The Return of History: Conflict, Migration and Geopolitics in the 21st Century

La propagande humanitariste en appui à la guerre impérialiste

Le livre récemment publié «The Return of History: Conflict, Migration and Geopolitics in the 21st Century» («Le retour de l'histoire: conflits, migration et géopolitique au 21e siècle») par Jennifer Welsh, une universitaire promue considérablement par le réseau d'État canadien, donne une idée des questionnements de plus en plus récurrents parmi les sections «libérales» de la classe dirigeante concernant le retour des conflits impérialistes et l'augmentation de l'inégalité sociale. Ayant recours à une propagande humanitariste et une présentation malhonnête des bienfaits du droit international, l'auteure Jennifer Welsh affirme que l'Occident doit agir plus agressivement pour défendre les valeurs démocratiques contre le terrorisme et une Russie ambitieuse.

Welsh est professeure en relations internationales à l'Université d'Oxford et, ce qui est peut-être plus pertinent dans le contexte de son dernier livre, conseillère spéciale au secrétaire général des Nations unies sur la doctrine de la responsabilité de protéger (R2P). R2P a été développé par une commission internationale financée par le gouvernement canadien au début des années 2000 et a servi de justification idéologique pour une série de guerres menées par les États-Unis et les interventions militaires, surtout en Libye en 2011.

La thèse principale de Welsh est que l'Occident, et surtout les États-Unis, est devenu trop complaisant par rapport à sa position dans le monde et doit défendre «la démocratie» et d'autres valeurs plus activement face aux nouveaux défis. Elle admet que le triomphalisme capitaliste suite à la dissolution de l'Union soviétique s'est avéré trop optimiste. Le monde ne se dirige pas inexorablement vers l'uniformité démocratique capitaliste, comme tant d'idéologues l'avaient prédit au début des années 1990, mais montre plutôt des signes d'un retour à un passé marqué par les conflits et les divisions. «Si nous continuons d'avancer de manière confuse, écrit Welsh, «endormis par la conviction que notre modèle est le meilleur, que les défis du présent ne nous arrêteront pas et que le reste du monde veut ce que nous voulons, nous serons incapables de réagir à un choc imprévu ou un signe avant-coureur de déchéance.»

Au-delà de la rhétorique, l'appel de l'auteure pour une défense plus musclée par les États-Unis de valeurs telles que la «démocratie» et «les droits de l'homme» revient à plaider pour une affirmation plus agressive de leurs ambitions impérialistes, ce qui devient évident à travers le livre.

Le point de vue de Welsh représente celui d'une importante section de l'élite dirigeante du Canada. Son livre est d'autant plus significatif qu'il a été utilisé pour l'événement Massey Lecture Series, une émission annuelle diffusée par la société d'État de radiodiffusion, la SRC, en novembre. Il ne s'agit pas simplement d'une coïncidence si Welsh a été choisie pour présenter cette émission en 2016, moins d'un an après l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement libéral à Ottawa qui tente de voiler les ambitions impérialistes canadiennes dans le monde derrière une propagande humanitariste et pseudo-démocratique.

La «Fin de l'histoire» de Fukuyama réfutée

Francis Fukuyama a synthétisé la vague de triomphalisme qui s'était emparée de la classe capitaliste dans la période suivant immédiatement la chute de l'Union soviétique avec sa théorie d'une «fin de l'histoire». Il affirmait qu'avec la fin de l'Union soviétique, le capitalisme libéral n'avait plus de compétition sérieuse et deviendrait le système naturel, économique social et politique auquel tous aspireraient. L'Histoire telle que Marx la comprenait, en tant qu'histoire de la lutte des classes, était terminée et le marxisme et le socialisme étaient morts.

Même quelqu'un comme Welsh, qui fait l'éloge de Fukuyama et se souvient du début des années 1990 avec nostalgie comme d'une époque où toute une section d'universitaires privilégiés a vu son niveau de vie augmenter avec de nouvelles opportunités, est forcé de reconnaître que la théorie de Fukuyama a été réfutée. «Notre propre société libérale démocratique n'était pas inévitable», écrit-elle dans le premier chapitre, avant de souligner que de tels principes ont été acquis par la lutte, et ce surtout dans les deux guerres impérialistes de la première moitié du 20e siècle. Les quelques dernières années ressemblent moins «à des transitions» vers un ordre capitaliste démocratique, comme Fukuyama l'avait prédit, mais «davantage à un retour de l'histoire».

Avec cette remarque, Welsh résume son inquiétude concernant ce qu'elle décrit comme une Russie supposément de plus en plus revendicatrice, des violations de plus en plus nombreuses du droit international, un nombre sans précédent de réfugiés dans la période d'après-guerre et l'augmentation importante de l'inégalité sociale. Mais même si elle admet que 25 ans après la dissolution par la bureaucratie stalinienne de l'Union soviétique le système capitaliste confronte une crise profonde, elle insiste sur le fait qu'il n'existe aucune autre option. «Nous vivons dans une société sans réelle opposition, où même imaginer un autre système économique et politique semble futile», affirme-t-elle.

Par contre, Welsh est troublée par les conditions sociales qui se dégradent dans les sociétés occidentales, qu'elle perçoit comme un obstacle pour aller de l'avant aussi agressivement que possible dans la défense des intérêts impérialistes mondiaux des États-Unis et du Canada. Elle mentionne que George Kennan, le diplomate américain de la Guerre froide qui avançait l'idée d'«endiguer» l'Union soviétique, est son maître à penser. Dans le contexte du boom capitaliste d'après-guerre, une composante clé de la stratégie de Kennan consistait à renforcer les mesures de protection sociale pour assurer un certain degré de stabilité sociale et politique aux États-Unis et en Europe occidentale, pour permettre aux puissances impérialistes de concentrer toute leur attention sur la confrontation avec l'Union soviétique, sans avoir à affronter un mouvement d'opposition populaire dans leur propre pays

Une dissimulation hypocrite des crimes de guerre impérialistes

L'exemple le plus flagrant du fait que Welsh fait l'apologie des puissances impérialistes se trouve dans sa description du rôle des États-Unis et de leurs alliés dans les nombreuses guerres qui ont été menées au cours des 25 dernières années. Bien qu'elle avance parfois les critiques les plus timides de certains aspects de la politique étrangère américaine, elle le fait dans un cadre qui accepte sans plus de questionnement l'idée farfelue selon laquelle Washington intervient partout dans le monde afin de défendre les «droits de l'homme» et répandre la «démocratie».

Elle entame le deuxième chapitre, «Le retour de la barbarie», avec une description de l'apparition supposément soudaine de Daesh (État islamique) à l'été 2014. Elle décrit les détails de la saisie de parties importantes de l'Irak et de la Syrie par le groupe djihadiste comme quelque chose d'imprévisible qui aurait pris les États-Unis par surprise. Ayant présenté cette histoire falsifiée, elle continue en faisant des critiques superficielles de la politique américaine en Irak. Alors qu'elle accepte toute la propagande frauduleuse de l'administration Bush selon laquelle il s'agissait d'apporter la «démocratie» au Moyen-Orient, Welsh reproche à Washington un manque de stratégie après le conflit.

Le manque d'un plan pour l'Irak aurait entraîné le développement de tensions ethniques, continue-t-elle. Dans ce contexte, elle note que les États-Unis auraient «involontairement» contribué au développement du sectarisme avec leur politique d'appui aux partis chiites pour diriger Bagdad et d'exclusion des sunnites.

Cette analyse est une version complètement déformée de l'histoire. En réalité, Washington a activement encouragé les divisions sectaires en Irak afin de maintenir son contrôle sur le gouvernement fantoche à Bagdad afin de sécuriser l'accès au pétrole irakien et maintenir sa position géostratégique dominante dans la région riche en énergie. Cette politique a donné naissance à la section irakienne d'Al-Qaïda, qui n'existait pas avant 2003, parmi des sunnites révoltés. Beaucoup d'entre eux iront rejoindre Daesh par la suite.

Toute hypothèse selon laquelle Welsh serait simplement confuse ou incohérente dans son approche des crimes de l'impérialisme américain est réfutée par sa descente dans la vulgaire falsification de l'histoire. Sa description des expériences récentes d'interventions «humanitaires» se contente de taire la plus notoire – et pour Welsh, étant donné son parcours professionnel, l'une des plus accablantes – la guerre des États-Unis et de l'OTAN de 2011 pour renverser le régime de Kadhafi en Libye.

L'OTAN a effectué des milliers de bombardements dans ce pays nord-africain, entraînant la mort de dizaines de milliers de personnes et la descente de la Libye dans une violente guerre civile. L'action de l'OTAN a été déclenchée sous le prétexte de la responsabilité de protéger (R2P), en plus d'affirmations largement diffusées selon lesquelles les forces de Kadhafi se préparaient à massacrer des civils.

En fait, l'opération de l'OTAN a été menée en violation du droit international pour appuyer une panoplie de milices islamistes extrémistes, incluant de nombreux hommes armés qui ont été infiltrés en Syrie avec l'aide de la CIA pour former la base de l'opposition islamiste au régime d'Assad. Des sections importantes de cette force combattante ont rejoint Daesh après sa création. Les États-Unis ont continué à voir Daesh comme un allié dans le renversement du président syrien Bashar al-Assad et n'ont commencé à le confronter qu'après qu'il se soit emparé de régions importantes de l'Irak et menaçait de déstabiliser le régime fantoche de Washington à Bagdad.

Il n'existe pas d'explication innocente pour l'oubli de Welsh de toute l'expérience historique libyenne. Les Nations unies, où elle travaille en tant que conseillère sur la responsabilité de protéger, ont joué un rôle clé pour légitimer l'assaut impérialiste contre la Libye. Une résolution du conseil de sécurité dénonçant Kadhafi faisait explicitement référence à la doctrine R2P afin de justifier les mesures prises par l'opération de l'OTAN menée par les États-Unis. La seule conclusion qui puisse être tirée en conséquence est qu'elle a choisi d'omettre l'épisode libyen parce qu'il contredit sa présentation de Washington et de ses alliés en tant qu'ennemis du terrorisme islamiste et défenseurs de la démocratie et du droit international.

Son histoire tendancieuse du destin du droit international depuis la Seconde Guerre mondiale est extraordinairement obtuse. Elle évite d'informer ses lecteurs du fait que le développement essentiel dans le droit international suite à la découverte des horribles crimes commis par les nazis en 1945, fut la conclusion, articulée dans les procès de Nuremberg, que l'acte de mener une guerre agressive était le plus grand de tous les crimes contre l'humanité. De mentionner ce fait entraînerait inévitablement la conclusion que les États-Unis sont les principaux violeurs du droit international de nos jours en conséquence de leurs actes d'agression contre la Yougoslavie vers la fin des années 1990, l'Afghanistan et l'Irak au début des années 2000, et la Libye et la Syrie plus récemment.

Welsh préfère concentrer son attention sur le concept médiéval d'une «guerre juste», qui représente une régression majeure par rapport aux principes élaborés à Nuremberg. La théorie de la guerre juste accepte que des conflits soient inévitables et ne requièrent qu'une justification appropriée de la part des participants pour les avoir déclenchés, et que ceux-ci adhèrent aux normes élémentaires du comportement moral en conflit. Même d'après ces normes, il ne serait pas difficile de démontrer le rôle criminel de Washington sur l'échelle mondiale, de l'assaut de Falloujah en 2004 à son massacre récent de civils dans le bombardement de Mossoul. Mais Welsh se concentre uniquement à relever les instances où les rivaux des États-Unis comme la Russie ou la Syrie ont transgressé de tels principes juridiques, la menant à la conclusion tout à fait absurde selon laquelle «tout porte à croire que les États libéraux démocratiques sont allés le plus loin dans l'application des engagements qu'ils avaient pris en termes de droit» dans la période d'après-guerre.

La présumée «agression» russe

Le livre de Welsh a été publié en automne dernier au point culminant de la véhémente campagne anti-Russie menée par une section importante des médias et des politiciens américains pendant la campagne électorale présidentielle de 2016. Les accusations fantaisistes d'interférence russe dans l'élection, dont aucune n'a été appuyée de preuves tangibles, ont été faites dans le but d'attaquer Trump de la droite et augmenter la pression pour une intensification de l'approche hostile de Washington envers Moscou, incluant la possibilité réelle d'une guerre totale.

Welsh procure des munitions idéologiques pour cette campagne réactionnaire, qu'elle tente d'obscurcir avec des phrases sur les droits de l'homme et la démocratie. D'après Welsh, la Russie serait la force déstabilisatrice principale en politique internationale depuis des décennies.

L'auteure est prête à accueillir toute expression d'opposition à la Russie, même lorsque celle-ci est associée aux forces de droite les plus extrêmes. Elle louange sans aucune critique le coup d'État mené par des fascistes en février 2014 en Ukraine, lorsque des manifestations à Kiev contre le président pro-russe Ianoukovitch ont été dirigées par des forces néonazies, comme Secteur droit et Svoboda. Le coup, déclenché par le refus de Ianoukovitch de signer une entente pour s'associer à l'Union européenne, avait pour but de soumettre l'Ukraine à la sphère d'influence de l'Occident et étendre la domination des États-Unis et de l'Allemagne sur le pays aux dépens de la Russie. Pour Welsh, cela n'était que bienvenu, comme elle décrit avec enthousiasme: «On pouvait sentir l'odeur de la révolution à Kiev.»

En réalité, l'odeur la plus forte émanant des forces soi-disant d'opposition était celle des dollars occidentaux et des euros. Les États-Unis se sont vantés d'avoir investi des milliards de dollars pour financer des groupes politiques opposés aux liens étroits qu'entretenait l'Ukraine avec la Russie. Cette intervention a été illustrée entre autres par le fameux appel téléphonique de la sous-secrétaire d'État pour l'Europe, Victoria Nuland.

Les falsifications atteignent de nouveaux sommets quand Welsh se penche sur la Syrie. La Russie est ciblée pour faire valoir ses intérêts géostratégiques et économiques en intervenant en faveur du régime d'Assad, l'allié principal de Moscou au Moyen-Orient. À l'opposé, Welsh écrit que «les États-Unis ont fortement modéré leurs ambitions mondiales et leur volonté de déployer des forces à l'étranger».

Ce discours trompeur fait partie des efforts de Welsh pour présenter l'impérialisme américain et ses alliés européens comme étant des acteurs humains et essentiellement éthiques dont les actes ont toujours été motivés par le bien collectif. La Russie cependant, et tout autre pays qui s'y aligne, ne serait qu'à la poursuite des buts les plus grossiers et égoïstes.

La vérité est évidemment toute autre. Le régime russe de Vladimir Poutine, représentant les intérêts d'une section criminelle d'oligarques milliardaires dont la richesse est largement basée sur le vol de la propriété d'État pendant la dissolution de l'Union soviétique, n'offre aucune alternative progressiste à l'impérialisme. En Ukraine, elle encourage le séparatisme pro-russe dans l'est du pays et en Syrie elle appuie la dictature d'Assad dans le but de maintenir sa seule base militaire à l'extérieur des anciennes frontières de l'Union soviétique et de contrer les tentatives américaines de changement de régime. Cela n'a fait qu'intensifier le danger que le conflit syrien échappe à tout contrôle et éclate dans une guerre régionale qui opposerait rapidement les grandes puissances dans un conflit direct.

Mais ces deux initiatives sont des réponses essentiellement défensives à l'agression de l'impérialisme occidental. Pendant plus d'un quart de siècle, les États-Unis ont mené des guerres pratiquement ininterrompues au Moyen-Orient et en Asie centrale, un fait que Welsh omet intentionnellement dans sa présentation. L'idée selon laquelle Washington aurait «fortement modéré ses ambitions» est une nouvelle pour les millions d'Irakiens, d'Afghans, et de Syriens chassés de leur demeure à cause de la destruction de leur société à travers des guerres menées par les États-Unis, responsables de millions de morts.

Welsh attribue de la crédibilité à la campagne anti-Russie des États-Unis en adoptant entièrement les accusations d'espionnage de masse des pays occidentaux. D'autre part, le vaste réseau d'espionnage contrôlé par l'Agence de sécurité nationale américaine (NSA), qui collecte les informations de milliards de personnes à travers le monde, n'est même pas mentionné. Dans ce contexte, il est révélateur que la seule référence de Welsh à Edward Snowden, dont les révélations ont exposé l'étendue réelle du réseau d'espionnage de Washington, soit quand elle le dénonce pour avoir supposément rendu le cryptage plus facile pour les communications des groupes terroristes.

Welsh conclut son chapitre sur la Russie en tentant de se distancier quelque peu des forces anti-Russie les plus radicales. Peut-être, suggère-t-elle, «la fierté occidentale» serait également à blâmer partiellement pour la détérioration des relations. Elle propose qu'une voie soit trouvée pour garder la porte ouverte à la «coopération» russe avec les États-Unis et ses alliés à travers des négociations et des organisations multilatérales. Mais elle soutient que ceci ne peut qu'être accompli si les États-Unis établissent des règles strictes, qui si elles n'étaient pas respectées par la Russie, devraient entraîner des sanctions sévères. Malgré son discours de «coopération», la proposition de Welsh revient essentiellement à donner une autre chance au Kremlin pour se subordonner complètement à l'impérialisme des États-Unis et de l'Europe afin d'empêcher un conflit désastreux qui pourrait déclencher la guerre mondiale.

Le fait que de telles positions si explicitement anti-russes aient été promues par la SRC avec une invitation tendu à Welsh pour qu'elle présente l'émission Massey Lectures est très révélateur politiquement. Le gouvernement libéral du Canada est l'un des principaux défenseurs de la campagne internationale anti-Russie. Il a déployé 450 soldats canadiens pour diriger un bataillon de l'OTAN qui doit être mobilisé en Lettonie dans le cadre de sa tentative d'encercler et intimider la Russie. Au mois de mars, le gouvernement Trudeau a également annoncé la prolongation d'une mission militaire en Ukraine, où des troupes canadiennes entraînent des unités de l'armée et de la garde nationale pour mener la guerre contre les séparatistes pro-russes.

Sauver le capitalisme de lui-même

Le sujet de la plus grande peur de Welsh n'est jamais mentionné dans son livre: la classe ouvrière. Sa référence dans le titre à un retour de l'histoire est une admission tacite que la lutte des classes, balayée du revers de la main par Fukuyama et tant d'autres comme une relique du passé, est de retour à la surface de la vie politique mondiale.

Ceci se manifeste le plus ouvertement dans le dernier chapitre de Welsh, où elle fait part de son inquiétude des niveaux croissants d'inégalité sociale dans les sociétés occidentales. Elle ne mentionne pas cela à cause d'une opposition de principe à ces niveaux d'inégalité sociale ou à l'oppression de classe, mais plutôt parce qu'elle craint que cette situation ne soit pas viable et mine la capacité des États-Unis et de leurs alliés impérialistes à faire valoir leurs intérêts dans le monde. Comme elle le remarque, l'incapacité à maintenir l'inégalité en deçà de certaines limites risque de donner «naissance à des revendications qui pourraient devenir révolutionnaires ou violentes».

En plus d'évoquer à nouveau son héros Kennan, le remède de Welsh à la situation actuelle revient à faire appel à la classe dirigeante pour que celle-ci reconnaisse ses erreurs. Cela devient absurde lorsqu'elle propose des interventions psychologiques pour aider de supposés bienfaiteurs capitalistes à accroître leur empathie pour la société et penser moins au gain personnel et au profit privé. Elle cite aussi positivement l'auteur britannique «de gauche» Paul Mason, qui s'est distingué ces derniers mois pour son appui ouvert à la campagne militariste américaine contre la Russie.

Tout ceci est basé sur la promotion du libéralisme de la Guerre froide, qui est présenté par Welsh comme étant une idéologie pacifiste et démocratique. Elle exhorte plusieurs fois les États-Unis et l'Occident à renouveler leur dévouement aux «valeurs libérales-démocrates», tout en cachant au lecteur que de telles «valeurs» ont toujours été accompagnées de l'affirmation brutale de la domination de l'impérialisme américain à travers le monde: de la guerre de Corée au Vietnam, aux intervention violentes de la CIA en Amérique latine, en Afrique, et d'autres parties du monde pour installer et appuyer des dictatures impitoyables, et aux vastes campagnes militaires, incluant un immense arsenal nucléaire pour confronter l'Union soviétique.

C'est pour cet héritage que Welsh exprime de la nostalgie quand elle fait appel au renouvellement des «valeurs démocratiques et libérales». L'expansion radicale du militarisme, qui est rapidement appliquée par l'administration Trump aux États-Unis et par pratiquement n'importe quelle autre puissance impérialiste dans le monde, ne vise pas seulement à préparer des conflits militaires inévitables qui émergeront entre les grandes puissances pour des marchés et le contrôle géostratégique de régions essentielles, mais également pour subjuguer toute opposition qui émergera tout aussi certainement parmi les milliards de travailleurs qui s'opposent à la guerre.

(Article paru en anglais le 18 mai 2017)

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