Les dirigeants européens dénoncent les déclarations de Trump sur Charlottesville

La défense par Donald Trump des manifestants nazis et suprémacistes blancs à Charlottesville qui ont tué la militante antifasciste Heather Heyer provoquent une profonde crise en Europe. Des États qui depuis 1945 se présentent comment ayant construit la démocratie après l’expérience du fascisme sous l’égide de Washington dans le « monde libre » font tout pour prendre leurs distances avec la Maison Blanche et dénoncer les opinions pro-nazies de Trump.

En traitant les manifestants d’extrême-droite de « gens excellents » et en dénonçant « les deux côtés », Trump a provoqué une vague de critiques en Europe. La chancelière allemande, Angela Merkel, a dit a la Deutschlandfunk, « C’est horrible, c’est le mal. C’est la violence d’extrême-droite raciste. Il faut l’attaquer avec force et détermination, où que cela se passe dans le monde. »

Martin Schulz du Parti social-démocrate (SPD), principal rival de Merkel aux élections allemandes, l’a attaquée parce qu’elle serait « accommodante » envers Washington : « Je suis convaincu qu’on fera plus avec Trump si ou lui dit, « Attention, ce n’est pas comme ça que ça marche ». » Après avoir appelé à une lutte contre le racisme et l’antisémitisme dans les élections allemandes, il a écrit sur Twitter, « Il faut se lever et combattre les nazis. Ce que fait Trump est extrêmement dangereux. Ceux qui minimisent la violence et la haine trahissent nos valeurs occidentales. »

La première ministre britannique, Theresa May, a déclaré que l’attentat de Charlottesville était « horrible » et ajouté, « Je ne vois aucune équivalence entre ceux qui proposent des opinions fascistes et ceux qui les condamnent. Je pense qu’il est important pour tout responsable de condamner les positions d’extrême-droite dès que nous les entendons. »

Sur Twitter le président français, Emmanuel Macron, a écrit, « Aux côtés de ceux qui combattent le racisme et la xénophobie. Notre combat commun, hier comme aujourd’hui. »

L’assassinat à Charlottesville marque un tournant majeur dangereux pour le prolétariat international. Une manifestation nationale pour « Unifier la Droite » de quelques centaines de nazis armés a occupé brièvement une ville et commis un meurtre politique visant à semer la terreur. Les remarques de Trump démontrent que cette action, dont les préparatifs ne pouvaient pas manquer d’attirer l’attention des services américains, jouissait du soutien de sections puissantes de l’État.

Les phrases creuses que manient les responsables européens sur les « valeurs occidentales » en prétendant être totalement différents de Trump, sont hypocrites et fausses. Certains médias ont voulu faire de Merkel la « cheffe du monde libre » après l’élection de Trump, mais en fait, les événements de Charlottesville pourraient facilement se produire en Europe.

À travers l’Europe, l’extrême-droite consolide rapidement sont influence dans les services de sécurité et les armées. La moitié des policiers votent pour le parti Aube dorée en Grèce et pour le Front national en France, et les autorités allemandes enquêtent actuellement sur un réseau d’officiers néonazis qui ont planifié une série d’assassinats afin d’en faire porter la responsabilité à des immigrés.

Les organisations fascistes européennes ont eu recours au meurtre à maintes reprises. Anders Behring Breivik a massacré 77 personnes, surtout des jeunesses sociales-démocrates, en 2011 ; en 2013, on a vu le meurtre du musicien grec Pavlos Fyssas par Aube dorée et de l’étudiant antifasciste Clément Méric par les Jeunesses nationalistes révolutionnaires ; et en 2016, le fasciste Thomas Alexander Mair a assassiné la parlementaire travailliste Jo Cox.

Si les événements de Charlottesville constituent un tournant, c’est que Trump apporte le soutien si explicite du chef d’État à ce genre d’activité meurtrière de l’extrême-droite. Cela démontre que des sections de l’élite dirigeante travaillent aujourd’hui, comme dans l’Europe du 20 siècle, pour inciter un mouvement fasciste sur lequel fonder leur pouvoir. Sans un mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière, le danger du fascisme et très réel.

Les médias européens, incapables de répondre à la désintégration croissante de la démocratie bourgeoise en Amérique et en Europe de l’Ouest, et encore moins de l’expliquer, préfèrent ne parler de Trump qu’en tant qu’individu et le couvrir d’attaques morales.

Le Guardian britannique qualifie Trump de « moralement inacceptable » et ajoute : « Le racisme, l’antisémitisme, le suprémacisme blanc et le nazisme, néo ou ancien, sont mauvais. Un dirigeant qui ne peut se contraindre à le dire clairement et sans équivoque n’est pas simplement stupide. Il perd son droit à l’autorité morale et au respect qu’on lui doit en tant que dirigeant. Mais Trump s’est mis dans cette situation. La question qui se pose à l’Amérique après cet événement, c’est comment aller jusqu’à 2020 sans que les valeurs, les institutions et la décence sociale ne s’effondrent. »

Le Monde a mis la « transgression sans précédent » de Trump sur le compte de ses tentatives d’exploiter « les mauvais démons de l’Amérique blanche ». Le journal a toutefois souligné la principale inquiétude de la bourgeoisie européenne : « La réaction du président américain, comme souvent erratique et imprévisible, menace désormais de cristalliser contre lui une indignation qui dépasse largement le camp de ses opposants politiques. »

Depuis l’Europe, il n’est pas si difficile de comprendre les calculs que fait Trump en indiquant qu’il sympathise avec des « gens excellents » du mouvement néo-nazi. Après un quart de siècle de guerres impérialistes impopulaires dont celles d’Irak et d’Afghanistan, de montée des inégalités et d’attaques sociales contre les travailleurs américains et européens, il est impossible de présenter la politique capitaliste, même formellement, sous un aspect démocratique. La colère sociale se développe sans relâche, et la classe dirigeante cherche à créer de nouvelles bases pour le régime.

En effet, que fait l’Union européenne (UE) depuis la crise économique en 2008 ? Sur fond d’opposition en Grèce aux politiques d’austérité destructrices de l’UE en 2011, l’UE a remplacé le Premier ministre grec Georges Papandréou par un gouvernement technocrate non-élu de coalition entre le Rassemblement populiste orthodoxe d’extrême-droite, la droite, et les sociaux-démocrates de Papandréou. Et à travers l’Europe, les politiciens bourgeois qui se disent hostiles à l’extrême-droite insistent sur l’idée que les positions nationalistes seraient des éléments légitimes à débattre.

L’idole de la « gauche » petite-bourgeoise, Syriza (la « Coalition de la gauche radicale ») a pris le pouvoir en Grèce pour former un gouvernement pro-austérité avec les Grecs indépendants, un parti d’extrême droite. Et Macron, qui se présente hypocritement en opposant de la xénophobie et de Trump, a commencé son discours le soir de son élection en adressant un « salut Républicain » à l’héritière politique du régime de Vichy, la candidate présidentielle du FN, Marine Le Pen.

Et Schulz, qui dénonce le racisme et exige un affrontement avec Trump, cherche à rattraper Merkel dans les élections allemandes en faisant appel au racisme, déclarant que selon lui les quartiers immigrés de Leipzig auraient besoin « d’une bonne gifle au visage, pour qu’ils sachent qui décide dans ce pays. » Quelle que soit l’attitude de Schulz sur Trump, de pareilles saletés réactionnaires ne feront que renforcer l’extrême-droite en Allemagne et à travers l’Europe.

Le danger du fascisme révélé par les commentaires de Trump sur Charlottesville dépasse de loin les frontières de l’Amérique. Il émerge non de la personnalité de Trump, ni des péchés de « l’Amérique blanche », mais de la décomposition internationale du capitalisme. Comme en Europe au 20 siècle, la seule voie pour aller de l’avant est de développer un mouvement révolutionnaire et internationaliste des travailleurs contre le fascisme et les dangers de guerre et de dictature.

(article original paru le 18 août 2017)

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