Après le plaider coupable de Flynn, la campagne anti-russe s’intensifie contre Trump

Après que le général à la retraite Michael Flynn, ancien conseiller à la sécurité nationale au début du gouvernement Trump, a plaider coupable vendredi, les opposants à Trump parmi les démocrates, dans les médias et dans les services de renseignement, ont intensifié les pressions sur la Maison Blanche.

Plusieurs démocrates bien en vue ont suggéré lors d’entretiens télévisés dimanche que l’enquête dirigée par Robert Mueller, désigné comme procureur spécial, sur l’intervention alléguée de la Russie dans l’élection présidentielle américaine de 2016, allait probablement conclure que Trump était coupable d’entrave à la justice, un délit qui peut lui valoir une procédure d’impeachment.

La clémence du plaider coupable de Flynn, limité à une seule infraction, pour avoir menti au FBI – avec l’espoir d’une peine de six mois de prison et d’une amende de 9500 dollars – a été universellement interprété comme signifiant que Mueller envisage d’utiliser le témoignage de Flynn contre de plus hauts fonctionnaires de la Maison-Blanche et de la campagne de Trump, à savoir : le beau-fils de Trump, Jared Kushner, le fils aîné de Trump, Donald Trump Jr., et le président lui-même.

La sénatrice de Californie Diane Feinstein, l’une des démocrates les plus riches et les plus influentes du Sénat, est apparue dans l’émission de NBC « Meet the Press », où elle a discuté des enquêtes de Mueller et du Comité judiciaire du Sénat, dont elle est le membre du Parti démocrate le plus important. Elle a déclaré : « Je pense que ce que nous commençons à voir est la constitution d’un dossier d’obstruction à la justice. Je pense que nous voyons cela dans les actes d’accusation, les quatre inculpations et les plaidoyers qui viennent d’être déposés, et certains des commentaires qui circulent. »

Feinstein faisait allusion à l’escalade progressive de l’enquête de Mueller : le plaider coupable d’un assistant de campagne électorale subalterne, George Papadopoulos, accusé d’avoir menti au FBI au sujet de ses contacts avec des responsables russes ; les inculpations de l’ancien président de la campagne, Paul Manafort, et de son adjoint, Richard Gates, accusés de blanchiment d’argent, de conspiration et de dépôt de déclarations mensongères ; et maintenant le plaider coupable de Flynn, le premier ancien fonctionnaire de la Maison Blanche à être inculpé dans cette enquête.

Cette supposée obstruction à la justice a eu lieu lorsque Trump a importuné James Comey, alors directeur du FBI, pour qu’il abandonne l’enquête en cours sur les contacts de Flynn avec les responsables russes pendant la période de transition. Au cours de cette enquête, comme l’admet maintenant Flynn, il a menti aux agents du FBI dans un entretien le 24 janvier 2017, quatre jours après l’investiture de Trump. Il fut renvoyé deux semaines plus tard, prétendument pour avoir raconté le même mensonge au vice-président Mike Pence.

Trump avait sollicité à plusieurs reprises de Comey qu’il « soit sympa » avec Flynn, et quand il est devenu évident que l’enquête allait se poursuivre tout de même, il l’a viré. Cela déclencha un tollé politique qui conduisit le sous-procureur général Rod Rosenstein à nommer Mueller, lui-même directeur du FBI à la retraite, comme procureur spécial pour diriger l’enquête sur la Russie, désormais élargie aux actions de la Maison Blanche de Trump pour avoir cherché à bloquer l’enquête.

Malgré les allégations hystériques sur la « trahison » et la « mainmise russe » sur le gouvernement Trump, exprimées entre autres par des chroniqueurs du New York Times et du Washington Post, aucune section de l’establishment politique ne croit sérieusement que le Kremlin dirige la Maison Blanche. Ces sentiments sont exprimés pour canaliser l’opposition populaire au gouvernement Trump dans une direction de droite et pro-guerre.

La véritable inquiétude dans certains segments de l’élite dirigeante est que les efforts de Trump pour établir une relation plus collaborative avec Moscou gênent la position agressive adoptée par le gouvernement Obama et l’appareil de renseignement et l’armée, en commençant par l’effort pour renverser le régime syrien de Bachar al-Assad, l’allié solitaire de la Russie au Moyen-Orient, et s’intensifiant avec le coup d’État d’ultra-droite soutenu par les États-Unis qui a enlevé un gouvernement pro-russe en Ukraine.

Il est remarquable que Feinstein, longtemps l’un des membres du Parti démocrate au Sénat les plus prudents sur la question de la destitution potentielle de Trump, suggère maintenant de soutenir un effort pour l’écarter, citant principalement ses choix en politique étrangère. « Nous avons de gros problèmes dans le monde avec nos alliés maintenant, au Moyen-Orient, avec la Corée du Nord », a-t-elle dit dans l’émission Meet the Press. « Ça continue encore et encore. Et je pense que ce président est en train de propager de plus en plus d’angoisse, ce qui va mener à une sérieuse discorde. »

En réponse à une question directe du présentateur Chuck Todd : « À quel instant vous vous êtes dit “ça suffit” ? Feinstein a répondu : « Eh bien, ça s’est passé il y a un mois et je ne peux pas vous citer un événement particulier », ajoutant que c’était l’accumulation des informations sur les actions et déclarations de plus en plus imprévisibles de Trump.

Le démocrate le plus important de la commission du Sénat sur le renseignement, Mark Warner, de Virginie, a adopté une position similaire dans un entretien dans l’émission State of the Union de CNN. Interrogé sur le dernier tweet de Trump, dans lequel il a nié avoir dit au directeur du FBI, Comey, de laisser tomber l’enquête sur Michael Flynn, Warner a déclaré : « Je crois le directeur du FBI, Comey. Je pense qu’il a été très crédible dans son témoignage et lors de ses rencontres privées avec nous. »

Le présentateur de CNN Jake Tapper a cité un autre tweet, dans lequel Trump a déclaré avoir renvoyé Flynn parce qu’il avait menti à Pence et au FBI : « Cela semblerait indiquer que le président Trump savait que Michael Flynn avait menti au FBI, ce qui est bien sûr, un crime, quand il a viré Flynn et aussi quand, selon Comey, il a demandé à Comey de reculer. Cela semble relever de l’entrave à la justice. »

Warner a approuvé, en disant, « Et, encore une fois, c’est pourquoi je pense que vous allez voir beaucoup plus [de choses] venir du procureur spécial. »

Il a poursuivi : « Nous avons également de plus en plus de preuves, presque chaque semaine, de contacts supplémentaires entre le gouvernement russe ou les responsables russes et les responsables de la campagne Trump, sous prétexte d’essayer d’améliorer les relations […] il n’y a jamais eu dans l’histoire américaine moderne, une campagne politique qui a eu autant de contacts avec un gouvernement étranger et un adversaire étranger dans ce cas, tout au long de la campagne et tout au long de la transition. »

Warner est, comme Feinstein, un pilier de l’establishment politique démocrate. Ancien nabab des télécommunications, il est le membre le plus riche du Congrès, il représente l’État de Virginie qui accueille le siège de la CIA et le Pentagone, et entretient les liens les plus étroits avec l’appareil de renseignement et l’armée. Il a envisagé de se présenter à présidentielle en 2008 avant de se retirer, et devrait également prévoir une candidature en 2020.

Les représentants des super-riches comme Warner et Feinstein ne ciblent pas Trump en raison de ses attaques racistes contre les immigrés et les musulmans, ni de sa réduction d’impôts gigantesque pour les sociétés américaines – qui sera financée par des coupes budgétaires brutales dans les dépenses sociales – ni pour sa disposition à utiliser la puissance militaire américaine dans le monde entier. Au lieu de cela, ils considèrent Trump comme un facteur de déstabilisation, à la fois pour la politique intérieure et internationale, dont le comportement provocateur sape les intérêts à long terme de la classe dirigeante capitaliste.

Une poignée de démocrates de la Chambre des représentants ont commencé à évoquer la possibilité de la destitution, plus comme un slogan de campagne pour les élections de 2018 que comme une possibilité pratique, compte tenu de la majorité républicaine actuelle à la Chambre. Mais l’enquête de Mueller semble plus adaptée pour faire pression sur Trump pour qu’il démissionne afin d’éviter des mesures juridiques contre sa propre famille ainsi que lui-même.

Il n’y a aucun signe à ce stade que Trump ait l’intention de céder à de telles demandes. Au contraire, les médias de droite alignés sur la Maison Blanche, y compris Fox News et Breitbart News, ont déclenché un tir de barrage médiatique en riposte contre ses détracteurs. Certains de leurs missiles ont atteint leurs cibles.

Le conseiller spécial Mueller a été contraint de réaffecter un responsable du FBI jouant un rôle majeur dans son enquête après la révélation que ce dernier et un autre membre de l’équipe de l’enquête avaient échangé des courriels anti-Trump. Peter Strzok, chef adjoint du contre-espionnage au FBI, a été rétrogradé à un poste aux ressources humaines.

Brian Ross, le principal journaliste d’investigation d’ABC News, a été mis à pied sans salaire par son employeur vendredi après avoir relayé une fausse nouvelle selon laquelle Trump avait demandé à Flynn de contacter les responsables russes pendant la campagne électorale plutôt que pendant la transition, cette période où les contacts entre les gouvernements étrangers et ceux sur le point d’assumer des fonctions à Washington sont régulièrement effectués.

Cependant, la Maison Blanche est de plus en plus embourbée dans cette enquête, et s’enfonce plus profondément dans la crise. Selon des informations des journaux, au moins deux douzaines de militants de la campagne ou d’assistants de la Maison Blanche ont été interrogés par des agents du FBI et des membres du parquet travaillant dans le cadre de l’enquête Mueller, dont Jared Kushner, ancien chef de cabinet de la Maison-Blanche Reince Priebus, et Sean Spicer l’ancien attaché de presse, l’ancien conseiller en politique étrangère JD Gordon, le directeur des communications de la Maison-Blanche, Hope Hicks, et le général Keith Kellogg, chef d’état-major du Conseil national de sécurité. Donald McGahn et James Burnham, avocats de la Maison-Blanche pour Trump, qui ne le représentent pas en tant que client personnel mais en tant que président, ont également été convoqués pour témoigner.

(Article paru en anglais le 4 décembre 2017)

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