Après la visite de Trump en Pologne : le gouvernement PiS adopte de nouvelles mesures autoritaires

Moins de trois semaines après la visite du président américain Donald Trump en Pologne, le parti Droit et Justice (PiS) a largement intensifié ses efforts en faveur d’une dictature.

Dans son discours prononcé à Varsovie le 6 juillet, Trump a fait l’éloge de la politique du PiS en faisant appel au chauvinisme et à l’antisémitisme polonais. Après son discours, Trump a assisté à une conférence dite « Initiative des trois Mers » (Three Seas Initiative) à Wrocław, manifestant ainsi un soutien ouvert à la tentative de Varsovie de relancer l’alliance militaire d’extrême-droite de l’Intermarium (Entre deux Mers) qui vise l’Allemagne et la Russie.

La semaine dernière, le PiS a adopté une loi qui placera effectivement le système judiciaire sous son contrôle. Il a, dans un premier temps, fait approuver au parlement une restructuration du système judiciaire et du Conseil national de la Justice (KRS), qui est chargé de nommer et de promouvoir les juges. La loi confère au PiS un contrôle de grande portée sur la nomination des juges.

Un deuxième projet de loi prévoit de mettre à la retraite d’office 83 actuels juges de la Cour suprême. Le ministre de la Justice (PiS), Zbigniew Ziobro, sera en mesure de nommer à son gré de nouveaux juges. La Chambre basse du Parlement a approuvé le projet de loi mardi dernier et le Sénat l’a ratifié samedi soir. On s’attend à ce que le président polonais Andrzej Duda signe le plus tôt possible le projet de loi, alors même que les sondages montrent que plus de 50 pour cent des Polonais veulent qu’il y oppose son veto.

Vu que la Cour suprême est également chargée de surveiller et de certifier la légalité des élections, il est dès lors loin d’être évident que la Pologne connaisse à l’avenir des élections législatives qui puissent même prétendre être libres.

Le débat relatif au projet de loi mardi dernier au Parlement ont été accompagnés de cris, d’insultes vulgaires et d’échauffourées. Le chef du PiS, Jarosław Kaczyński, a ouvertement menacé d’instaurer des mesures dictatoriales contre les représentants de l’opposition libérale en les accusant de trahison et de meurtre. Lorsqu’un député du Parti de l’opposition libérale, Plate-forme civique (PO), a mentionné le frère de Kaczyński, ancien président de la Pologne, Lech Kaczyński, décédé dans un accident d’avion en 2010, Jarosław Kaczyński a littéralement explosé de colère en hurlant : « Ne souillez pas le nom de mon frère mort en le prenant dans vos gueules de traître. Vous l’avez détruit, vous l’avez assassiné. Vous êtes des crapules ! »

Des années durant, le PiS a tenu l’ancien gouvernement libéral pour responsable de l’accident d’avion, mais jamais auparavant un politicien du PiS n’avait aussi ouvertement soulevé l’accusation de meurtre.

Une bagarre confuse éclata au parlement. Kaczyński a ensuite interpellé Witold Zembaczyński, un délégué du parti Nowoczesna, en brandissant la menace que « tous les politiciens de la PO se retrouveront [en prison]. » Une déléguée de la PO rétorqua plus tard sur Twitter que ce seront les membres du PiS qui finiront en prison.

Le lendemain, le ministre des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski, a défendu l’accès de colère de Kaczyński comme étant une « réponse honnête et virile ». Sur sa page Facebook, la déléguée parlementaire du PiS, Krystyna Pawłowicz, a menacé les politiciens de l’opposition de procédures judiciaire en écrivant qu’ils « seraient jetés [en prison] pour la terreur » qu’ils auraient créée « dans les rues ». Elle avait admis, lors d’une session parlementaire, rêver d’ouvrir de nouveau le tristement célèbre camp de concentration de Bereza Kartusa.

Ce camp avait été installé en 1934 sous le régime autoritaire de Piłsudski pour détenir des personnes considérées comme une « menace à la sécurité, à la paix et à l’ordre social ». Des milliers de personnes, y compris des militants ukrainiens et des nationalistes biélorusses, y furent emprisonnées et soumises aux travaux forcés, mais les premières victimes furent des communistes.

Ces toutes récentes mesures du PiS marquent un tournant dans l’effondrement du cadre démocratique bourgeois restreint qui avait été mis en place en Pologne avec la restauration du capitalisme et la dissolution de l’URSS. Depuis la victoire électorale du PiS d’il y a deux années à peine, le gouvernement a soumis à son contrôle les services secrets et la télévision et de la radio publiques. Il a purgé une grande partie du commandement de l’armée polonaise et de nombreuses institutions scientifiques financées par l’État, adopté une loi pour le renforcement de la surveillance policière, privé le parlement de ses pouvoirs [article en anglais] et restreint le droit à l’avortement déjà réduit à presque rien.

Parallèlement, il a renforcé l’extrême-droite et les milices paramilitaires qui sont subordonnées au ministère de la Défense (PiS). Les menaces émises par Kaczyński et d’autres représentants de PiS montrent clairement que le gouvernement prépare actuellement la répression violente de toute dissidence.

Ces derniers jours, des dizaines de milliers de personnes ont rejoint quotidiennement des manifestations dominées par les partis d’opposition libéraux PO et Nowoczesna pour protester contre les projets de loi. Des protestations eurent lieu non seulement à Varsovie et dans d’autres bastions traditionnels de l’opposition libérale, mais aussi dans de petites villes qui, jusque-là, n’avaient guère été touchées par le mouvement d’opposition. Des comptes rendus suggèrent qu’une importante partie de la jeunesse a participé aux manifestations. Même si le système judiciaire est impopulaire et discrédité car corrompu, un grand nombre de gens voient ces récentes lois comme une agression contre les droits démocratiques et des préliminaires à une dictature de grande envergure.

L’hostilité envers la politique pratiquée par le gouvernement est beaucoup plus généralisée que le soutien pour l’opposition libérale. Selon un sondage réalisé par IBRiS, 82 pour cent des jeunes entre 19 et 29 ans se considèrent comme des opposants au gouvernement. Environ 52 pour cent de tous les électeurs se considèrent comme des opposants au gouvernement, nettement plus que ceux qui voteraient pour les deux partis d’opposition libéraux réunis. Des sondages effectués avant l’adoption des projets de loi au parlement avaient indiqué que 32 pour cent des électeurs s’étaient prononcés en faveur de PiS (une baisse de 4 pour cent) et 33 en faveur de PO et de Nowoczesna réunis (23 pour 100, une augmentation de 1 pour 100 pour PO et 10 pour cent, une augmentation de 2 pour cent, pour Nowoczesna.

Les jeunes et les travailleurs qui sont contre la politique droitière du PiS ne doivent pas se laisser berner par les appels mensongers lancés par l’opposition libérale à l’adresse de sentiments démocratiques. Des questions de politique étrangère se trouvent au cœur de la lutte pour le pouvoir entre le PiS et l’opposition libérale au moment où les deux factions de la bourgeoisie se préparent à la guerre.

Au cours de ces 28 dernières années, la bourgeoisie polonaise a tenté de trouver un équilibre entre une politique militaire et étrangère orientée vers l’impérialisme américain et une étroite collaboration économique et politique avec l’UE, particulièrement avec l’Allemagne. Désormais, l’escalade du conflit entre l’Allemagne et les États-Unis est en train de couper l’herbe sous les pieds de la bourgeoisie polonaise.

L’attaque de PiS contre les institutions et les droits démocratiques bourgeois et le renforcement de l’extrême-droite sont liés aux préparatifs de guerre des États-Unis contre la Russie. L’opposition libérale n’est pas contre les préparatifs de la guerre par principe. Au lieu de cela, le conflit porte plutôt sur qui et contre qui la lutte doit être menée. Les PiS et l’opposition libérale soutiennent les préparatifs de guerre contre la Russie. La question est de savoir si cela doit se faire avec ou contre l’Allemagne.

Le PiS mise sur le renouveau du projet Intermarium, une alliance de régimes d’extrême-droite en Europe centrale et orientale qui vise non seulement la Russie, mais aussi l’Allemagne. La présence de Trump à de la conférence dite « Initiative des trois Mers » à Wrocław au début du mois signifie que Washington soutient désormais officiellement cette politique.

En revanche, l’opposition libérale préconise une orientation axée sur l’Allemagne et utilise l’assaut contre les droits démocratiques du gouvernement PiS pour intensifier sa coopération avec les politiciens à Berlin et à Bruxelles. L’un des principaux organes de presse de l’opposition libérale, l’hebdomadaire Polityka, a publié un long article à la fin du mois de juin mettant en garde contre l’alliance Intermarium.

L’article précise que l’invasion de la Pologne en 1939 par l’Allemagne nazie et l’Union soviétique avait prouvé que ce projet n’était pas viable. Polityka soutient qu’alors, tout comme de nos jours, la Pologne était extrêmement « faible » et ne devait pas compter sur les États-Unis et « l’autorité douteuse de Donald Trump ». De plus, Polityka affirme que la plupart des États faisant actuellement partie de l’Initiative des trois Mers ne sont ni disposés ni capables de rompre avec l’Allemagne.

L’hostilité manifestée envers le projet Intermarium est également ce qui motive l’opposition de l’UE aux mesures autoritaires du PiS. La Commission européenne a menacé d’ouvrir une procédure conformément à l’article 7 du Traité de Lisbonne de l’UE contre la Pologne pour atteinte à l’« État de droit ». Ceci pourrait donner lieu à des sanctions de grande portée, y compris la suspension des droits de vote pour Varsovie au sein de l’UE. Le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas, a menacé d’« isoler politiquement » le gouvernement polonais en approuvant le déclenchement d’une procédure contre la Pologne qui est exposée dans l’article 7.

(Article original paru le 24 juillet 2017)

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