Des menaces à long terme pour la santé publique dans le sillage de l'ouragan Harvey

À plusieurs reprises, les résidents ont été les victimes, pas simplement des fortes pluies ou des puissants vents, mais du manque de préparation du gouvernement fédéral et de son inaction à investir dans des infrastructures critiques pour contrôler les inondations. Ce faisant, des centaines de vies ont été inutilement perdues directement à cause des tempêtes et de leurs conséquences: de nombreux décès résultant de blessures, maladies et détresse psychologique.

Le Dr Peter Hotez, doyen de la National School of Tropical Medicine au collège de médecine Baylor à Houston, a indiqué au magazine Atlantic que les conséquences de Katrina font appréhender les menaces à long terme pour la santé publique qui suivront le passage de l'ouragan Harvey dans la grande région de Houston et à travers le sud-est du Texas.

Néanmoins, Hotez a indiqué que les impacts seraient d'une «envergure autrement plus importante en termes de taille et d'étendue». En 2005, La Nouvelle-Orléans avait une population de 400.000, le comté de Harris, où Houston est situé, est le deuxième plus important des États-Unis avec une population dépassant les 6 millions.

Hotez a prédit la propagation du Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), du Vibrio vulnificus (une bactérie soi-disant mangeuse de chair), de la diarrhée provoquée par une infection par norovirus, de même que des pathogènes tels qu’E. coli, les shigellas et la salmonelle, provenant des systèmes sanitaires des villes inondées, ainsi que de l'empoisonnement résultant des centaines d'installations pétrochimiques inondées et les douzaines et plus de sites «Superfund» dans la grande région de Houston.

Le novovirus touche près de 20 millions de personnes chaque année aux États-Unis et est la cause de la moitié des cas de gastro-entérite. Une récente étude canadienne publiée dans Clinical Infectious Diseases a fortement suggéré que le novovirus pouvait se répandre par la voie des airs, contrastant avec les hypothèses selon lesquelles il ne se propagerait que par la nourriture et l'eau ainsi que par un contact main à bouche.

Hotez a également mis en garde contre la prolifération explosive de moustiques lorsque plusieurs plans d'eau stagnants resteront après que les eaux se soient retirées. Une éclosion est prévue dans les 10 à 14 jours. L'essor du virus du Nil occidental en Louisiane «s'est poursuivi une année après l'inondation de Katrina», a affirmé Hotez à The Atlantic. Les moustiques peuvent également être porteurs et transmettre le virus Zika, du chikungunya, de la dengue et la fièvre jaune.

En juillet dernier, le Texas a rapporté son premier cas de Zika dans le conté d'Hidalgo, à une distance de quatre heures de route de Houston. Pendant ce temps, Houston avait 6 cas confirmés du virus zika cet été, contracté lors de voyages, et 36 cas du virus du Nil occidental cette année.

En date du 31 août, la Commission texane pour la qualité de l'environnement a signalé 21 usines de traitements des eaux inutilisables, 52 systèmes de distribution des eaux hors d'usage qui desservent au moins 115.000 personnes, et 18 débordements d'égouts, incluant à Corpus Christi et l'installation manufacturière de Shell à Deer Park. L'agence a aussi diffusé 184 avis d'ébullition de l'eau à près de 189.000 personnes.

Ajoutées au manque d'accès à de l'eau potable, les pannes de courant empêchent l'air conditionné de fonctionner et exposent les victimes des inondations à la chaleur et à l'humidité de Houston, et favorise les maladies alimentaires des personnes affamées qui mangent des aliments contenus dans des réfrigérateurs éteints pendant plusieurs heures.

Trente cas de SARM ont été répertoriés en septembre 2005 parmi les personnes évacuées de la Nouvelle-Orléans vers Houston. Le Vibrio vulnificus, une maladie liée au choléra, a rendu malades deux douzaines de résidents de la Nouvelle-Orléans, en tuant deux. Soixante-quinze pour cent des décès prématurés de Katrina ont été causés par la noyade. En Louisiane, la surpopulation et les conditions de vie insalubres ont entraîné une augmentation des cas de tuberculose dans les abris. L'éclosion de ces maladies est à prévoir à travers le sud-est du Texas.

Les inondations au Texas ont également transporté des parasites tels que le Cryptosporidium et les Giardias, qui peuvent causer des diarrhées prolongées et le virus de l'hépatite A. Les eaux transportent aussi souvent des leptospiroses, des bactéries transmises par l'urine des souris, des rats, des ratons laveurs et des bovins. Les leptospiroses peuvent infecter les humains et les animaux domestiques à partir de l'eau contaminée et causer une insuffisance hépatique et rénale.

Les hôpitaux, les cliniques et les patients sont ont tous été à court de nourriture et de médicaments, tant en Nouvelle-Orléans qu'à Houston.

Avec Katrina, beaucoup de personnes sont apparues à l'urgence de l'hôpital après l'inondation, non pas seulement pour des blessures, mais pour traiter leur diabète, puisqu'ils n'avaient plus d'insuline. L'insuline serait en grande demande à Houston, selon Thomas Tighe, président de l’organisme sans but lucratif Direct Relief.

Tighe a indiqué au Washington Post que les diabétiques «qui n'ont pas d'insuline allaient être en crise très rapidement». Les patients nécessitant de la dialyse doivent subir le traitement de deux à trois fois par semaine ou ils seront en crise. Tighe a affirmé avec inquiétude que le Texas avait le plus bas taux de personnes assurées aux États-Unis.

Le magazine Forbes a noté dans son édition du 26 août que tous les problèmes reliés à la tempête allaient être amplifiés à cause de la «décimation du système de santé publique» aux États-Unis depuis les années 2000. L'article dénote une diminution de 40% de la surveillance des moustiques, et que la surveillance proactive des maladies émanant des moustiques dans la plupart des États est devenue faible ou même nulle, selon un rapport de 2014 du Council of State ans Territorial Epidemiologists.

On estime que 10 à 20 billions de gallons d'eau se sont déversés dans le sud-est du Texas et dans les plaines de Louisiane à la fin d'août, submergeant des dizaines et milliers de bâtiments et de maisons qui vont rapidement voir proliférer des moisissures toxiques à l'intérieur.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a produit la liste de plusieurs maladies graves reliées à des moisissures toxiques, incluant les infections aux poumons par des spores, le déclenchement de sévères crises d'asthme et le commencement de sérieuses maladies chroniques des poumons dues à des moisissures qui peuvent causer la mort. Les infections après le passage de Katrina, par exemple, auraient causé la mort de quatre professeurs à la Southern University de Nouvelle-Orléans, tous décédés à quelques mois d'intervalle les uns des autres.

Une professeure en biologie végétale et pathologiste de l'Université de Rutger, ancienne résidente de Nouvelle-Orléans, Joan Bennet, a affirmé au Atlantic que les moisissures qu'elle a découvertes produisent un alcool qui vient altérer le transport et la gestion du neurotransmetteur qu'est la dopamine dans des mouches drosophiles, ce qui semble imiter le mécanisme de la maladie de Parkinson.

Finalement, des troubles mentaux seront déclenchés ou dramatiquement exacerbés par les conséquences d'Harvey.

Dans un cas particulier, Iashia Nelson, âgée de 36 ans, qui a auparavant été déplacée par Katrina en 2005, a dit à CBS News qu'elle et ses trois fils ont dû rester blottis sur un toit à Houston pendant les pluies de Harvey, et ce, avec trente autres personnes et pendant huit heures sans eau ni nourriture jusqu'à ce qu'ils soient secourus. «Je vais avoir besoin de consulter», a affirmé cette dernière à l'équipe médicale se trouvant au Houston Convention Center.

Elles et ses fils ont signalé avoir vu des corps flotter alors qu'ils attendaient les secours. Alors que les eaux montaient, ils ont été témoins d'une jeune mère avec son enfant pris au piège dans une voiture, la jeune femme a klaxonné désespérément pour de l'aide, jusqu'à ce qu'ils se noient dans le véhicule. Une autre femme a grimpé à un arbre dans les inondations, jusqu'à ce que fatiguée, elle soit emportée par les flots. Une femme âgée, noyée, n'a pu être réanimée par les secouristes.

Une étude de 2012 portant sur 392 victimes à faible revenu de Katrina a documenté un doublement des problèmes de santé mentale. Presque la moitié souffrait d'un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Plusieurs personnes aux prises avec une dépression majeure ou avec la schizophrénie ont soudainement constaté qu'ils étaient à court de médicaments. Une autre étude portant sur 815 victimes de Katrina a trouvé une augmentation du nombre de personnes avec des pensées suicidaires de 2 à 6%.

Deux psychiatres du Houston Convention Center, plus de 10.000 personnes ont trouvé refuge pendant la tempête, ont signalé avoir été témoin de crises psychotiques sur les lieux.

La multitude de professionnels de la santé qui ont offert leur temps bénévolement dans les abris doit veiller sur des milliers de personnes dans le besoin sans aucun dossier médical sous la main. Plusieurs personnes se présentent pour des soins d'urgence sans connaitre quelle est leur médication. Dans plusieurs cas, leurs médicaments sont perdus dans les eaux de la tempête et tout ce qu'ils possèdent de leur dossier médical est emporté. Le stress du statut de réfugié est immense: les membres de la famille qui sont séparés les uns des autres, ou perdus, la perte de leur maison, et la ruine financière.

(Article paru en anglais le 7 septembre 2017)

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