La Chine appelle les États-Unis à éviter la guerre avec la Corée du Nord

Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a appelé l'administration Trump à faire marche arrière dans ses menaces et préparatifs d’assaut militaire contre la Corée du Nord. Laissant voir l'énorme anxiété qui règne au sein de l'élite dirigeante chinoise quant à une guerre catastrophique sur sa frontière nord, il a déclaré: «On a le sentiment qu'un conflit pourrait éclater à tout moment».

Yi a poursuivi: «Nous appelons toutes les parties en présence à s'abstenir de provoquer et de menacer, que ce soit par des mots ou des actions, et ne pas laisser la situation arriver à un point irréversible et impossible à gérer».

Le gouvernement russe a ajouté ses propres avertissements. Le porte-parole Dmitry Peskov a déclaré hier: «Moscou suit avec une grande préoccupation l'escalade des tensions sur la péninsule coréenne. Nous appelons tous les pays à la retenue et nous avertissons les pays de ne pas poursuivre des actions qui pourraient consister en mesures de provocation».

Des sources anonymes parmi des «responsables du renseignement américain» ont déclaré à NBC News jeudi que les États-Unis effectueront une «frappe préventive» si la Maison-Blanche et le Pentagone pensent que la Corée du Nord est sur le point d'effectuer un autre essai d'armes nucléaires.

Les médias américains et internationaux sont remplis de reportages et d'images satellite présumées montrant que le régime de Pyongyang dirigé par Kim Jong-un est en phase finale de préparation d'un tel essai sur le site de Punggye-ri, près de la frontière nord-coréenne avec la Chine et la Russie.

L'armée américaine continue de faire des démonstrations de force en Asie du Nord-Est qui ont un caractère provocateur. Suite à l'annonce que le porte-avions Carl Vinson et son groupement tactique ont été envoyés dans des eaux au large de la côte coréenne, le 18me escadron de l’armée de l’air a aligné des dizaines d’avions de chasse, bombardiers et hélicoptères sur la piste de sa base sur Okinawa, publiant des photos montrant des F-15 et autres avions armés de missiles et de bombes.

Une vaste panoplie d'autres matériels militaires sont déployés dans la région, y compris des sous-marins, des bombardiers stratégiques B-1 et des hélicoptères. De plus, 37.000 soldats américains soutiennent sur place l'armée sud-coréenne bien équipée et capable d’aligner 625.000 soldats.

Parmi les horribles armes de destruction massive qui seraient vraisemblablement à la disposition des commandants américains contre la Corée du Nord, se trouve la bombe à effet de souffle massif (MOAB) qui a été utilisée pour la première fois jeudi contre un présumé réseau de grottes en Afghanistan (voir: Les États-Unis larguent la plus grande bombe non-nucléaire sur l'Afghanistan: un crime contre l'humanité).

Tous les efforts sont faits dans les médias américains et alliés pour amplifier le sentiment qu'une attaque américaine n'est pas seulement imminente, mais justifiée.

La rhétorique belliqueuse du commandement militaire nord-coréen en réponse au reportage de NBC News a été exploitée pour faire de la propagande sur la «folie» du régime et le prétendu danger posé par un pays isolé et arriéré de seulement 25 millions d’habitants avec un produit intérieur brut de seulement 25 milliards de dollars. Parmi d'autres déclarations, Pyongyang a fait savoir qu’en cas d'attaque, les bases américaines en Corée du Sud et le Japon, ainsi que le palais présidentiel sud-coréen à Séoul, seraient «pulvérisés».

Le gouvernement du Premier ministre japonais Shinzo Abe exploite la situation pour intensifier son agitation pour le réarmement et la répudiation de la politique étrangère «pacifiste» issue de la Seconde Guerre mondiale. Il aurait expédié des navires de guerre pour rejoindre le groupement tactique du porte-avions Carl Vinson.

Afin de générer autant d'hystérie que possible, le Conseil de sécurité nationale d'Abe a divulgué aux médias le fait qu'il avait discuté en février d'une série de plans visant à évacuer quelque 60.000 citoyens japonais de Corée du Sud en cas de guerre et a examiné comment répondre à un flux de réfugiés nord-coréens essayant d'atteindre le Japon par bateau. De façon inquiétante, les reportages ont noté que le conseil de sécurité a supposé que des «espions et agents» nord-coréens se trouveraient parmi des telles personnes désespérées, ce qui exigerait une «sécurité renforcée».

Des personnalités au sein de l'establishment politique et médiatique américain ont suscité des inquiétudes quant aux conséquences d'une guerre sur la péninsule coréenne. Le Los Angeles Times a rappelé la modélisation entreprise en 1994, lorsque la Maison Blanche de Clinton était sur le point d’ordonner des attaques sur la Corée du Nord. Des simulations informatiques, a-t-il noté, ont estimé que les représailles de l'armée nord-coréenne pourraient coûter la vie à un million de civils rien qu’à Séoul. Quelque 23 ans plus tard, maintenant que la Corée du Nord possède au moins certains engins nucléaires, le coût potentiel d'une guerre serait infiniment plus élevé.

Karl Baker, un ancien officier de l'armée maintenant au Centre d'études stratégiques et internationales, a déclaré au Los Angeles Times: «Trump doit comprendre que toutes les options ne sont pas "sur la table"».

On ne peut toutefois pas empêcher la guerre en espérant que la raison prévaudra dans les couloirs impérialistes du pouvoir, que ce soit à Washington ou ailleurs. La guerre ne découle pas des intentions de tel ou tel dirigeant politique, mais de la crise économique montante du capitalisme mondial et de la concurrence accrue pour les marchés lucratifs et les sources de profit.

L'objectif principal des préparatifs américains pour la guerre contre la Corée du Nord est d'imposer une pression sans précédent sur Pékin pour qu’il se prosterne devant les diktats de Washington en respectant l'hégémonie américaine dans la région Asie-Pacifique. Du point de vue téméraire de l'establishment politique et militaire des États-Unis, si la menace d'une attaque dévastatrice contre la Corée du Nord peut servir à intimider la Chine, elle peut aussi servir sur la question des relations commerciales et des revendications territoriales chinoises dans la Mer de Chine méridionale.

Le gouvernement chinois cherche désespérément à trouver un arrangement avec le gouvernement Trump. Il a annoncé la semaine dernière la réduction des achats de charbon en provenance de Corée du Nord – l'une de ses rares exportations viables – et la suspension des seuls vols internationaux vers ce pays. Les publications contrôlés par l'État tels que le People’s Daily et Global Times, qui se font l’écho généralement du point de vue de la direction du Parti communiste chinois, ont mis en garde la Corée du Nord d'abandonner ses tentatives de rassembler un arsenal nucléaire et, ce faisant, priver Washington de son prétexte pour la guerre. Dans au moins un éditorial, le Global Times a menacé que la Chine elle-même peut intervenir militairement pour empêcher un autre essai nucléaire nord-coréen.

L'administration Trump a répondu avec une concession apparente à Pékin en publiant une déclaration selon laquelle sa politique «exerce une pression croissante sur Pyongyang avec l'aide de la Chine, le partenaire principal commercial et militaire de la Corée du Nord». Parallèlement, la Maison Blanche n'a pas reculé dans ses affirmations que «toutes les options», y compris la guerre, restent fermement «sur la table».

(Article paru en anglais le 15 avril 2017)

 

 

 

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