Après les attaques de Hambourg et Constance, les politiciens allemands réclament des déportations plus rapides

Le sang des victimes à Hambourg et à Constance (Bade-Wurtemberg) est à peine sec et les circonstances des deux attaques pas encore connues que des politiciens de tous les principaux partis rivalisent déjà de démagogie droitière.

Ahmad A., un Palestinien de 26 ans, né dans les Émirats arabes unis, a brusquement agressé au poignard vendredi après-midi dans un supermarché du quartier de Barmbeck à Hambourg, des personnes autour de lui. Une personne a été tuée et cinq autres blessées avant que des passants puissent le stopper et la police interpeller l’agresseur. Ce dernier était arrivé en Allemagne en 2015 et avait déposé une demande d’asile qui fut rejetée. Depuis, il était tenu de quitter le pays.

Deux jours plus tard à Constance, à 4 h 20 le dimanche matin, un Irakien de 34 ans armé d’un fusil automatique força l’accès de la boîte de nuit le « Grey Club » dans la zone industrielle de Constance. Ce Kurde d’Irak qui avait obtenu le droit d’asile a tiré sur un membre du personnel de sécurité, le tuant, puis a tiré d’autres coups de feu à l’entrée de la discothèque. Trois clients et des employés de la société de sécurité ont été blessés. Un échange de coups de feu eut lieu entre une brigade d’intervention dépêchée sur les lieux et l’assaillant qui fut gravement blessé. Il mourut à l’hôpital.

Peu de choses sont connue à ce jour sur les deux incidents, y compris les motifs.

Ahmad A., après avoir quitté la misère des territoires palestiniens occupés, aurait parcouru une longue odyssée : traversant l’Égypte, la Norvège, la Suède et l’Espagne. Il avait été interrogé en novembre dernier par des membres de l’agence de renseignement du Land de Hambourg parce qu’elle avait reçu des informations de la police selon quoi il aurait un comportement particulier. Selon la police, la religion aurait soudainement joué un rôle majeur dans la vie d’Ahmad A. Il récitait des versets du Coran, ne buvait plus d’alcool et vivait replié sur lui-même.

Entre-temps, un tel comportement suffit pour être dans le collimateur de la police et des services de renseignement. Les agents avaient eu apparemment l’impression qu’il n’était pas dangereux, mais plutôt mentalement instable et déséquilibré. Bien qu’il ait déclaré être religieux, il était proche de son père et appréhendait de retourner dans la bande de Gaza qui est contrôlée par le Hamas.

Après l’entrevue, les agents l’ont qualifié de « cas d’islamiste suspect », mais non de djihadiste ou d’« individu dangereux » (Gefährder). Il n’y a eu à ce jour aucune indication qu’il avait des liens avec l’État islamique (ÉI) ou d’autres groupes islamistes. Il n’a engagé aucune action en justice suite au rejet de sa demande d’asile et ne se serait pas opposé à son renvoi du pays, au contraire il s’y serait soumis de son mieux. Il voulait retourner chez son père à Gaza et avait demandé à plusieurs reprises si ses documents pour le voyage étaient disponibles.

Bien que les services de renseignement aient conseillé que Ahmad A. fasse l’objet d’un examen psycho-social, cela ne fut jamais fait.

Ahmad A. vivait dans un conteneur dans un centre d’hébergement pour les réfugiés. Ses colocataires ont dit aux médias qu’il « était bizarre dans la tête ». Cependant, rien n’indique que cet homme, qui n’avait pas de casier judiciaire, ait jamais reçu un traitement psycho-thérapeutique.

Au vu des informations disponibles pour l’instant l’attaque se serait produite comme suit : l’homme a fait ses courses au supermarché, est sorti du magasin, et est revenu peu après, a saisi un couteau de cuisine qui y était en vente, a déchiré l’emballage et a commencé à agresser les gens au hazard, d’abord dans le supermarché, puis à l’extérieur dans la rue. Un homme de 50 ans est mort et d’autres personnes ont été blessées.

Des passants se sont armés de chaises et de tout ce qui étaient à portée de main pour tenter de maîtriser l’agresseur. Quelqu’un aurait parlé en arabe à Ahmad A. après qu’il ait crié « Allah Akbar », en essayant de le raisonner, mais en vain. Après avoir continué à poignarder les gens, il fut blessé par des jets de pierres puis arrêté par la police. Il se serait qualifié lui-même de terroriste à la police. Toutefois, aucune organisation n’a jusque-là revendiqué la responsabilité de son attaque.

Les faits jusqu’ici connus suggèrent du moins qu’un jeune homme traumatisé et fragilisé, n’ayant connu que l’incertitude et l’exclusion de la part de tous les États où il a séjourné durant son odyssée des dernières années, et qui a été ignoré de tout le monde à l’exception de la police, des agences de renseignement et des responsables qui ont organisé sa déportation, a simplement craqué.

Dans le cas de la fusillade de Constance, l’assaillant vivait dans la région depuis 15 ans. Il aurait toujours exprimé sur les réseaux sociaux des critiques contre l’ÉI. Ses motifs, tout comme les incidents survenus pendant l’attaque, font toujours l’objet d’une enquête. L’on dit que l’homme évoluait dans le « difficile milieu » des trafiquants de drogue et des videurs de boîte de nuit.

Selon les médias, l’attaquant est le beau-frère du propriétaire de la discothèque. Avant l’attaque, il se serait querellé avec les employés du club, puis serait parti. Il revint plus tard avec un fusil d’assaut M16 et tira sur l’un des portiers.

Alors que tout porte à croire qu’il s’agit à Constance d’acte associé au crime organisé et qu’Ahmad A. semble avoir été gravement traumatisé, les politiciens des partis au pouvoir se sont empressés d’utiliser cyniquement ces attaques pour justifier les déportations et la détention de masse à seulement huit semaines des élections fédérales.

« Il faut mettre fin au cercle vicieux des processus techniques des déportations », a déclaré le secrétaire général de l’Union chrétienne-sociale, Andreas Scheuer au Bild am Sonntag. « Si la radicalisation est identifiée, nous devons mettre ces personnes hors d’état de nuire et les détenir avant qu’elles ne commettent des crimes. »

Le politicien social-démocrate (SPD) Burkhard Lischka a également soulevé pour Ahmad A la possibilité de la rétention administrative avant déportation. « Même si les circonstances concrètes sont encore non élucidées, il faut poser la question pourquoi l’homme ne se trouvait-il pas en rétention », a dit Lischka au journal Heilbronner Stimme. « Le législateur fédéral en avait élargi les possibilités à cet effet quelques semaines auparavant. »

Ce durcissement s’appliquait toutefois aux « individus dangereux ». En dépit de l’ambiguïté de ce terme, dans le cas d’Admad A. les autorités ne l’avaient cependant visiblement pas évalué en tant que tel. De plus, il ne s’était manifestement pas opposé à sa déportation, mais avait cherché à quitter l’Allemagne. Apparemment Lischka veut mettre en détention préventive toutes les personnes contraintes de quitter le pays.

(Article original paru le 31 juillet 2017)

 

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