La victoire de Wauquiez rapproche Les Républicains d’une alliance avec l’extrême droite

La large victoire de Laurent Wauquiez à la tête des Républicains, en crise après la défaite à la présidentielle d’avril dernier de leur candidat Fillon, signifie un rapprochement des héritiers du gaullisme de l’extrême droite. Avec un score de 74,64 pour cent, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a gagné largement face à Florence Portelli (16,11 pour cent) et Maël de Calan (9,25 pour cent). Des 234.566 adhérents LR, 99.597 ont voté au scrutin le 10 décembre, une participation de 42 pour cent, supérieure à celle escomptée.

Laurent Wauquiez représente l’aile droite du parti héritière de Sarkozy qui se propose de reprendre de larges pans du programme du Front national. Dans l’équipe de Wauquiez on y retrouve Geoffroy Didier, cofondateur de la Droite forte, courant créé par d’anciens militants d’extrême-droite qui soutenait Copé comme premier secrétaire de l’UMP, ou encore Guillaume Peltier, ex-frontiste qui devient vice-président.

Pendant la campagne, Wauquiez a revendiqué une «droite décomplexée» s’attaquant aux musulmans et aux immigrés et s’appuyant sur les forces sociales présentes dans la manif pour tous, mouvement opposé à la procréation médicalement assistée et au mariage homosexuel.

Xavier Bertrand, le président LR de la région des Hauts-de-France, a réagi le 11 décembre en quittant LR. «Ce n’est pas une décision facile mais elle s’impose à moi», a-t-il déclaré sur le plateau de France2, avant d'expliquer ses différends avec Wauquiez: «Je n’aime pas sa politique de l’agressivité et des boucs émissaires».

Nicolas Dupont-Aignan, qui prône la formulation d'un programme commun entre le LR de Wauquiez et le Front national, a réagi sur Twitter à ce résultat : « Dans les prochaines semaines, deux choix vont s’offrir à Laurent Wauquiez: Rester enfermé dans le politiquement correct en reprenant les thématiques portées par Debout la France tout en écartant d’un revers de la main un quelconque dialogue avec notre famille politique comme avec le Front national. Franchir le Rubicon et se tourner vers les gaullistes et patriotes. »

Face à un dirigeant LR qui reprenait leurs propos, après une élection présidentielle où le score du FN a dépassé largement celui des gaullistes, les néo-fascistes ont proposé un regroupement des deux partis. Invitée du « Grand Jury » RTL-Le Figaro-LCI dimanche 19 novembre, Marine Le Pen a suggéré à Wauquiez de «sortir de l'ambiguïté» et de «proposer une alliance politique» au FN.

«Quand j'entends le discours de M. Wauquiez aujourd'hui, je me dis: après tout, s'il est sincère, compte tenu des propos qu'il tient, il devrait aller jusqu'à proposer une alliance politique », a-t-elle déclaré. « M. Wauquiez ne peut pas dire sincèrement la même chose que nous, et parfois avec des mots plus crus que les nôtres, et en même temps expliquer que nous devrions être au ban de la vie politique française – il faut être cohérent, il faut être logique.»

Virginie Calmels, soutien de Wauquiez et future numéro deux de la formation, était interrogée sur les différences entre les discours de son nouveau chef et celui de Marine Le Pen, dimanche soir sur BFMTV. «Vous avez exactement le même discours que le Front national», a lancé Florian Philippot, ancien bras droit de Marine Le Pen. «D'ailleurs vous avez vu que Marine Le Pen souhaite faire une alliance avec monsieur Wauquiez», a-t-il poursuivi.

«Pour le moment, nous la refusons, nous», a répondu la première adjointe d'Alain Juppé à la mairie de Bordeaux.

La ruée du mouvement gaulliste vers l’extrême droite témoigne de l'intensité des tensions de classe et des dangers extrêmes qui pèsent sur les acquis sociaux et les droits démocratiques. Elle souligne aussi la faillite des organisations telles que le Nouveau parti anticapitaliste, Lutte ouvrière, ou le Parti ouvrier indépendant qui ont laissé entendre que l’on pouvait voter pour la droite ou les sociaux-démocrates afin de faire un barrage «républicain» à l’extrême droite.

En 2002, le gaulliste Chirac était opposé au candidat frontiste Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle suite à l'effondrement du candidat PS Lionel Jospin. Alors que les partis présentés comme «trotskystes» avaient reçu environ 3 millions de voix et que des manifestations spontanées émergeaient, ils ont soutenu Chirac. Refusant d’appeler à un boycott actif des élections pour préparer la classe ouvrière à lutter contre les guerres et les mesures d'austérité, ils se sont rangés derrière la campagne du PS pour un vote Chirac afin de faire barrage à l'extrême-droite.

Ayant refusé l'appel du Comité international de la Quatrième International à un boycott en 2002, la pseudo gauche a récidivé en 2017, refusant une nouvelle fois le boycott actif proposé par le Parti de l'égalité socialiste (PES), section française du CIQI. Comme Jean-Luc Mélenchon, ils se sont rangés derrière les appels à faire barrage à l’extrême-droite au deuxième tour des présidentielles opposant Marine Le Pen à Macron, l’ex-ministre de l’Économie du gouvernement PS de François Hollande.

Ces appels impuissants n'ont rien fait pour ralentir la ruée de la bourgeoisie vers la droite. Les gaullistes sous Chirac puis surtout sous Sarkozy, ont repris une partie du programme du FN pour mener une politique d’austérité et de guerre créant une atmosphère nauséabonde sur fond d’attaques contre les musulmans et les droits démocratiques. Cette stratégie ne fait que renforcer le FN depuis 15 ans; à présent, des pans entiers de LR sont en passe de s'y rallier.

A présent, LR se déchire entre l’aile pro-Macron, les Constructifs et l’aile dirigée par Wauquiez. Celui-ci reprend la stratégie de Sarkozy, mais sous des conditions où les gaullistes sont largement affaiblis face à l'extrême-droite, qui émerge de plus en plus en principale opposition à Macron.

Après 25 ans de crises économiques, de guerres impérialistes et de destruction des acquis sociaux depuis la dissolution stalinienne de l'URSS, la démocratie bourgeoise s'effondre partout en Europe. En Allemagne, le parti d’extrême droite fait son entrée au parlement, une première depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En Espagne le PP héritier du régime Franco a utilisé des méthodes dictatoriales pour s’opposer au référendum de Catalogne faisant appel au mouvement nationaliste espagnol et à la Guardia Civil pour attaquer des électeurs pacifiques.

Ceci prend la forme en France de la crise du duopole politique d'après 1968, où le PS et les gaullistes se partageaient le pouvoir. Discrédités par des décennies de politiques impopulaires de leurs gouvernements respectifs, ils sont réduits à des petits groupes à l'Assemblée et tiraillés entre les formations des deux candidats présidentiels au second tour, La République en Marche de Macron et le FN de Marine Le Pen.

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