La CGT arrête la grève des transporteurs de matières dangereuses

Juste avant le long week-end de Pentecôte, le jeudi 1er juin, la CGT a mis fin à la grève des transporteurs routiers de matières dangereuses, qui durait depuis une semaine. Malgré la volonté de la centrale syndicale de ne pas bloquer les dépôts de carburant, la grève avait créé de sérieuses perturbations dans l‘approvisionnement, surtout en Ile-de-France, et paralysé une partie de l'économie régionale notamment la construction.

L'appel à la fin de la grève fut lancé à la sortie d'une réunion de la CGT avec des représentants du ministère des Transports du gouvernement Macron, le mercredi 31 mai au soir. Le syndicat était, comme l‘avait exprimé le matin un de ses représentants, « dans l’attente d’un signe significatif des autorités pour voir les suites à donner au mouvement ».

A cette réunion, la CGT n‘a rien obtenu qui justifiait d‘arrêter la grève. En sortant de trois heures de discussion avec le gouvernement, elle a parlé d‘“avancées significatives“ ayant pour but de permettre "la levée du mouvement en vue du week-end de trois jours" de la Pentecôte. En réalité, le gouvernement n‘a fait qu‘une vague promesse de présenter, selon la CGT, « un certain nombre de modifications des contrats types » devant permettre « que les entreprises ne dérogent pas à un certain nombre de dispositifs ».

Le gouvernement s‘est donné jusqu‘au 16 juin pour préciser ses promesses. Enfin, il y aurait « dès le 19 juin » une discussion avec le patronat des transports.

Ce dernier n‘était pas présent à la réunion avec le gouvernement, et n'a même pas dit avoir changé d‘avis sur sa décision de maintenir la date initialement prévue du 12 juillet pour discuter de revendications sectorielles avec l‘ensemble des syndicats.

La veille de cette réunion, et malgré les assurances des autorités mais selon les déclarations de représentants de l‘industrie des carburants, la situation s‘était brusquement dégradée, le nombre de stations services fermées ou menacées de fermeture étant devenu considérable. La réunion s‘est apparemment tenue sur la demande de plusieurs organisations patronales, dont le Medef d‘Ile de France.

La ministre des Transports, Elisabeth Borne, avait averti le jour même que le gouvernement « assurerait par la force, avec les forces de l’ordre, la possibilité de ravitailler les stations-service ». Le vendredi 2 juin, il y avait encore dans la région parisienne plusieurs centaines de stations-service en pénurie partielle ou totale. D’après le président du Medef d‘Ile de France, Eric Berger, près de 30 pour cent de l’activité du PIB de la région parisienne auraient été affectés par la pénurie de carburant.

D‘autres grèves étaient annoncées, devant commencer la semaine dernière ou dans les prochains jours, notamment dans les transports ferroviaires régionaux et nationaux (RATP, SNCF) et dans les aéroports.

La CGT avait appelé à une grève sectorielle des transporteurs de matières dangereuses à partir du vendredi 26 mai sur des revendications tout à fait spécifiques et l‘avait organisée de telle façon qu‘elle ne devait pas bloquer le transport et la distribution de carburant. Son seul objectif était d‘attirer le patronat des transports à la table de négociation. La grève fut néanmoins tout de suite bien soutenue par des routiers, dont les conditions de travail sont pénibles et dangereuses et les salaires sous le niveau officiel du SMIC.

En arrêtant la grève, la CGT a montré au gouvernement qu‘elle n‘utiliserait pas sa principale arme, sa capacité à causer des pénuries de carburant entrainant des peturbations de l‘activité économique, et des pénuries d‘essence durant un week-end de grands départs.

Une poursuite de la lutte pendant le week-end de Pentecôte aurait signifié une collision directe avec le gouvernement Macron et des médias favorables au patronat qui s‘étaient déjà montrés virulents lors de la lutte de 2016 contre la loi El Khomri.

L‘appel à la fin de la grève est un avertissement que, malgré les préparatifs du gouvernement Macron à des attaques historiques contre l‘emploi, les salaires, les acquis sociaux et les droits démocratiques des travailleurs, et à la guerre, ce syndicat ne prépare pas une lutte sérieuse contre lui.

Après avoir appelé à voter pour Macron au second tour de l‘élection présidentielle, la CGT n‘a d‘ailleurs cessé, depuis son élection et la nomination du nouveau gouvernment, de signaler, comme dans ses discussions avec Macron sur sa loi Travail II, qu‘il ne le mettrait pas en difficulté. Il a signalé en même temps, malgré les déclarations à cet effet en direction de ses membres, qu‘il ne remettait pas en question le principe des ordonnances, ni l‘instrument de répression politique et sociale que représentent les dispositions de l‘état d‘urgence.

En fait, sa tentative de ménager le nouveau gouvernement découle de toute l'orientation de la CGT, qui s‘auto-proclame « contestataire », mais qui est résolument hostile à une lutte politique contre le patronat. Ce qu‘elle a déjà démontré maintes fois au cours de son histoire, depuis l‘union préconisée par les staliniens avec le patronat français dans le Front populaire de 1936 et à la Libération, jusqu‘au mouvement de grève contre la loi El Khomri l‘an dernier.

Durant les grèves de 2016 contre la loi Travail elle s‘est opposée à une grève générale qui aurait remis en cause le gouvernement avec le slogan d‘une « généralisation des grèves » et a finalement appelé à la fin du mouvement, début juillet.

La pseudo-gauche s‘est, cette fois encore, précipitée pour protéger la CGT et prétendre que, malgré le fait qu'elle n'a pas adopté la bonne stratégie, elle reste un instrument de lutte contre le patronat et son gouvernement.

Le site Révolution permanente, publié par la fraction moréniste du NPA, écrit ainsi dans un article du 1er juin: « On peut s’interroger sur la décision de la levée de la grève par la direction de la CGT, alors que la majorité des pompes étaient à sec en Ile-de-France. (...) Avec une stratégie visant à étendre le mouvement., on aurait aussi pu imaginer que ce mouvement de grève aurait pu être un premier tour de chauffe pour préparer le combat contre la loi Travail 2 ».

Pour obtenir leurs revendications, les conducteurs doivent être prêts à relancer leur action et à mobiliser des sections plus larges de travailleurs, en défiant l'opposition de la CGT et des autres centrales syndicales, comme premier pas vers une mobilisation politique contre Macron.

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