opposition politique à May. Il craint d'éveiller un véritable mouvement de masse contre un gouvernement largement méprisé qu'il ne pourrait contrôler. Il utilise cette occasion pour prouver à la classe dirigeante qu’elle peut faire confiance au Parti travailliste sous son leadership pour gérer ses affaires si le gouvernement de May tombe.

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Voir aussi :

L'inégalité sociale et le brasier de Grenfell Tower

(Article paru en anglais le 23 juin 2017)

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