L’extrême droite s’apprête à entrer au gouvernement après les élections en Autriche

L’élection de dimanche en Autriche a donné lieu à un virage à droite. On s’attend à ce qu’un gouvernement de droite soit nommé, d’un genre qu’on n’a pas vu depuis la chute d’Hitler et la restauration de l’indépendance autrichienne.

L’opinion consensuelle est que la campagne électorale était la plus sale de l’histoire du pays. Incapables de s’attaquer aux conséquences sociales dévastatrices de la crise capitaliste mondiale, les partis principaux ont cherché à renchérir les uns les autres sur des attaques contre les réfugiés et les médisances mutuelles. Un commentateur a parlé d’une « atmosphère hystérique de l’Autriche d’abord » dominant la politique officielle.

Jusqu’à l’heure de rédaction cet article, le Parti autrichien du peuple (ÖVP) conservateur, avec 31,4 % des voix, est en tête du scrutin avec une nette avance. Il a gagné 7,4 pour cent par rapport à ses résultats aux dernières élections nationales de 2013. Le résultat final ne sera pas connu avant lundi, lorsque le vote par correspondance sera dépouillé.

Sebastian Kurz, âgé de trente et un ans et actuellement ministre des Affaires étrangères dans la grande coalition avec les sociaux-démocrates (SPÖ), est susceptible de devenir le nouveau Premier ministre. Kurz a pris la direction de l’ÖVP en mai après ce qu’il conviendrait d’appeler un putsch interne du parti. Il a focalisé sa campagne sur son personnage. Son seul objectif politique était l’hostilité envers les immigrants, les réfugiés et les musulmans. Kurz a tenté de déborder le Parti de la liberté (FPÖ), d’extrême droite, sur sa droite

Kurz s’est vanté d’avoir assuré la fermeture de la route des Balkans utilisée par les réfugiés fuyant les conditions catastrophiques au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Afrique du Nord résultant des guerres menées par les États-Unis et l’OTAN en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Libye. Il s’est vanté de ses liens étroits avec le Premier ministre hongrois Viktor Orbàn et a promis une série de mesures discriminatoires à l’encontre des réfugiés. Il a promis de limiter le nombre d’immigrants, de réduire les prestations sociales pour les demandeurs d’asile et de fermer les écoles maternelles islamiques. Il s’est également engagé à renforcer massivement la police et l’appareil de sécurité.

Le FPÖ occupe la deuxième place. Il a augmenté son vote de 6,9 % à 27,4 % et a dépassé les sociaux-démocrates (26,7 %), qui ont obtenu le même résultat qu’il y a quatre ans. Étant donné que ni les conservateurs ni les sociaux-démocrates ne veulent poursuivre la grande coalition qui a gouverné le pays pendant dix ans, il est probable que les extrémistes de droite fassent partie du prochain gouvernement.

Le FPÖ est entré au gouvernement à Vienne une fois par le passé, de 2000 à 2007, lorsque le parti était dirigé par Jörg Haider. À l’époque, son intégration au gouvernement a déclenché des protestations à l’échelle de l’Europe et l’Union européenne a imposé des sanctions. Depuis lors, le parti a considérablement progressé vers la droite.

Heinz-Christian Strache, de quarante-huit ans, qui a rompu avec Haider en 2005 et a repris la tête du parti, faisait, selon la Süddeutsche Zeitung, partie du milieu néo-nazie militant quand il a commencé sa carrière dans le FPÖ.

À l’âge de 17 ans, Strache a rejoint la fraternité étudiante nationaliste allemande Vandalia à Vienne. Il a maintenu un contact étroit avec l’extrémiste de droite bien connu Norbert Burger et a été le partenaire de sa fille pendant sept ans. Il avait des liens avec les Jeunes Vikings néo-nazis, interdits en Allemagne en 1994, et a participé à des exercices paramilitaires avec des néonazis bien connus. Puisqu’il y avait des photos de lui en uniforme, Strache essaya plus tard de balayer ses activités paramilitaires comme un jeu de paintball inoffensif.

Strache a rejoint le FPÖ en 1989, mais l’organisation de jeunesse du FPÖ, le Cercle de liberté des jeunes (RFJ), l’a recalé. « À cette époque, Strache était trop à droite pour nous et se vantait trop », a déclaré le futur ministre de la défense, Herbert Scheibner, à propos de cette décision.

Une alliance gouvernementale entre Kurz et Strache – le résultat le plus probable des élections – équivaudrait à peu près à une coalition entre Markus Söder de l’Union sociale chrétienne et l’Alternative pour l’Allemagne de Bernd Höcke en Allemagne ; ou entre Nicolas Sarkozy et Marine le Pen en France. Dans un pays annexé par Hitler en 1938, toutes les inhibitions sur les crimes du passé sont abandonnées.

Ce développement ne peut être compris que dans le contexte de la faillite des organisations qui se sont qualifiées d’autrefois de « gauche » ou de représentantes de la classe ouvrière.

Au début du XXᵉ siècle, la sociale-démocratie autrichienne comptait parmi les sections les plus puissantes de la Deuxième Internationale. Même après la Première Guerre mondiale, soutenue par la sociale-démocratie autrichienne, le parti dominait la « Vienne rouge », où un habitant sur quatre en était membre. Dans les années 1970, à l’époque où le parti avait déclaré sa défense inconditionnelle de l’ordre bourgeois, mais menait toujours des réformes sociales limitées, le dirigeant du SPÖ Bruno Kreisky était l’une des figures les plus connues de la social-démocratie internationale.

Maintenant, le SPÖ a ouvert la voie à la montée des extrémistes de droite en abandonnant même le prétexte de défendre les droits des travailleurs. Au lieu de cela, il a adopté des slogans xénophobes, promettant avant l’élection de se tenir prêt à former une coalition avec le FPÖ.

Comme les autres partis, les sociaux-démocrates ont appelé pendant la campagne électorale au renforcement des frontières contre les réfugiés. Ils ont soutenu la fermeture de la route des Balkans par les gouvernements de droite de la région et ont encouragé une position plus ferme contre les réfugiés en Méditerranée, affirmant que ces derniers représentaient une « migration économique ».

En juin, le chancelier et chef du SPÖ Christian Kern, ancien cadre de l’industrie ferroviaire, a abandonné « la doctrine Vranitzky » suivie depuis 30 ans selon laquelle les sociaux-démocrates ne coopéreraient pas avec le FPÖ. Les principaux responsables du SPÖ ont ouvertement appelé à une alliance avec les extrémistes de droite. C’était particulièrement le cas des représentants de l’aile syndicale influente, tels que Josef Muchitsch, chef du syndicat du bâtiment et Rainer Wimmer, chef du syndicat des métallurgistes. Au niveau des États, le SPÖ a déjà formé une coalition avec le FPÖ [article en anglais] dans le Burgenland en 2015. Les deux partis ont salué leur étroite collaboration.

Lors des élections, le SPÖ a eu recours à une campagne grossière qui lui a explosé au visage après son dévoilement. En août, Tal Silberstein [article en anglais], consultant de la campagne SPÖ hautement rémunéré, a été arrêté en Israël sur des accusations de corruption et il a été révélé qu’il a exploité les pages Facebook anonymes qui répandaient des mensonges au sujet du candidat Kurz de l’ÖVP, le décrivant comme un antisémite.

Il n’y a aucune possibilité de former une majorité au nouveau parlement en alignant l’un des trois grands partis sur un ou plusieurs des plus petits partis, parce que les votes enregistrés par ces derniers étaient trop faibles.

Le néo-libéral Neos, un parti de protestation composé d’éléments aisés de la classe moyenne, qui s’est adapté à la campagne anti-réfugiés, réapparaîtra au parlement avec 5 % des voix, comme lors des dernières élections.

Les Verts, dont l’ancien président Alexander Van der Bellen a été élu président autrichien en décembre 2016, ont perdu 9,1 pour cent des voix. Avec un total de 3,3 %, ils n’ont pas atteint les 4 % nécessaires pour entrer au Parlement. La liste de Peter Pilz, ancien membre du Groupe marxiste révolutionnaire pabliste, qui s’est séparé des Verts parce que leurs politiques sur les réfugiés et la Turquie étaient insuffisamment de droite, a reçu 4,1 %.

Le parti Team Stronach, créé par un homme d’affaires de droite, qui a reçu 5,7 % aux dernières élections, ne s’est pas représenté à l’élection de dimanche.

Le virage à droite en Autriche est symptomatique de l’Europe dans son ensemble. Dans la république alpine, avec près de 9 millions d’habitants, toute l’étendue de la décomposition politique bourgeoise est en vue. Devant l’approfondissement des tensions internationales et sociales, tous les partis défendant le capitalisme se tournent vers des politiques de nationalisme, de xénophobie, de militarisme et de renforcement de l’appareil répressif de l’État.

L’insatisfaction et les besoins sociaux des masses ne trouvent aucune expression parmi les partis traditionnels du pouvoir, ce qui leur permet d’être exploités par des démagogues d’extrême droite. Cela est vrai non seulement en Autriche, où le FPÖ est en train de gagner le soutien des anciens bastions du SPÖ, mais aussi en France où le Front national a remporté des voix dans des zones industrielles sinistrées et en Allemagne où les bastions de l’AfD se trouvent dans les régions pauvres à l’est de l’Allemagne.

(Article paru en anglais le 16 octobre 2017)

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