Une majorité écrasante du Sénat américain approuve un budget militaire record de 700 milliards de dollars

Montrant le soutien bipartite des démocrates et des républicains pour le militarisme et la guerre, le Sénat américain a voté par 89 contre 9 lundi pour autoriser des dépenses de 700 milliards de dollars pour les forces armées et les agences de renseignement, une augmentation de 80 milliards de dollars par rapport à 2016, et 54 milliards de dollars de plus que ce que le président Donald Trump avait demandé plus tôt cette année.

La Chambre des représentants a déjà adopté une version similaire du projet de loi intitulé Loi sur l’autorisation de la défense nationale (NDAA). Les versions de la Chambre et du Sénat seront maintenant mises en accord et présentées pour que Trump promulgue la loi.

La NDAA est un signe clair que les États-Unis se préparent à lancer des guerres majeures d’agression, impliquant potentiellement des armes nucléaires. Le projet de loi prévoit 200 millions de dollars pour moderniser les installations de lancement nucléaire, 8,5 milliards de dollars pour les systèmes de défense antimissiles aux États-Unis et dans l’espace extra-atmosphérique et 6,4 milliards de dollars pour les sous-marins nucléaires offensifs de classe Virginia.

Trump a salué ces 700 milliards de dollars dans son discours belliqueux aux Nations Unies mardi, en citant ce prix comme preuve du fait que « notre armée sera bientôt plus forte que jamais ».

Le projet de loi fut voté avec 42 démocrates et 47 républicains votant « oui » et six démocrates et trois républicains votant « non ». Les législateurs qui ont voté « oui » comprenaient les démocrates supposés de « gauche » Elizabeth Warren du Massachusetts et Kamala Harris de Californie.

Le total de 700 milliards de dollars par an représente 80 millions de dollars en dépenses militaires par heure, soit 22 000 dollars par seconde. Ce dernier chiffre est considérablement supérieur au revenu individuel annuel médian avant impôts pour la moitié la plus pauvre de la population américaine – seulement 16 200 dollars selon les données de 2016 compilées par les économistes Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman.

Les États-Unis dépensent maintenant plus que les 10 autres armées les plus importantes du monde. Ils dépensent trois fois plus pour leur armée que la Chine et plus de 10 fois plus que la Russie.

À l’initiative du Parti démocrate, la mesure budgétaire a été affinée pour cibler la Russie. Le projet de loi autorise des millions de dollars pour militariser la frontière occidentale de la Russie, y compris 500 millions de dollars pour fournir des armes au gouvernement ukrainien et 100 millions de dollars pour « dissuader l’agression russe » dans les Balkans. Au total, le projet de loi mentionne la Russie 72 fois. Un amendement joint par la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen interdit à la société russe de sécurité informatique Kaspersky Lab de passer des contrats avec le gouvernement.

La version du projet de loi de la Chambre des représentants comprend un amendement intitulé « Encourager l’unité contre l’agression de la Russie », présenté par la démocrate du New Hampshire Carol Shea-Porter et coparrainé par 21 représentants démocrates. Cette mesure ouvre la voie à la censure d’Internet au nom de la lutte contre les « fausses nouvelles ».

En présentant la mesure, Shea-Porter a déclaré : « Les actions agressives de la Russie soulignent la nécessité d’une stratégie globale de dissuasion américaine ». Elle a ajouté que la NDAA « stimulera les améliorations nécessaires de nos préparations et celles de nos alliés afin de contrer les modes non conventionnels d’agression, y compris la propagande et les cyberattaques ».

Outre les 60 milliards de dollars pour les guerres américaines en cours et les opérations militaires en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye, au Pakistan et ailleurs, le projet de loi du Sénat comprend 705 millions de dollars pour les programmes de missiles israéliens, une action visant principalement l’Iran. La version du Sénat autorise les dépenses suivantes pour les installations et l’équipement :

* 300 millions de dollars pour les armes à énergie hypersonique

* 65 millions de dollars pour développer des missiles de croisière

* 12 milliards de dollars pour 94 avions F-35, 24 de plus que le Pentagone a demandé

* 1 milliard de dollars pour 48 hélicoptères Black Hawk

* 1,3 milliard de dollars pour six hélicoptères de transport lourd

* 500 millions de dollars pour le développement technologique des armes avancées

Mercredi dernier, le Sénat a voté pour rejeter un amendement proposé par le libertaire de droite Rand Paul (républicain du Kentucky) qui aurait abrogé à la fois l’Autorisation d’utilisation de la Force militaire adoptée en septembre 2001 à la suite du 11 septembre et l’utilisation de la Résolution de la Force militaire contre l’Irak en 2002, les mesures utilisées par Bush, Obama et maintenant le gouvernement Trump pour mener une guerre sans fin au Moyen-Orient et en Asie centrale.

Le Sénat a rejeté l’amendement par un vote de 61 à 36. Treize démocrates ont voté contre la mesure, garantissant la marge nécessaire pour le bloquer. Cette manœuvre bien orchestrée a laissé à d’autres démocrates la possibilité de prendre une position « anti-guerre » sans affecter le résultat du vote.

Avec 700 milliards de dollars, l’humanité pourrait nourrir la population victime de malnutrition, environ 815 millions de personnes, pendant 23 ans, ou fournir gratuitement des vaccins à tous les enfants dans les 117 pays les plus pauvres du monde pendant 10 ans.

Aux États-Unis, 700 milliards de dollars pourraient fournir à chaque sans-abri un logement à 500 000 dollars, couvrir les coûts annuels de soins de santé de 70 millions d’Américains, rembourser la dette des prêts étudiants de 19 millions d’emprunteurs ou encore financer le coût total de la reconstruction pour chaque ouragan des dernières 20 années. 700 milliards de dollars pourraient servir à créer un réseau ferroviaire à grande vitesse, fournir une protection contre les inondations et les tremblements de terre dans toutes les régions en danger, ou financer des dispositifs pour des évacuations d’urgence sûres et confortables en cas de catastrophe naturelle.

(Article paru en anglais le 20 septembre 2017)

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