Le SPD attise la xénophobie durant la campagne électorale allemande

Le rejet des demandes d’asile des réfugiés devient de plus en plus le thème majeur de la campagne électorale fédérale du Parti social-démocrate allemand (SPD). Il y a dix jours, s’exprimant dans le jargon du parti d’extrême-droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), le chef du SPD, Martin Schulz, a accusé la chancelière allemande Angela Merkel d’avoir autorisé il y a deux ans à plus d’un million de réfugiés à entrer dans le pays d’une manière « en grande partie incontrôlée ». Il a déclaré que cela ne devait plus se reproduire.

Boris Pistorius, qui est responsable au sein de l’équipe de campagne de Schulz de la sécurité intérieure, vient d’en remettre une couche. Le ministre de l’Intérieur de la Basse-Saxe, connu pour sa ligne dure, a réclamé de limiter le nombre de demandes d’asile en créant des centres de rétention en Libye. Les réfugiés doivent y être retenus avant d’entreprendre la périlleuse traversée de la Méditerranée.

La recevabilité de leurs « demandes d’asile » devant être soumise à un « examen sommaire ». En fait, seuls quelques rares exceptions peuvent s’attendre à une réponse positive. Les réfugiés venant d’Afrique sont de manière générale déboutés en masse comme étant des « réfugiés économiques » qui n’ont pas le droit d’asile. Il est clair que la grande majorité des réfugiés africains ne remplissent pas les exigences du droit d’asile, a déclaré Pistorius au journal Süddeutsche Zeitung.

Ce que Pistorius propose, c’est la construction de camps de concentration, où des dizaines de milliers de réfugiés seraient emprisonnés indéfiniment jusqu’à ce qu’ils soient déportés de l’autre côté de la frontière sud libyenne dans le Sahara où ils risquent de mourir de chaud et de déshydratation.

Afin de surmonter toute résistance du gouvernement libyen qui est largement impuissant, Pistorius propose de le corrompre. « Une éventuelle résistance des Libyens peut être réglée avec de l’argent », aurait-il confié au Süddeutsche Zeitung.

Jusqu’à présent, c’étaient les milieux d’extrême-droite au sein de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et de l’Union chrétienne sociale (CSU) ainsi que l’ultra-droite AfD qui réclamaient la mise en place de tels camps en Libye. Le prédécesseur de Schulz à la tête du SPD, l’actuel ministre des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, avait pendant longtemps rejeté ces camps en soulignant que la Libye était en état de guerre civile et dominée par des chefs de guerre rivaux et des milices islamiques.

Les prisons qui existent pour l’heure pour les réfugiés en Libye sont comparables à l’enfer sur terre. Les prisonniers sont entassés par centaines dans de minuscules espaces, ils sont soumis à des violences, des coups et des viols, et même tués. Les maladies s’y propagent. Il manque des installations sanitaires, de l’eau potable et de la nourriture. La garde côtière libyenne passe pour être corrompue et brutale, et elle s’enrichit en volant les biens des réfugiés et en faisant la traite des êtres humains.

Pour exiger ces camps, le SPD reprend à son compte les slogans inhumains et racistes de l’AfD. Les raisons ont principalement trait à la politique intérieure. Le SPD réagit à l’aggravation des antagonismes sociaux et à la radicalisation des travailleurs et des jeunes.

L’excitation médiatique créée autour de Schulz après son couronnement comme candidat tête de liste du parti aux élections de septembre était dépourvue de toute base réelle. Il s’agissait du produit de la campagne systématique menée par les bureaucrates du SPD et les médias. La bulle Schulz a rapidement éclaté et le parti a subi des défaites cuisantes lors d’une série d’élections régionales en Sarre, en Rhénanie-du-Nord/Westphalie et au Schleswig-Holstein.

La classe ouvrière voit le SPD pour ce qu’il est : le parti qui a introduit les « réformes » apportées par la loi Hartz IV, condamnant des millions de personnes à des formes de revenus précaires tandis que les réformes fiscales du parti ont assuré la plus grande redistribution des richesses et des revenus en faveur des riches depuis la création de la république fédérale.

Entre-temps, le SPD traîne loin derrière dans les sondages et l’on estime que Schulz n’a aucune chance d’entrer à la chancellerie après les élections de septembre. À en croire un récent sondage de Forsa, Merkel a obtenu un soutien de 52 pour cent contre 21 pour cent pour Schulz. Avec 22 pour cent, le SPD se retrouve loin derrière la CDU et la CSU qui recueillent 40 pour cent. Même un rôle de partenaire minoritaire des partis de droite CDU/CSU pour le SPD est mis en question. Les deux partis frères de droite ont la possibilité de former une coalition avec le FDP néolibéral (Freie Demokratische Partei, Parti libéral démocrate) alors que les Verts sont aussi prêts à former une alliance avec la CDU.

N’étant plus en mesure de leurrer et d’amadouer les travailleurs et les jeunes avec les promesses d’une amélioration sociale, le SPD a décidé de recourir à l’intimidation, à la mobilisation d’éléments de l’ultra-droite et au réarmement de l’appareil d’État dans le but de réprimer de futurs conflits sociaux et politiques. C’est pourquoi, il a adopté les slogans de l’AfD en plaçant la question des réfugiés au cœur de sa campagne électorale.

Le ministre social-démocrate de la Justice, Heiko Maas, a longtemps joué un rôle de premier plan dans l’introduction de mesures visant à censurer l’Internet et à persécuter les organisations de gauche. Il avait même demandé, après les protestations contre le sommet du G20 à Hambourg, la tenue d’un concert « Rock contre la gauche » (Rock gegen Links).

En matière de politique étrangère, le SPD dépasse également par la droite les partis droitiers. Le ministre des Affaires étrangères, Gabriel, insiste obstinément pour promouvoir une politique de grande puissance allemande.

Ce n’est pas la première fois que le SPD s’allie à des forces d’extrême-droite pour réprimer la lutte des classes. Après avoir trahi son programme socialiste en soutenant la Première Guerre mondiale en 1914, les sociaux-démocrates ont mobilisé à la fin de la guerre les mercenaires des Freikorps afin de mater violemment les soulèvements révolutionnaires des travailleurs et des soldats et assassiner leurs dirigeants, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Plus tard, les forces de ces Freikorps constituèrent l’épine dorsale des troupes d’assaut (Sturmtruppen) de Hitler.

Le SPD renoue avec la tradition du « molosse sanguinaire » (Bluthund), à savoir Gustav Noske, le premier ministre social-démocrate de la Défense qui avait joué un rôle clé dans la répression des travailleurs en 1919.

Le parti Die Linke (La Gauche) soutient également cette voie politique. Il a axé toute sa campagne autour de la formation d’une future coalition gouvernementale fédérale avec le SPD. La candidate tête de liste de Die Linke, Sahra Wagenknecht, incite depuis longtemps à la haine contre les réfugiés au moyen d’un discours à peine différenciable de celui de l’AfD.

Le SPD de nos jours n’a rien à voir avec la classe ouvrière. C’est un parti d’État, de droite, qui défend exclusivement les intérêts des banques, des grandes sociétés, des services secrets et de l’armée. Sa transformation montre que, dans les conditions de l’intensification de la crise du capitalisme mondial, il n’y a aucun problème – que ce soit la défense des réfugiés et des droits démocratiques, l’opposition au pourrissement social et aux licenciements ou la lutte contre la guerre – qui puisse être résolu dans le cadre des partis de l’establishment et des institutions. La classe ouvrière doit se préparer à des luttes de classes acharnées.

C’est là toute l’importance de la campagne électorale du Parti de l’égalité socialiste (Sozialistische Gleichheitspartei, SGP). Le SGP est le seul parti qui défends un programme socialiste. Il relie la lutte contre la guerre et le renforcement de l’appareil d’État à la défense des droits démocratiques et sociaux. Il lutte pour l’établissement d’un mouvement international de la classe ouvrière en vue du renversement du capitalisme :

« Nous défendons les droits démocratiques fondamentaux et le droit d’asile et nous rejetons toute forme de nationalisme et de xénophobie. Les attaques contre des réfugiés visent tous les travailleurs. C’est pourquoi une lutte commune de tous les travailleurs est nécessaire, indépendamment de leurs origines. »

Nous en appelons à tous les lecteurs du WSWS pour soutenir la campagne électorale du SGP et d’adhérer au parti.

(Article original paru le 5 août 2017)

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