L’UE soutient l’imposition par Madrid d'un régime militaire en Catalogne

L'Union européenne (UE) soutient à l'imposition de l'Article 155 de la constitution espagnole en Catalogne et la liquidation par Madrid des droits démocratiques dans cette région. En donnant un blanc-seing à un retour vers les politiques autoritaires du régime fasciste créé par Francisco Franco, qui s'est effondré en 1978 sur fond de mobilisations révolutionnaires du prolétariat espagnol, elle pulvérise ainsi les mensonges que l'UE est un défenseur de la démocratie.

Alors que le gouvernement Rajoy s’apprête à dissoudre le parlement catalan et a commencé à prendre le contrôle de l‘appareil gouvernemental, en premier lieu des services de sécurité et des ministères, et à purger l’administration, l'EU se presse pour lui apporter leur soutien. Ces derniers jours, le gouvernement PP (Partido Popular), soutenu par les autres partis de la bourgeoisie espagnole, avait mobilisé des dizaines de milliers de gardes civils et des unités de l‘armée espagnole en soutien à ses mesures.

Madrid a fait occuper les fonctions du président destitué de la Catalogne Puigdemont par la vice-premier ministre Sorayao Sáenz de Santamaría, chargée de superviser la « prise en main » et d‘imposer des élections anticipées le 21 décembre. Un clair signal qu’il veut revenir à la dictature. Sáenz de Santamaria vient d‘une famille intimement liée à l‘appareil de répression du régime fasciste de Franco.

Son grand père, le général José Antonio Sáenz de Santamaría, fut l’un des principaux responsables des forces de répression de l’État franquiste après la guerre civile et durant deux décennies après la mort de Franco, jusqu‘en 1996.

L'UE applaudit à présent le retour à ce type de régime. «J’ai un interlocuteur en Espagne, c’est le Premier ministre Rajoy (...) Il veut faire respecter [les règles constitutionnelles] et il a mon plein soutien» a déclaré dimanche depuis la Guyane le président français Emmanuel Macron en réaction à l‘adoption du paragraphe 155. Son ministre des Affaires étrangères, Jean Yves le Drian a dit qu‘il ne reconnaissait pas l‘indépendance de la Catalogne et qu'il souhaitait une Espagne « forte et unie ».

L‘Allemagne « refuse de reconnaître l’indépendance de la Catalogne », a dit la chancelière allemande Angela Merkel, qui a ajouté qu‘elle soutenait pleinement Madrid. Son porte-parole Steffen Seibert a dit que Berlin soutenait la position « claire » de Rajoy, « qui vise à ramener l’ordre et le calme ».

Alors même qu'il accorde temporairement l'asile au premier ministre catalan destitué, Carles Puigdemont, le gouvernement belge apporte lui aussi son soutien à Madrid. Le premier ministre belge, Charles Michels a indirectement exhorté la population catalane à accepter l‘imposition du régime militaire: « La crise politique ne peut être résolue que par le dialogue. Nous appelons à une solution pacifique dans le respect de l‘ordre national et international ».

Le secrétaire général de l‘OTAN Jens Stoltenberg a écrit sur Twitter : « La question Catalane doit être résolue dans le cadre de l‘ordre constitutionnel. L’Espagne est un allié fidèle qui contribue fortement a notre sécurité ».

Pour l‘UE, le commissaire européen Carlos Moedas a dit vendredi dernier : « Ce qui arrive actuellement est très difficile pour toutes les parties mais nous, en tant qu'Union européenne, nous devons défendre l'ordre constitutionnel en Espagne ».

L’encouragement donné par les gouvernements européens à l‘imposition d‘une dictature militaire et policière en Catalogne – prélude à l‘imposition d‘un tel régime plus largement en Espagne et dans toute l'Europe – sont un avertissement à la classe ouvrière. Les gouvernements de l‘UE voient clairement la crise qui se déroule en Catalogne comme une opportunité d‘imposer des régimes dictatoriaux à travers l‘Europe.

C'est l'aboutissement d'un quart de siècle d'austérité et de militarisme impérialiste en Europe depuis la dissolution par la bureaucratie stalinienne de l'Union soviétique. La montée des tensions de classe face à l'explosion des inégalités, à un chômage de masse et à des attaques sociales jamais vues depuis la Grande dépression mine même les formes extérieures de la démocratie parlementaire. Les classes dirigeantes reviennent vers l'abolition du régime parlementaire et les régimes capitalistes autoritaires et sanguinaires du milieu du 20e siècle.

Une peur panique de la colère de la classe ouvrière pousse l'élite dirigeante européenne à soutenir les mesures autoritaires en Catalogne et à préparer des mesures semblables ailleurs en Europe.

Un article du journal L‘Alsace intitulé « La poudrière catalane » dit: « Toute la difficulté du gouvernement de Mariano Rajoy sera de prendre les rênes de la Catalogne sans donner du grain à moudre à ceux qui s’y opposent. Le moindre débordement, d’un côté comme de l’autre, pourrait servir d’étincelle à une situation prête à s’embraser. »

Un autre journal régional français, le Bien Public, traite la Catalogne de « Baril de poudre » et conclut que, « Dans ce climat tendu, les dérapages violents ne sont jamais à exclure. »

Il ajoute, « les militants de la cause catalane, habitués aux résistances pacifiques, ne laisseront pas la police arrêter leurs leaders menacés par la justice pour sédition, et qui risquent en théorie 30 ans de prison. Madrid peut maintenir sa fermeté juridique sans commettre l’erreur d’envoyer la troupe. En revanche, ce que nul ne maîtrise, ce sont les réactions de populations non catalanes qui peuplent des banlieues entières de Barcelone et finissent par devenir agressives. 'Dans des réunions, au café, on évite d’en parler et il vaut mieux. C’est un baril de poudre', relève un élu socialiste de Barcelone. »

Alors que les pays de l‘UE jettent aux orties leurs prétentions démocratiques, ils révèlent définitivement l‘incapacité du capitalisme européen de sortir de sa crise. L'avenir qu'offre l'UE à la population européenne est celui d‘une série de prisons surveillées par des forces de sécurité de plus en plus puissantes et capables d'espionner tous les aspects de la vie des citoyens.

En France, l‘état d‘urgence rendu permanent par le gouvernement Macron à travers la nouvelle loi anti-terroriste crée déjà de fait un État policier. Une des mesures prises parallèlement à cette loi est l‘établissement d‘un état-major réunissant les chefs des services secrets et des diverses forces de sécurité, pouvant servir à imposer un régime policier et militaire contre l‘opposition sociale. Macron, qu‘on a traité d‘alternative démocratique à Le Pen, a clairement signalé, il y a quelques jours, en recevant le dictateur égyptien Al-Sissi à l’Élysée, qu‘il n’était pas opposé à une dictature.

Une mobilisation politique de la classe européenne pour s‘opposer aux mesures réactionnaires et extrêmement dangereuses du gouvernement Rajoy et des autres gouvernements de l‘UE est le seul moyen d'aller de l'avant. Elle doit le faire contre les partis indépendantistes catalans, qui veulent eux aussi imposer l‘austérité dans un Etat capitaliste indépendant en Catalogne, contre les partis de pseudo-gauche, et sur la base d‘une lutte unie des travailleurs dans toute l’Europe, pour des Etats-Unis socialistes d‘Europe.

La crise qui se déroule en Catalogne a mis à jour le caractère réactionnaire et la banqueroute des organisations telles que Podemos et la France Insoumise de Jean Luc Mélenchon, hostiles à tout appel à mobiliser la classe ouvriere en lutte contre la répression. Podemos a tout fait ces dernières semaines pour se poser grâce à des « appels au dialogue » en parti capable de résoudre la crise tout en étouffant l‘opposition sociale. Il s‘est finalement aligné sur le gouvernement Rajoy, en soutenant sa proposition d‘élections et par là, la répression organisée par Madrid.

Son allié français, Mélenchon, le dirigeant de La France insoumise (LFI), après avoir demandé à Macron d‘intervenir auprès de Rajoy, a maintenant déclaré son soutien à l‘élection frauduleuse voulue par Rajoy. « Je ne veux pas qu'on déclare comme ça l'indépendance ni qu'on la réprime, il faut voter » a-t-il dit ce week-end.

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