Les États-Unis abattent un avion du gouvernement syrien

Dans une escalade marquée de la guerre en Syrie, un avion de combat américain F-18 a abattu dimanche un chasseur-bombardier du gouvernement syrien pour la première fois, affirmant qu’il avait attaqué des forces rebelles pro-américaines près de Raqqa. Alors qu’ils combattent officiellement les forces terrestres de l’État islamique (ÉI), l’action des États-Unis démontre clairement que l’objectif réel des opérations dirigées par les Américains est l’éviction du gouvernement syrien du président Bashar al-Assad.

L’armée américaine a justifié l’acte provocateur en prétendant que le SU-22 syrien larguait des bombes près des troupes des « Forces démocratiques syriennes » (FDS). Elle a cité les combats qui avaient eu lieu quelques heures auparavant entre l’armée syrienne et les forces des FDS qui tenaient la ville de Ja'Din comme faisant preuve d'« intentions hostiles » et a déclaré que les attaques contre les « opérations légitimes contre l’ÉI ne seront pas tolérées ». Le communiqué déclare absurdement que l’armée américaine ne cherchait pas à « combattre le régime syrien, les forces russes ou les forces pro-régime qui leur sont associées. »

Les activités militaires des États-Unis et de leurs alliés à l’intérieur de la Syrie, qui, sous le couvert de la « guerre contre le terrorisme » n’ont rien de légitime. Elles cherchent à créer des zones pouvant être utilisées pour monter des opérations contre le régime d’Assad et ses soutiens russes et iraniens. Alors que les milices de l’ÉI en Syrie et en Irak sont en retraite, les préparatifs des États-Unis pour passer à l’action contre Assad sont de plus en plus visibles.

L’armée syrienne a publié un communiqué disant que son avion était en mission contre l’ÉI lorsque on lui a tiré dessus, elle a accusé les États-Unis de « se coordonner » avec l’ÉI et a averti que l’incident aurait des « répercussions dangereuses ». Le pilote n’a pas été trouvé et est présumé mort.

L’attaque américaine intervient après l’abattage par les États-Unis d’un drone de forces pro-syriennnes au début de juin, après avoir prétendument tiré sur des troupes soutenues par les États-Unis dans le sud de la Syrie près de la frontière avec l’Irak. L’armée américaine a déclaré unilatéralement « une zone de déconflixion » avec un rayon de 55 kilomètres autour d’une base d’entraînement à al-Tanf, un passage frontalier clé entre les deux pays.

En effet, Washington a découpé une région de la Syrie où les forces spéciales américaines et britanniques forment les prétendus rebelles – censés combattre l’ÉI, mais en réalité pour sa guerre par procuration contre le régime d’Assad. Les États-Unis ont déjà mené des frappes aériennes contre des forces gouvernementales pro-syriennes qui ont cherché à reprendre le contrôle de la zone frontalière d’une importance essentielle.

La semaine dernière, le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov a téléphoné au secrétaire d’État américain Rex Tillerson et a demandé aux États-Unis d’arrêter d’attaquer les forces gouvernementales syriennes lorsqu’elles cherchent à faire sortir les milices de l’ÉI des zones frontalières. « Lavrov a exprimé son désaccord catégorique avec les attaques américaines contre les forces pro-gouvernementales et l’a appelé à prendre des mesures concrètes pour prévenir des incidents similaires à l’avenir », a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères.

La situation dans toute la Syrie reste extrêmement conflictuelle, le régime d’Assad accuse les forces américaines qui assiègent Raqqa de permettre aux combattants de l’ÉI de s’échapper au sud où les troupes gouvernementales se battent contre elles pour le contrôle de la ville de Deir Es-Zor.

Au cours du week-end, l’armée iranienne a tiré des missiles sol-sol pour la première fois depuis le territoire iranien contre les positions de l’ÉI en Syrie. Tout en prétendant qu’il s’agissait de représailles pour les attaques de l’ÉI du 7 juin à Téhéran, en fait les attaques de missiles dans la région de Deir Es-Zor visaient clairement à renforcer les forces gouvernementales syriennes.

La guerre de procuration des États-Unis en Syrie fait partie d’une confrontation plus large qui ne vise pas seulement le régime d’Assad, mais, plus largement, ses soutiens : l’Iran et la Russie. Le voyage de Trump au Moyen-Orient le mois dernier était avant tout destiné à forger une alliance avec l’Arabie saoudite et ses alliés dans les États du Golfe contre l’Iran et ses alliés dans la région.

Le résultat immédiat a été l’imposition d’un blocus économique global dirigé par l’Arabie Saoudite contre le Qatar, lui-même un acte de guerre. Riyad a accusé le Qatar de parrainer le terrorisme, mais la vraie raison réside dans les relations du Qatar avec l’Iran et sa réticence à rejoindre l’Arabie saoudite dans sa marche vers la guerre contre l’Iran.

La monarchie saoudienne, qui considère depuis longtemps l’Iran comme son principal rival régional, est profondément hostile au régime d’Assad à Damas, qu’il considère comme faisant partie du croissant chiite qui comprend des partis chiites et des milices en Irak et au Liban. Soutenue par les États-Unis, l’Arabie saoudite mène sa propre guerre au Yémen contre les rebelles Houthi, qui, selon elle, sont soutenus par l’Iran et qui ont évincé le gouvernement fantoche américano-saoudien en 2014.

Le régime de Trump a marqué sa détermination à accélérer la guerre en Syrie en avril lorsqu’il a lancé des missiles de croisière contre une base aérienne du gouvernement syrien sur la base d’affirmations infondées selon lesquelles le régime avait mené une attaque au gaz. L’armée américaine est déterminée à reconstituer les forces anti-Assad après le coup dévastateur subi par ces milices pro-américaines ayant été chassées d’Alep.

L’abattage du SU-22 syrien est une autre manifestation du fait que les États-Unis sont prêts à recourir aux moyens les plus téméraires pour défendre leurs positions en Syrie et à jeter les bases de la guerre plus large qui se prépare.

Tout en proclamant ses propres « zones de déconflixion » ou zones sans accès, l’armée américaine a réitéré le mois dernier qu’elle agira en toute liberté en Syrie. « Nous ne reconnaissons aucune zone spécifique en soi où nous nous interdisons d’opérer », a déclaré le lieutenant-général Jeffrey Harrigan, commandant des forces aériennes américaines dans la région.

En conséquence, la scène est préparée pour une escalade dramatique du conflit au Moyen-Orient où un incident ou un conflit relativement mineur impliquant des forces américaines et leurs homologues syriens, iraniens ou russes pourrait provoquer l’éruption d’une guerre qui implique des puissances régionales et mondiales majeures.

(Article paru en anglais le 19 juin 2017)

 

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