Audience du Congrès américain :

Un ex-agent du FBI affirme que les entreprises de technologie doivent « faire taire » les sources de « rébellion »

Les hauts responsables des services juridiques et de sécurité de Facebook, Twitter et Google ont été entendus par la commission aux affaires judiciaires du Sénat mardi, lors d’une audition portant sur « le contenu extrémiste et de la désinformation russe sur l’Internet ».

Pendant quatre heures, les sénateurs ont soutenu que « l’infiltration étrangère » est à l’origine de l’opposition sociale aux États-Unis, afin de justifier la censure des points de vue oppositionnels.

La Russie « a cherché à semer la discorde et à amplifier les divisions raciales et sociales entre les électeurs américains », a déclaré la sénatrice démocrate de Californie Dianne Feinstein. Pour elle, la Russie a « exploité des sujets brûlants […] pour cibler des publics à la fois conservateurs et progressistes ».

Le sénateur républicain, Chuck Grassley, de l’Iowa a déclaré que la Russie a aidé à promouvoir les manifestations contre la violence policière à Ferguson, Baltimore et Cleveland. La Russie, a-t-il dit, « a diffusé des nouvelles sur les abus commis contre des noirs américains par les forces de l’ordre. Ces publicités [ads] sont clairement destinées à aggraver les tensions raciales et éventuellement la violence dans ces villes. »

Le sénateur démocrate Mazie Hirono de Hawaï a exigé, pour sa part, que les entreprises adoptent un « énoncé de mission » exprimant leur engagement à « empêcher la fomentation de la discorde ».

La partie la plus importante du témoignage a eu lieu au cours de la deuxième partie de l’audition, au cours de laquelle la plupart des sénateurs étaient partis et deux représentants des services de renseignement américains ont témoigné devant une salle aux chaises presque toutes vides.

Clint Watts adresse une audience presque vide par le Comité judiciaire du Sénat

Clint Watts, ancien officier de l’armée américaine, ancien agent du FBI et membre de l’Alliance for Securing Democracy, a fait la déclaration apocalyptique suivante : « Les guerres civiles ne commencent pas par des coups de feu, elles commencent par des mots. La guerre de l’Amérique avec elle-même a déjà commencé. Nous devons tous agir maintenant sur le champ de bataille des médias sociaux pour réprimer les rébellions sur l’information qui peuvent rapidement mener à des affrontements violents et faire facilement de nous les États-divisés d’Amérique. »

Il a ajouté : « Arrêter le barrage d’artillerie de fausses informations qui tombe sur les usagers des médias sociaux ne peut se faire que quand ces points de distribution distribuant de fausses nouvelles sont réduits au silence – faire taire les armes, et le tir de barrage prendra fin. »

Alors que cette « guerre civile » fait rage, a-t-il dit, « notre pays reste bloqué en observation, arrêté par la délibération et chaque jour plus divisé par des forces manipulatrices venues de loin. »

Les implications de ces déclarations sont stupéfiantes. Les États-Unis seraient en pleine guerre civile et la réponse nécessaire du gouvernement serait la censure, ainsi que l’abolition de tous les autres droits démocratiques fondamentaux. La « rébellion » devrait être réprimée en faisant taire les médias qui la préconisent.

Qu’une telle déclaration puisse être faite lors d’une audience du Congrès, sans aucune objection, est une expression de la décadence de la démocratie américaine. Il n’y a aucune fraction de la classe dirigeante qui maintienne le moindre engagement envers les droits démocratiques fondamentaux.

Aucun des Démocrates dans la commission n’a soulevé aucune des questions constitutionnelles soulevées par la demandant aux sociétés de technologie massives de censurer le discours politique sur Internet. Un seul Républicain a soulevé des préoccupations sur la censure, mais seulement pour alléguer que Google aurait un parti pris libéral.

Les démocrates ont axé leurs remarques sur les demandes que les entreprises d’Internet prennent des mesures encore plus agressives pour censurer le contenu. Dans un échange particulièrement néfaste, Feinstein a pressé le conseiller juridique de Google sur les raisons pour lesquelles il a fallu tant de temps à YouTube (propriété de Google) pour révoquer le statut de diffuseur « préféré » de Russia Today . Elle a demandé : « Pourquoi Google a-t-il donné un statut privilégié à Russia Today, un bras de la propagande russe, sur YouTube ? […] Il vous a fallu jusqu’en septembre 2017 pour le faire. »

Malgré le fait que Feinstein et d’autres Démocrates faisaient clairement pression sur l’entreprise pour prendre cette mesure, les sénateurs ont permis à Richard Salgado, directeur du service juridique de Google, de présenter devant le Congrès. « La suppression de RT du programme était en fait le résultat de… est le résultat d’une baisse de l’audience, et non d’une autre action. Donc il y avait… il n’y avait rien à propos de RT ou de son contenu qui signifiait qu’il restait ou qu’il restait dehors », balbutia Salgado, dans la seule fois où il sembla perdre son sang-froid pendant l’audience.

La déclaration apparemment fausse de Salgado est d’une pièce avec les autres actions de Google pour censurer l’Internet. Cela inclut des changements dans son algorithme de recherche qui, dans le dos du public, ont réduit de 55 pour cent le trafic issu des moteurs de recherche vers les sites web de gauche, le World Socialist Web Site perdant environ 74 pour cent de son trafic issu des recherches.

Soulignant la transformation des grandes entreprises technologiques américaines en opérations de censure de masse, le sénateur démocrate Sheldon Whitehouse du Rhode Island a posé la question aux représentants des entreprises : « Je suppose que toutes vos entreprises ont dépassé toute idée que votre travail consiste uniquement à fournir une plate-forme et que tout ce qui passe à travers ce n’est pas votre affaire », à laquelle tous ont répondu par l’affirmative.

Lorsque, pressé par les législateurs d’indiquer combien de personnes ont été employées par Facebook pour modérer le contenu, Colin Stretch, le chef du contentieux de l’entreprise, a déclaré que Facebook employait « des milliers » de modérateurs, et était en train d’en ajouter « des milliers d’autres ».

Alors que les sénateurs et les entreprises de technologie ont largement fait preuve d’unité, la mesure dans laquelle les entreprises étaient prêtes à censurer le contenu des usagers et à aider le gouvernement à créer des listes noires de dissidents a sans aucun doute fait l’objet de débats litigieux.

Vendredi, Feinstein a envoyé une lettre au PDG de Twitter pour lui demander de lui fournir des informations sur les profils des usagers – incluant potentiellement les noms complets, les adresses des courriers électroniques et les numéros de téléphone – liés aux « contenus organiques » « qui sème la discorde » promus par les comptes « liés à la Russie ».

Bien que les sénateurs se soient largement écartés de la question du « contenu organique » dans leurs questions, une remarque de Sean Edgett, chef du contentieux suppléant de Twitter, a clairement indiqué que le « contenu organique » auquel faisait allusion la lettre de Feinstein comprenait les publications sur les médias sociaux des organisations et individus basés aux États-Unis. Edgett a déclaré que les « tweets organiques » incluent « ceux que vous ou moi ou n’importe qui ici aujourd’hui peut tweeter à partir de leur téléphone ou de leur ordinateur ».

Le New York Times a rapporté au cours du week-end, cependant, que Facebook a déjà commencé à livrer des listes de ce « contenu organique » aux enquêteurs du Congrès. Étant donné que Facebook a déclaré qu’une seule société « liée à la Russie » avait publié quelque 80 000 articles « qui sèment la discorde », en comptant les articles d’autres usagers repris à son compte, il est raisonnable de supposer que Facebook et Twitter subissent des pressions pour fournir des informations d’une proportion substantielle de dissidents politiques aux États-Unis.

(Article paru d’abord en anglais le 1ᵉʳ novembre 2017)

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