Perspectives

D’âpres conflits dominent le sommet du G20 en Allemagne

Le sommet du G20 s’est réuni le 7 juillet à Hambourg pour deux jours, dominé par les crises économiques et politiques mondiales ainsi que les menaces de confrontation militaire et les conflits géostratégiques tous azimuts. L’atmosphère évoque surtout celle d’une rencontre entre gangsters grands et moins grands où personne ne sait qui sera le premier à tirer.

Organisé pour la première fois en 2009 à Londres, le Sommet du G20 était censé servir de forum pour un effort collectif des grandes puissances afin de sauver le capitalisme mondial de l’effondrement financier commencé à Wall Street en 2008 et de conjurer le danger du protectionnisme. Aujourd’hui, sous l’impact de la crise économique capitaliste toujours plus profonde et insoluble, les conflits entre ces puissances sont devenus si avancés, sévères et ouverts qu’il y a toutes les raisons de croire que ce pourrait être le dernier de ces rassemblements mondiaux.

Le président américain Donald Trump a donné le là d’un sommet d’âpres confrontations qui ne sont plus dissimulées, avec une visite en Pologne avant son arrivée en Allemagne, ce qui revient à questionner la montée de l’Allemagne comme nouvelle puissance hégémonique en Europe. Accueilli par l’un des gouvernements les plus à droite du continent européen, il y a prononcé un discours fascisant sur l’effondrement de « notre civilisation » et a appelé à une lutte « pour la famille, pour la liberté, pour le pays et pour Dieu ». Invoquant la résistance polonaise à l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, Trump n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il cherchait à aligner les États-Unis sur la Pologne afin de poursuivre la rivalité actuelle de l’impérialisme américain avec l’Allemagne.

Trump s’est également exprimé au « Sommet de l’Initiative des Trois Mers » à Varsovie, rassemblant 12 pays d’Europe centrale et orientale, une organisation qui reprend la tradition de l’alliance appelée Intermarium formée dans les années 1920 par divers régimes fascistes et nationalistes avec le soutien des États-Unis, et dirigée à la fois contre l’Union soviétique et l’Allemagne.

La politique de la Maison Blanche fait écho à la déclaration du secrétaire à la défense de l’époque, Donald Rumsfeld, qui a dénoncé en 2003 la France et l’Allemagne pour n’avoir pas soutenu le mouvement américain contre la guerre en Irak, les qualifiant de « vieille Europe » et indiquant que Washington était orienté vers une « nouvelle Europe » composée des anciens États du pacte de Varsovie à l’est.

Une décennie et demie plus tard, les conflits géostratégiques exposés par les divisions sur la guerre criminelle de Washington contre l’Irak se sont disséminés comme un cancer, affectant tous les domaines des relations entre l’Europe et l’Amérique et évoluant mondialement.

Trump vient à Hambourg en tant qu’incarnation des tendances réactionnaires, de la criminalité et du parasitisme de l’oligarchie financière dominante américaine. Son objectif est d’utiliser la menace de la guerre, allant d’une attaque potentiellement catastrophique pour le monde contre la Corée du Nord à une confrontation tout aussi dangereuse avec l’Iran et la Russie en Syrie, afin que les rivaux de l’impérialisme américain courbent l’échine devant la politique économique nationaliste de « l’Amérique d’abord » de son administration.

Trump, cependant, n’est nullement seul dans la poursuite d’un programme impérialiste agressif. La chancelière allemande Angela Merkel a organisé sa propre rencontre dans le cadre du sommet du G20 avec le président chinois Xi Jinping, invoquant le libre-échange et le changement climatique, condamnant le protectionnisme et s’opposant implicitement à la politique de l’administration Trump. Merkel a embrassé le projet One Belt, One Road, les nouvelles routes de la soie de Beijing, visant à développer l’infrastructure des réseaux de transport et d’énergie reliant la Chine à l’Asie centrale, la Russie, toute l’Europe et aux ressources énergétiques du Moyen-Orient, une initiative considérée par Washington comme une menace existentielle.

Le gouvernement de Xi, face à la pression militaire croissante de Washington à la fois sur la péninsule coréenne et en mer de Chine méridionale, cherche à forger des liens plus étroits avec un impérialisme en phrase ascendante et de plus en plus indépendant, tant politique que militairement – l’impérialisme allemand.

Pour le même but, il a fait une visite de deux jours à Moscou avant son voyage en Allemagne, où Poutine et lui ont défié les demandes de Washington pour que la Chine fasse que la Corée du Nord se soumette après le tir d’essai d’un ICBM de Pyongyang. Au contraire, ils ont émis leurs propres demandes pour que les États-Unis retirent leurs missiles anti-balistiques de la Corée du Sud et mettent fin à leurs exercices militaires provocateurs sur la péninsule.

Entre-temps, à la veille du sommet, l’Union européenne et le Japon ont annoncé la conclusion d’un pacte de libre-échange qui porterait sur un tiers du PIB mondial. Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, a déclaré que l’accord avait démontré « notre forte volonté politique de défendre les couleurs du libre-échange contre un virage vers le protectionnisme. »

« Bien que certains disent que le temps de l’isolationnisme et de la désintégration revient, nous démontrons que ce n’est pas le cas », a ajouté le président du Conseil européen, Tusk.

L’accord a été passé aux dépens des transnationales américaines, et les deux déclarations étaient clairement dirigées contre Trump qui avait écrit sur Twitter à la veille du sommet : « Les États-Unis ont fait quelques-unes des pires transactions commerciales de l’histoire mondiale. Pourquoi devrions-nous continuer ces transactions avec des pays qui ne nous aident pas. »

Les conflits étant en constante augmentation entre les puissances économiques qui constituent le cœur de l’économie mondiale, et les divisions de plus en plus ouvertes et acrimonieuses dans l’alliance de l’OTAN elle-même et l’élaboration de multiples pactes visant à promouvoir les intérêts de l’une ou l’autre puissance contre ses rivaux, la situation ressemble de plus en plus à celle décrite par Lénine pendant la Première Guerre mondiale, où les puissances impérialistes étaient « empêtrées dans un filet de traités secrets entre eux, avec leurs alliés et contre leurs alliés ».

La menace croissante de la guerre et la panne des institutions internationales qui ont été créées après la sortie de la Seconde Guerre mondiale par les États-Unis en tant que puissance impérialiste dominante sont le produit final de processus qui ont mûri au cours du quart de siècle qui s’est écoulé depuis la dissolution par la bureaucratie stalinienne de l’Union soviétique.

L’émergence de ce que les stratèges américains ont décrit comme un « moment unipolaire » a ouvert la voie à une série de guerres et d’interventions impérialistes où l’impérialisme américain a cherché à exploiter son avantage militaire pour contrebalancer son déclin dans l’économie mondiale.

Alors que ces guerres ont brisé l’Irak, la Yougoslavie, l’Afghanistan, la Libye, la Syrie, l’Ukraine et d’autres pays, ont détruit des millions de vies et ont déclenché la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale, elles n’ont absolument pas réussi à contrecarrer le déclin de l’impérialisme américain.

Maintenant, une nouvelle étape de la crise a été atteinte où les rivaux internationaux de Washington contestent l’hégémonie mondiale de l’impérialisme américain.

Sous-jacentes à ces développements de plus en plus dangereux, il y a les contradictions fondamentales du système capitaliste mondial entre, d’une part, une économie globalement intégrée et interdépendante et sa division en états nationaux antagonistes et, d’autre part, entre le caractère socialisé de la production mondiale et sa subordination, par la propriété privée des moyens de production, à l’accumulation du profit privé par la classe capitaliste au pouvoir.

Le seul moyen pour l’impérialisme de résoudre ces contradictions, c’est par une nouvelle guerre mondiale qui risquerait la destruction de l’humanité. Ces mêmes contradictions, cependant, jettent les bases d’une recrudescence révolutionnaire de la classe ouvrière à l’échelle internationale.

Comme l’a souligné le Comité international de la Quatrième Internationale dans sa déclaration de 2016, Le socialisme et la lutte contre la guerre :

« Les grandes questions historiques soulevées par la situation mondiale actuelle peuvent être formulées ainsi : Comment la crise du système capitaliste mondiale sera-t-elle résolue ? Est-ce que les contradictions qui rongent le système vont entraîner la guerre mondiale ou bien la révolution socialiste mondiale ? Est-ce que l’avenir nous plongera dans le fascisme, la guerre nucléaire et une descente irrévocable vers la barbarie ? Ou bien la classe ouvrière internationale va-t-elle s’engager dans la voie de la révolution, renverser le système capitaliste et ensuite rebâtir le monde sur des bases socialistes ? Telles sont les véritables options qui se présentent aujourd’hui à l’humanité. »

(Article paru en anglais le 7 juillet 2017)

 

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