En visite au Mali, Macron recherche l‘appui de l‘armée

Pour sa première visite officielle hors d‘Europe, Emmanuel Macron s‘est rendu le 19 mai à la base militaire de Gao au Mali, d‘où opèrent 1700 soldats français dans le cadre du déploiement militaire nommé « opération Barkhane ». Là, le nouveau président français a rendu un vibrant hommage à l‘armée française. Macron était accompagné du chef d‘Etat major des armées et de deux ministres, l‘ex-ministre de la Défense et actuel ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et la nouvelle ministre des Armées, Sylvie Goulard.

« Parmi les forces vives de la nation, dès mon installation... j‘ai voulu donner le premier rang aux armées francaises », a-t-il déclaré dans un discours de presque vingt minutes devant la troupe, saluant ensuite « la continuité de notre admirable lignée militaire » et la « solidarité sans faille [de l‘armée qui] est un exemple pour tous les Français ».

Evoquant le rôle colonial de la France en Afrique, il a dit: « Ici, vous êtes l‘avant-garde de la République, comme avant vous le furent sur ce continent tant de générations de militaires ».

Pour finir, après avoir insisté sur son rôle de chef des armées, il a dit: « ma confiance en vous est totale, je sais pouvoir compter sur vous, en toutes circonstances, comme vous pouvez compter sur moi ».

Macron a repris la litanie de l‘intervention militaire française au Mali, « fer de lance de la lutte contre le terrorisme », que les médias ont fidèlement entonnée. Mais la France utilise, comme ses alliés de l‘Otan, les mêmes forces terroristes qu‘elle prétend combattre au Sahel, contre le régime Assad en Syrie.

En fait, le contexte politique de cette visite « prioritaire » suggère d‘autres motifs. Elle a lieu dans une situation de crise politique intense qui est probablement la pire depuis la Guerre d‘Algérie. On assiste depuis plusieurs semaines à l‘éclatement du système politique qui a régi le pays pendant près d‘un demi-siècle, dans des conditions où la bourgeoisie doit imposer à la classe ouvrière des attaques sans précédent et celles d‘une marche à la guerre au plan international.

L‘état d‘urgence a déjà été rendu permanent pour réprimer l‘opposition de la classe ouvrière à ces attaques et à la guerre, une opposition qui s‘est exprimée clairement avant le premier tour de la présidentielle dans la montée subite de Jean-Luc Mélenchon suite aux bombardements américains contre Assad en Syrie.

Témoin de la gravité de la situation est la planification d‘un coup d‘Etat préparé par le gouvernment PS en cas de victoire de Marine Le Pen à la présidentielle, révélé par L‘Obs la semaine dernière. Le périodique révélait qu‘on avait prévu d‘instaurer l‘état de siège et une mobilisation massive des forces de l‘ordre afin d‘écraser les manifestations contre une victoire néo-fasciste. On aurait gardé Le Pen au pouvoir dans une cohabitation forcée avec un gouvernment PS. Ces informations n‘ont pas été démenties par le pouvoir.

Plus encore que le gouvernment PS de Hollande, le gouvernement Macron dépend de ses relations avec les forces de sécurité. Depuis son élection, Macron a multiplié les signaux montrant clairement qu‘il s‘appuyerait sur l‘armée, depuis sa descente des Champs Elysées dans un véhicule militaire au changement de nom du ministère de la Défense en « Ministère des Armées ».

Dans un contexte d‘extention massive des opérations militaires de l'Otan à travers le monde, l‘impérialisme français prépare, entre autres, une escalade majeure en Afrique. Macron a lui même déclaré à Gao qu‘il voulait « accélérer » les opérations dans la région. Il a déja signalé qu‘il répondrait favorablement aux demandes des généraux pour plus de ressources et de matériels.

Mais la visite de Macron à l‘armée « en guerre » est surtout destinée à consolider les liens politiques de son gouvernement avec elle.

Sa visite servait à voir si l‘armée répondrait présente en cas de besoin dans le cadre de la politique intérieure et à s‘assurer qu‘elle sera une quantité fiable pour une intervention en défense de son gouvernment, au cas où la situation viendrait à dégénérer. Cette phrase prononcée à Gao en dit long bien au-delà du contexte africain: « Vous êtes plus que jamais notre sentinelle et notre rempart ».

Il est nécessaire ici de mettre la classe ouvrière et la jeunesse en garde: l'impérialisme français est tout à fait conscient que sa politique de contre- révolution sociale et de guerre provoquera une résistance profonde de la classe ouvrière, et qu‘elle ne pourra l‘imposer sans avoir recours à la répression. Elle se prépare consciemment à des troubles révolutionnaires en France et à travers l'Europe.

L‘armée coloniale d‘un pays impérialiste n‘est pas seulement un instrument de conquête et de subjugation de populations étrangères. Elle joue un rôle énorme et réactionnaire dans l'équilibre politique du pays même. Ses objectifs et ses méthodes à l'étranger en font un instrument privilégié pour la répression de la classe ouvrière.

Macron n‘a pas été au pouvoir plus d‘une semaine qu‘il est déjà impopulaire. Les Echos écrivaient le 18 mai que, selon un sondage Elabe, le nouveau président ne jouissait que de 45 pour cent de confiance et prenait « ses fonctions à l‘Elysée avec une cote inférieure à tous ses prédécesseurs », son premier ministre n‘obtenant que 36 pour cent. Tous les gestes politiques et annonces faits par Macron depuis son élection indiquent qu‘il se prépare à une confrontation avec la classe ouvrière.

Le plus grand danger est que les travailleurs et les jeunes ne se sont pas pleinement conscients de l'ampleur de la crise et de la menace que représente ce gouvernement et ses alliés internationaux. .

La responsabilité incombe ici entièrement aux partis politiques qui ont obtenu les voix de millions d‘électeurs ouvriers et jeunes qui ne voulaient pas de Macron au premier tour de l‘élection présidentielle, Mélenchon et le NPA. Aucun d‘eux n‘a averti la population des risques qui pèsent à présent sur eux.

La communication de la France Insoumise (FI) déclara au WSWS qu‘elle n‘avait rien à dire sur le sujet du coup préparé par le PS, et les responsables du mouvement, pourtant en pleine campagne pour les législatives, ont gardé le silence sur la question. Quand au NPA, son service de presse a traité cet événement de nouvelle à sensation ne valant pas la peine qu‘on s‘y arrête. Alors que sous l‘Etat d‘urgence, des membres du NPA sont déjà interdits de manifestation et menacés de poursuites judiciaires, ce parti fait comme si ces nouvelles n‘avaient aucune importance.

Ces partis qui, durant des décennies ont passé pour la « gauche » ou « l‘extrême gauche » en France se montrent totalement indifférentes aux attaques contre les libertés démocratiques menées par le PS et les nouvelles, plus drastiques encore, préparées par Macron. Elles témoignent de la banqueroute de la politique petite- bourgeoise, centrée autour du PS bourgeois, menée par ces partis depuis des décennies, en présentant le PS comme un parti ouvrier et une alternative au stalinisme.

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