Perspectives

Samantha Power, conseillère d’Obama, appelle à sévir contre les médias sociaux

La censure de l’internet et les projets de guerre du gouvernement

La réunion de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York se déroule dans l’ombre de l’impulsion accélérée des grandes puissances, et en premier lieu les États-Unis, vers la Troisième Guerre mondiale. Cela a trouvé son expression la plus nocive dans le discours fascisant prononcé à l’assemblée mardi par Donald Trump, où le président américain a menacé de « détruire la Corée du Nord » et d’attaquer l’Iran et le Venezuela.

Trump a consacre une partie importante de sa diatribe à une dénonciation du socialisme et du communisme, reflétant la peur au sein de l’élite dirigeante américaine du développement de l’opposition sociale et de la montée du sentiment anticapitaliste et socialiste dans la classe ouvrière.

Un autre objectif majeur de l’assemblée est la campagne croissante des gouvernements américains et européens pour réprimer l’échange d’informations et d’opinions sur Internet. La Première ministre britannique Theresa May, le Président français Emmanuel Macron et le Premier ministre italien Paolo Gentiloni ont tous utilisé le prétexte de la lutte contre le terrorisme et les « fausses nouvelles » pour demander des mesures plus drastiques de la part des grandes entreprises de technologie pour censurer Internet, que Gentiloni a qualifié de « champ de bataille pour les cœurs et les esprits ».

Cette attaque contre la liberté d’expression est l’élément central de la réponse des élites dirigeantes capitalistes dominées par la crise à la croissance des tensions géopolitiques mondiales, à l’instabilité économique et à la radicalisation politique de larges masses des travailleurs et des jeunes.

Aux États-Unis, la lutte pour la censure sur Internet a été menée par l’aile dite « libérale » de l’establishment politique, concentrée dans le Parti démocrate, dont le principal média est le New York Times. À la veille de l’assemblée de l’ONU, le Times a publié une proposition sans ambiguïté pour la censure d’Internet sous la forme d’une chronique d’opinion de Samantha Power, qui avait le poste d’ambassadeur auprès de l’ONU sous Barack Obama.

Sous le titre « Pourquoi la propagande étrangère est plus dangereuse maintenant », et sous prétexte de lutter contre la désinformation et la subversion russes, Power appelle à l’utilisation de « gardiens professionnels » pour policer le discours public sur Internet.

Samantha Power, un des principaux partisans de l’impérialisme des « droits de l’Homme », voit avec nostalgie la guerre froide comme un 'âge d’or de la diffusion de l’information, lorsque « la plupart des Américains recevaient leurs nouvelles et informations via des plates-formes soumises à une modération ». Elle poursuit : « Les reporters et les éditeurs dans leur rôle des gardiens professionnels avait un contrôle presque total sur ce qui apparaissait dans les médias. Un adversaire étranger cherchant à atteindre le public américain n’avait pas grand choix pour contourner ces arbitres, et la désinformation russe a rarement pénétré. »

À un autre moment, elle pleure la fin du cadre dominant idéologique anticommuniste et totalement répressif de la période de la Guerre froide, écrivant : « Pendant la Guerre froide, la lutte plus large contre le communisme a créé un consensus général sur ce que l’Amérique représentait et ce à quoi elle s’opposait. Aujourd’hui, notre société semble être définie par une forme particulièrement brutale du “parti pris” affectant à la fois les démocrates et les républicains. »

Power présente la montée d’Internet, et par conséquent l’affaiblissement du contrôle sur le flux d’informations et d’opinions par les médias du grand patronat approuvés par l’État tels le Times, comme un développement tout à fait dangereux et négatif. Dans les conditions où les médias de l’establishment sont de plus en plus discrédités – « 60 pour cent des gens croient que les informations aujourd’hui sont “souvent inexactes”, selon Gallup » – a fait remarquer Power, et le fait que « les deux tiers des Américains reçoivent au moins une certaine portion de leurs informations via les médias sociaux » est une source d’inquiétude au plus haut degré.

La « dépendance croissante des nouveaux médias – et l’absence de véritables arbitres », écrit-elle, a rendu les États-Unis vulnérables à la désinformation et à la subversion aux mains d’une Russie démoniaque, avec ses médias tout puissants, RT et Spoutnik, et ses « trolls, bots et milliers de faux comptes Twitter et Facebook qui ont amplifié des histoires dommageables pour Hillary Clinton ».

Nous voyons ici la campagne hystérique, digne de McCarthy, contre la Russie, qui a été employée par les agences de renseignement, le Parti démocrate et leurs alliés dans les médias pour tenter d’attiser une fièvre de guerre et pousser Trump à prendre une position plus belliqueuse envers Moscou avec une attaque accrue contre l’accès public aux sites web anti-guerre, progressistes et socialistes.

Les demandes de Samantha Power pour une censure par l’État ont déjà été mises en œuvre par le géant d’Internet Google. Au nom de la lutte contre les fake news [fausses nouvelles] et de la promotion du « contenu fiable » par rapport aux « points de vue différents », Google a mis en place des changements dans son moteur de recherche qui ont réduit de 55 pour cent la fréquentation vers les principaux sites Web de gauche et les sites d’information indépendants. La cible principale de cette attaque est le World Socialist Web Site, dont la fréquentation depuis Google a chuté de 75 pour cent.

Par « gardiens » Power entend dire que les comités de rédaction soigneusement contrôlés et serviles des journaux tels que le Times, qui cachent docilement au peuple américain ce que la CIA et le département d’État ne veulent pas qu’il sache, tout en diffusant des mensonges d’État et de la propagande sous couvert d’« information ».

En 2010, le rédacteur en chef d’alors du New York Times Bill Keller, avait expliqué dans les détails la politique de ces organes de « modération » avec une franchise inhabituelle. Il a déclaré que « la transparence n’est pas un bien absolu. » Il a ajouté : « La liberté de la presse comprend la liberté de ne pas publier, et c’est une liberté que nous exerçons avec une certaine régularité. »

Plus d’un quart de siècle après la dissolution de l’Union soviétique, toutes les factions de l’élite dirigeante des États-Unis sont hantées par le fait que la politique socialiste, comme l’a fait remarquer Hillary Clinton dans son récent livre, puise « dans de puissants courants émotionnels » de la population. Le fait que dans les primaires démocrates de 2016, 12 millions d’Américains, principalement des jeunes et des travailleurs, ont voté pour un candidat, Bernie Sanders, qui s’est déclaré socialiste, a troublé la classe dirigeante.

Incapable de proposer aucune politique visant à résoudre les griefs sociaux des travailleurs ou de se détourner de son programme étranger de militarisme et de guerre, l’élite dirigeante répond à la montée de l’opposition en recourant aux méthodes policières. L’attaque intensifiée de l’État et du patronat contre la liberté d’expression sur Internet rend d’autant plus urgente la campagne du World Socialist Web Site contre la censure par Google. Nous demandons à tous nos lecteurs et sympathisants de signer notre pétition demandant la fin de la censure, d’envoyer des déclarations de soutien à notre campagne, et de travailler activement à la distribution des articles du WSWS aussi largement que possible via Facebook et d’autres médias sociaux.

(Article paru en anglais le 21 septembre 2017)

 

Loading