Dans un discours devant 32.000 soldats

Le président mexicain qualifie les critiques de l’armée «d’inadmissibles et d’inacceptables»

Le président du Mexique Enrique Peña Nieto a ardemment défendu l’armée mexicaine à un immense rassemblement des forces armées le 28 mars. Il a fait son discours après que des politiciens et des organisations civiles ont critiqué l'armée pour ses abus des droits de droits de l'homme, tandis que le gouvernement se prépare à légaliser et à étendre la participation de l'armée dans les opérations domestiques.

Dans sa diatribe nationaliste, le président mexicain a condamné toutes critiques possibles de l’armée du pays. «Quiconque dénigre le travail de nos forces armées rabaisse le Mexique; quiconque leur fait du mal fait du mal au Mexique; quiconque discrédite leur travail discrédite le Mexique», a dit Peña Nieto à son audience. Il a presque qualifié les affronts envers l’armée d'actes de trahison qui étaient «inadmissible et inacceptable», soutenant que les articles négatifs visaient l’armée par «ignorance ou méchanceté».

Peña Nieto – La critique de l’armé est «inacceptable»

Peña Nieto a donné son discourt à une immense audience de 32.000 soldats actifs, pilotes, marins et leurs familles, en plus de 86.000 membres du personnel militaire qui assistaient au discours en ligne. En tout, le président mexicain a atteint plus du tiers des forces militaires du pays. Soulignant la crise politique extraordinaire à laquelle fait face le gouvernement du Mexique, cet événement était la première fois dans l’histoire du Mexique que le président s’adresse nationalement aux forces armées.

Malgré les indicateurs qui montrent que la situation économique s'aggrave, Peña Nieto a nié de manière flagrante que le pays vit une période de crise: «La crise semble bien être ce qu'ils ont en tête, mais ce n'est pas ce qui se passe.» En février, l’inflation a atteint un sommet en 7 ans et le coût de la vie dépasse radicalement les salaires.

Parlant directement contre les accusations d’abus des droits de l'homme, le président mexicain a critiqué ceux «qui dénoncent et condamnent les membres de nos forces armés, qui ont dit que le travail de nos forces armées est d’offenser, de blesser, de manquer de respect aux droits de l'homme, de massacrer, comme quelqu'un a osé le dire».

L’allocution de Peña Nieto était une attaque à peine voilée contre Andrés Manuel López Obrador, le chef et candidat présidentiel du Mouvement de régénération nationale (Morena). López Obrador a fait plusieurs critiques de l’armée dans les derniers mois, plaçant le gouvernement mexicain sur la défensive à propos des pratiques des forces armées durant la «guerre contre les drogues» longue d’une décennie.

Le 9 février, l’armée, la marine et les forces aériennes mexicaines ont mené conjointement une mission pour cibler Juan Francisco Patrón Sánchez, le chef du cartel Beltrán Leyva, à Tepic, Nayarit. Sans avertissement, les forces aériennes mexicaines ont ouvert le feu avec un hélicoptère de combat contre les caches présumées de Patrón Sánchez, le tuant lui et 12 autres civils. L’affrontement a été capté sur vidéo et a été largement partagé sur les réseaux sociaux. Quelques jours plus tard, López Obrador a affirmé que des mineurs faisaient partie des civils tués lors de l’opération militaire. «La politique de massacrer et de torturer, qui ne fonctionne pas depuis [l’ancien président Felipe] Calderón, doit changer», a-t-il déclaré.

López Obrador a fait un second commentaire le 13 mars pendant qu’il était en visite à New York, lorsqu’il a été confronté à l'un des pères des 43 étudiants d'Ayotzinapa qui ont disparu à Iguala, au Guerrero, en 2014. Dans l’altercation, captée sur vidéo, le père a questionné López Obrador à propos de l’allégation de sa relation étroite avec José Luis Abarca, ancien maire d’Iguala. Les deux, Abarca et les Forces armées, sont impliqués dans la disparition des étudiants.

«C’est injuste, la faute est celle de l’État, pas la nôtre, la faute est celle du régime, la faute doit reposer sur Peña Nieto, sur les forces armées, qui sont intervenus dans ce crime, pas nous», a dit López Obrador, cherchant rapidement à se laver les mains de tout rôle que son ancien parti, le Parti de la Révolution démocratique (PRD), aurait pu jouer dans la disparition des étudiants. López Obrador a ensuite poursuivi en qualifiant le père de «provocateur», lui disant de se taire afin qu’il puisse prendre une photo avec un partisan.

Dans les deux camps, les fonctionnaires du gouvernement ont rapidement demandé des «preuves» des allégations de López Obrador. En dépit de ces demandes de «preuves», une commission indépendante a conclu que le gouvernement mexicain a entravé l'enquête sur la disparition des étudiants, y compris en bloquant des pistes clés, en résistant à des demandes de preuves et en utilisant la torture pour soutirer des «confessions» à de présumés suspects.

Comme l’a démontré la réponse de López Obrador au père de l’étudiant disparu, il n’a pas le moindre intérêt à découvrir la vérité à propos de ceux qui ont joué un rôle dans la disparition des étudiants. Comme le World Socialist Web Site l’a expliqué, López Obrador est un politicien éprouvé et expérimenté qui cherche à canaliser les conditions sociales explosives au Mexique à travers des politiques qui avantagent la classe moyenne mexicaine. Il propose des programmes inefficaces pour appliquer des politiques réactionnaires drapées de populisme et fait la promotion du nationalisme mexicain qui laisse intact les relations sociales capitalistes: la source de la misère pour les travailleurs et les paysans du Mexique et internationalement.

López Obrador a rapidement fait marche arrière sur ses remarques, se proclamant lui-même défenseur de l’armée: «L’armée est le peuple en uniforme. Ils sont les fils de paysans, de travailleurs qui nous appuient. La seule différence est que nous n’allons pas utiliser la force pour aborder les problèmes sociaux. Nous n’allons pas réprimer les gens dans l’armée.» Les commentaires de López Obrador sont destinés à obscurcir le rôle de l’armée comme première ligne de défense de l’élite dirigeante, cherchant à promouvoir l’illusion que les forces armées peuvent être «réformées» à une époque où le gouvernement est en train de militariser le pays pour se préparer à l’instabilité sociale future.

Cette défense nationaliste de l’armée par Peña Nieto et López Obrador prend place dans le contexte d’une importante campagne du gouvernement mexicain pour passer la Loi sur la sécurité intérieure, qui garantirait le cadre militaire légal pour mener des opérations domestiques et ce, de façon permanente. La chambre des députés mexicaine a planifié de voter sur la loi avant la fin de la période législative le 30 avril, sans quoi, elle devrait déclarer une session extraordinaire pour passer la loi ou attendre jusqu’à la prochaine période législative en septembre. Étant donné la situation politique explosive du pays, un tel retard est inacceptable pour la classe dirigeante mexicaine.

(Article paru en anglais le 6 avril 2017)

Loading