Hambourg verrouillée par la police

Des unités de police fortement armées ont dispersé à plusieurs reprises les manifestations avec des véhicules blindés et des canons à eau et ont attaqué les manifestants avec des matraques, des sprays au poivre et des flashballs.

Les journalistes sont attaqués et les avocats qui défendent les manifestants sont qualifiés par la police de « dangereux » en raison de leurs convictions politiques.

Une interdiction de fait des manifestations est en vigueur dans toute une ville de plusieurs millions d’habitants et, à presque tous les coins de la rue, il y a un point de contrôle de la police.

Non, ce n’est pas le Caire, où le dictateur Abdel Fattah al-Sissi a noyé dans le sang des manifestations contre son régime militaire soutenu par l’Ouest. C’est Hambourg, la métropole allemande d’habitude plutôt tranquille. Aujourd’hui, en tant que ville hôte du sommet du G20, elle ressemble à un état policier.

Plus de 20 000 policiers de partout dans le pays ont été mobilisés pour écraser toutes les protestations contre les principaux gouvernements capitalistes du monde.

À la veille de la manifestation de samedi, qui très probablement attirera 100 000 adversaires du G20, les rangs de la police ont de nouveau été augmentés. Deux cents officiers de police supplémentaires ont été envoyés du Bade-Wurtemberg et plus de 200 du Mecklembourg-Poméranie. Trois unités supplémentaires ont été expédiées par le gouvernement rouge-vert-rouge (Parti social-démocrate-Parti de gauche-Parti vert) de l’État fédéré de Berlin. Hambourg elle-même est gouvernée par une coalition rouge-vert sous la direction du maire du Parti social-démocrate (SPD) Olaf Scholz. Le SPD, les Verts et le Parti de gauche (Die Linke) jouent donc un rôle central dans le renforcement de l’état policier et l’assaut contre les droits démocratiques fondamentaux.

Les actions brutales menées par la police jeudi contre une manifestation organisée sous le slogan « Bienvenu en enfer » ont encore aggravé la situation dans la ville. Dans le quartier de Schanzen, un bastion de groupes anarchistes, il y a eu des scènes qui rappelaient une guerre civile alors que la police s’est heurtée à des manifestants. Les forces spéciales opéraient avec des hélicoptères et des véhicules blindés et pénétraient par la force dans le quartier avec des mitrailleuses prêtes à tirer. Les forces de sécurité ont attaqué les journalistes et ont refusé de leur permettre de montrer la répression.

L’intervention de la police jeudi soir a été si brutale et provocante que même certains médias bourgeois l’ont critiquée. « La police a agi parfois si brutalement que les gens ont paniqué », a écrit Der Spiegel. Prétextant le fait que certains membres du black block étaient encapuchonnés, la police a utilisé des véhicules blindés pour bloquer la manifestation pacifique après 300 mètres de parcours. Elle a ensuite tiré avec des canons à eau et des gaz lacrymogènes dans la foule. « La police a accepté qu’il pourrait y avoir des décès », a déclaré Christoph Kleine de la « G20 Platform ».

Dans son émission Monitor, la radio publique ARD s’est concentrée sur les méthodes sauvages et illégales utilisées par les forces de sécurité de Hambourg. La responsabilité pour tout cela incombe au directeur de la police, Hartmut Dudde, qui a été installé en 2012 par le sénateur social-démocrate en charge des questions de police intérieure Michael Neumann. Les tribunaux ont confirmé à maintes reprises que le directeur avait « violé les lois applicables » dans ses arrestations, ses méthodes d’encerclement des manifestations, et la manière dont il « provoque les manifestants de gauche ».

Déjà dimanche dernier, la police de Hambourg a dispersé par la force un camp qui avait été autorisé par un tribunal administratif. Même en dehors de la zone de 38 000 kilomètres carrés où les manifestations sont interdites, les forces de sécurité ont agi impitoyablement contre les celles-ci.

Le journaliste Martin Eimermacher a déclaré au Monitor : « Mon bras où je portais mon badge de presse a été poussé de côté. On nous a poussé les uns contre les autres par des coups, y compris des coups de pied. J’ai crié à plusieurs reprises que j’étais des médias et je voulais sortir de là. Et puis, mon visage a été aspergé de spray au poivre, à une distance d’un demi-mètre. »

Le gouvernement allemand a soutenu explicitement l’action de la police. La chancelière Angela Merkel a remercié publiquement les forces de sécurité. Elles avaient son « soutien total » pour leur travail très exigeant, a-t-elle dit. « Mais les manifestations violentes mettent en danger les vies humaines », a-t-elle ajouté. Elles ne pouvaient donc « être tolérées ».

Le ministre des Affaires étrangères Sigmar Gabriel a exprimé hypocritement son empathie pour les manifestants dans le Passauer Neue Presse, mais seulement pour révéler clairement son point de vue réel. Dans les « pays démocratiques », a-t-il déclaré, il devrait être possible « que les chefs d’État et de gouvernements du monde entier se rencontrent et se parlent ». La principale critique ne devrait pas être « dirigée contre un tel événement, mais contre les manifestations violentes ».

Pour qui nous prend-il Gabriel avec ses phrases sur la « démocratie » qui, visiblement, ne servent qu’à justifier la brutalité policière ? Les événements de Hambourg révèlent le véritable caractère de l’impérialisme allemand. Ce n’est pas une alternative progressiste à la politique de droite America First du président américain Donald Trump, mais plutôt son équivalent allemand.

Le retour de la politique allemande de grande puissance, qui a surtout été prôné par Gabriel et les sociaux-démocrates, est inséparablement lié à la création d’un état policier et à la mobilisation des forces d’extrême droite.

L’Alternative pour l’Allemagne (AfD) a appelé hier à une « stratégie de tolérance zéro » contre les manifestants. « Les manifestants de gauche ne peuvent plus être traités avec précaution, mais devraient être traités pour ce qu’ils sont : des terroristes », a déclaré Alice Weidel, candidat principal de l’AfD aux prochaines élections fédérales.

L’extrémiste de droite, le professeur Jörg Baberowski de l’Université Humboldt a également exigé que la police adopte des mesures dures. Sur son compte Twitter, il a partagé un article de Felix Leidecker, le président de la Junge Union de Mayence, le mouvement de jeunesse de la CDU (Union chrétienne démocrate). Baberowski a écrit : « Il ne peut plus y avoir “encore cela” dans le traitement de l’extrémisme de gauche dans ce pays après Hambourg. L’ordre légal doit se défendre maintenant ! »

Avec ses actions agressives et hystériques, la classe dirigeante répond à l’opposition croissante aux coupes sociales et à la guerre, qui s’est manifestée dans l’hostilité généralisée envers le sommet du G20. La politique de réductions budgétaires des dernières années, que tous les partis capitalistes ont soutenus, ont produit une catastrophe sociale en Europe et ont fait de l’Allemagne l’un des pays les plus inégalitaires du monde. Jeudi, la Fondation Hans-Böckler a publié une étude selon laquelle le pourcentage de la population active qualifié de pauvre tout en ayant un emploi régulier a doublé entre 2004 et 2014, il est à 9,6 pour cent soit 3,7 millions de personnes.

De l’autre côté, une petite élite privilégiée, dont les représentants se réunissent là à Hambourg, s’est enrichie de manière obscène, exploitant la crise financière de 2008 pour augmenter considérablement sa richesse. Selon une étude de l’organisme de charité pour le tiers-monde Oxfam, huit milliardaires, dont six aux États-Unis, possèdent plus de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale, soit 3,6 milliards de personnes. Trente-six milliardaires allemands possèdent autant de richesse (276 milliards d’euros) que la moitié la plus pauvre de la population allemande.

Il est tout simplement impossible d’imposer sans un état policier le retour du militarisme allemand et de tels niveaux d’inégalités sociales. Hambourg doit être pris comme un avertissement. Quelque sept décennies après la fin du régime de terreur nazi, l’élite dirigeante d’Allemagne jette par-dessus bord tout les principes démocratiques de base qu’elle a été obligée de reconnaître bien à contre-cœur à l’époque de l’après-guerre. Le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’égalité socialiste) est le seul parti à lutter pour fournir à l’opposition croissante à la guerre, à la dictature et aux coupes sociales une perspective politique consciente. Seul un mouvement socialiste international de la classe ouvrière peut arrêter les mesures d’État policier de l’élite dirigeante et empêcher une descente dans la barbarie.

(Article paru en anglais le 8 juillet 2017)

 

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