Perspectives

Le remaniement de la Maison Blanche : un pas de plus vers un régime dictatorial

L’annonce faite vendredi par le président Trump renvoyant le chef de cabinet de la Maison Blanche, Reince Priebus, et son remplacement par le général à la retraite, John F. Kelly, marque une étape de plus dans l’émergence des hauts gradés de l’armée comme le pouvoir politique décisif dans le gouvernement Trump.

Avec le général Kelly comme chef de cabinet de la Maison-Blanche, le lieutenant-général HR McMaster, officier en service, comme conseiller de sécurité nationale et le général à la retraite James Mattis en tant que secrétaire à la défense, les militaires occupent trois des quatre postes les plus importants du pouvoir exécutif.

Les reportages sur la transformation de la Maison Blanche se sont axés presque entièrement sur les idioties de Trump sur Twitter et sur le coup de gueule vulgaire de son nouveau directeur de la communication, l’ancien patron de fonds spéculatifs, Anthony Scaramucci. Une évaluation sérieuse des implications politiques réelles du remaniement de la Maison Blanche révèle, cependant, que les événements de la semaine passée représentent un tournant majeur pour le gouvernement Trump et le système politique américain en crise dans son ensemble.

Trump a renvoyé Priebus, l’ancien président du Comité national républicain, qu’il avait choisi comme chef de cabinet pour servir d’intermédiaire avec la direction républicaine du Congrès et les caciques du parti. Il l’a remplacé par un général des marines à la retraite sans aucune expérience politique et qui a un mépris avoué et bien médiatisé pour le contrôle civil de l’armée. En sa qualité de secrétaire du ministère de la sécurité intérieure, il a supervisé le programme gouvernemental d’arrestations en masse et d’expulsion d’immigrants sans papiers.

Le président a combiné le renvoie de Priebus avec une attaque publique contre les républicains du Sénat, y compris le chef de la majorité Mitch McConnell, au sujet de leur incapacité la semaine dernière à adopter toute version d’une abrogation de la Loi sur les soins abordables du gouvernement Obama.

Trump a répondu par une série de tweets en disant que les républicains du Sénat « ressemblent à des imbéciles » et exigeant que McConnell piétine les droits de la minorité au Sénat et aille immédiatement forcer le passage des propositions de la Maison Blanche visant à réduire les impôts sur les riches et à détruire les services sociaux tels l’assurance maladie Medicaid pour les pauvres.

Trump se présente de plus en plus comme un dirigeant au-dessus des deux partis politiques capitalistes, tout en cherchant à s’entourer d’un public en uniforme. Il s’est adressé à 40 000 scouts réunis en jamboree en Virginie-Occidentale, puis a prononcé un discours vendredi devant la police à Long Island dans lequel il a approuvé un traitement « brutal » pour les immigrants et autres personnes en état d’arrestation, provoquant les chants de « USA, USA » des policiers rassemblés.

Tout en incitant à la violence policière, Trump a lancé des appels directs au fanatisme d’extrême-droite avec un tweet demandant l’expulsion des personnes transgenres de l’armée et de nouvelles mesures juridiques par le ministère de la Justice dirigées contre les droits démocratiques des homosexuels.

À cela s’ajoute l’atmosphère rance des intrigues de palais à la Maison Blanche. Il est largement rapporté que les membres de la famille Trump ont joué un rôle clé dans le renvoi de Priebus, avec le gendre Jared Kushner, la fille Ivanka Trump et sa femme Melania Trump y mettant tous leur grain de sel.

Dans tout cela, il y a les relents de la dictature. Trump poursuit une stratégie politique définie. Il cherche à se tailler, en tant que représentant de l’oligarchie financière, une position de pouvoir indépendante des appareils des partis politiques de l’establishment et des institutions traditionnelles du pouvoir bourgeois comme le Congrès, les tribunaux et les médias dits traditionnels.

Comme tous les autocrates bonapartistes, il cherche à établir un régime personnaliste basé sur l’armée et la police. Son utilisation de Twitter est un élément essentiel de cet effort. Il contourne les médias de l’établissement et lance son appel directement aux militaires et à la police tout en cherchant à attiser le chauvinisme national et toutes les formes d’arriération sociale et politique. Il cherche ainsi à établir une base qu’il peut mobiliser indépendamment des partis politiques.

Mais Trump n’est pas une aberration ou un accident, un intrus dans l’enceinte de la démocratie américaine autrement immaculée. Il est le produit de décennies de guerre ininterrompue, de réaction et de décadence de la culture politique au sein de la classe dirigeante et de toutes les institutions officielles, y compris les universités, un processus auquel ont présidé les deux partis du grand patronat. Cela a coïncidé avec la montée d’une oligarchie financière criminelle et une montée étonnante des inégalités sociales à des niveaux incompatibles avec les normes démocratiques.

Le Parti démocrate pour sa part accueille favorablement la désignation de Kelly. Son opposition à Trump continue de se centrer sur les demandes d’une escalade du conflit avec la Russie. Il est bienveillant envers tout signe qui va dans ce sens, comme l’annonce par la Maison Blanche que Trump signera le projet de loi adopté la semaine dernière à une quasi-unanimité des deux partis qui impose de nouvelles sanctions contre la Russie, ainsi qu’à l’Iran et à la Corée du Nord.

Il ne craint pas moins que les républicains la montée de l’opposition sociale et le sentiment anticapitaliste dans la classe ouvrière, et soutient la domination de l’armée sur le système politique en tant que garant contre la menace de la révolution sociale.

La dirigeante de la minorité de la Chambre, Nancy Pelosi, a fait des louanges au général Kelly lors d’une émission sur Fox News Sunday, tout en exprimant l’espoir qu’il améliorerait le fonctionnement de la Maison Blanche de Trump. « Je parlerai avec lui aujourd’hui et j’ai hâte de travailler avec lui », a-t-elle déclaré.

Lors d’un autre entretien télévisé du dimanche, intitulé « l’État de l’Union » de CNN, la Représentante démocrate Barbara Lee a été mise sur la sellette pour avoir remarqué qu’en mettant le général Kelly en charge du gouvernail, « le président Trump militarise la Maison-Blanche et met notre pouvoir exécutif entre les mains d’un extrémiste ». Lee a fait marche arrière quant à la suggestion qu’elle était contre l’armée, en déclarant : « Permettez-moi d’abord de dire, je viens d’une famille militaire […] Et donc je respecte et honore les militaires et reconnais les sacrifices que tous nos hommes et femmes font aussi bien que l’histoire et sacrifices du général Kelly. »

Le sénateur Bernie Sanders figurait dans la même émission et n’a même pas fait référence au remaniement à la Maison Blanche.

La concentration de la richesse entre les mains d’une petite oligarchie financière, personnifiée par des criminels sociaux comme Trump et Scaramucci, est totalement incompatible avec les droits démocratiques. La défense des droits démocratiques incombe à la classe ouvrière, en tant qu’élément central dans sa lutte pour l’abolition du système de profit et la réorganisation socialiste de la société.

(Article paru en anglais le 31 juillet 2017)

 

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