Après l'attentat à Manchester, Macron prolonge l’état d’urgence

Hier, le gouvernement Macron s'est saisi de l‘attentat du 22 mai à Manchester pour annoncer la prolongation de l'état d'urgence, instauré suite aux attentats à Paris du 13 novembre 2015, jusqu'au 1er novembre. L‘annonce fut faite par le premier ministre Edouard Philippe au terme d'un Conseil de Défense tenu à l'Elysée. L‘état d‘urgence devait cesser le 15 juillet.

Le nouveau gouvernement cherchait depuis son investiture le 17 mai un moyen de prolonger l'état d'urgence. Une telle mesure avait déjà été discutée durant la campagne présidentielle, notamment après l‘attaque qui tua un policier sur les Champs Élysées, trois jours avant le premier tour: « Nous sommes en état d'urgence et il ne sera pas levé avant longtemps », avait alors dit François Fillon, ce que l'actuel président n'avait pas contredit. Fillon devait dès le 23 avril appeler à voter Macron.

« Cette prorogation sera limitée au temps nécessaire à l'examen d'un projet de loi qui inscrira dans le droit commun les dernières mesures de renforcement de l'arsenal existant », a déclaré Philippe mercredi. En clair, on remplacera l'état d'urgence et sa suspension de droits démocratiques fondamentaux par des mesures permanentes de même ordre, mais inscrites dans la constitution ou le droit commun, pour s'en servir au quotidien et en permanence.

Le gouvernement a aussi annoncé la création d‘une « task force » directement rattachée à la présidence, que Macron avait présenté régulièrement dans la campagne électorale comme une de ses mesures phares de « sécurité ». C'est une sorte d'Etat major permanent au sein de l‘exécutif, dont les pouvoirs n‘ont pas été spécifiés, composé entre autre de quelques dizaines de membres du renseignement, de la police et de l‘armée et dont une des tâches avouées sera de « coordonner les services de sécurité et de renseignement ».

L‘utilisation de l'état d‘urgence depuis un an et demi a largement montré qu‘il a été principalement utilisé contre la résistance sociale aux attaques du gouvernment Hollande, en particulier sa loi Travail. Il donnait aux forces de l'ordre des pouvoirs énormes dont on s'est servi pour réprimer brutalement la résistance des travailleurs et des jeunes et imposer la loi. Le gouvernement Macron est voué à imposer de profondes mesures « structurelles » de contre-révolution sociale. Il s‘attend à une large et forte résistance des travailleurs.

Macron a annoncé mardi une des principales mesures de son gouvernement, le renforcement de la Loi Travail, devant être imposé par ordonnances dans les prochaines semaines. Ces mesures donneront encore plus de pouvoirs aux patrons, dispersant la classe ouvrière en l‘isolant entreprise par entreprise, et rendant caduques des conquêtes sociales et démocratiques acquises pendant des décennies de lutte, y compris celle contre le fascisme durant l‘Occupation et le régime de Vichy. Les syndicats recevraient de larges compétences pour mettre en oeuvre ces transformations.

Macron dirige un gouvernement isolé dont la base de soutien dans la population est extrêmement étroite, et qui craint un revirement brusque de l‘opinion. Une bonne partie de ceux qui ont voté pour Macron l‘ont fait pour éloigner Le Pen du pouvoir. Sa « moralisation » tant vantée de la vie politique a déjà subi un coup suite aux révélations de « montage financier » de la part de son ministre de la Cohésion des territoires Richard Ferrand, par l‘hebdomadaire satirique Canard enchainé.

Le gouvernement a tout de suite été sur la défensive, ses porte-parole déclarant que les opérations immobilières lucratives de Ferrand en tant que directeur général des mutuelles de Bretagne et profitant à ses proches, n‘étaient après tout « pas illégales ». Le Parisien cite Christophe Castaner, le porte parole du gouvernement: « Ferrand était inquiet de la 'mauvaise lecture' qui allait être faite de l‘affaire avant qu‘elle soit publiée ».

Pour ses attaques, le gouvernement Macron dépend, mis à part les forces de sécurité, essentiellement des syndicats. Les consultations organisées séparément avec leurs dirigeants le mardi 23 mai à l‘Elysée, montrent qu‘il peut compter sur eux. Tant la CGT stalinienne, que la CFDT proche du PS et FO ont signalé qu‘ils ne s‘opposeraient pas à ses projets. Le fait que Macron fasse passer ses mesures par ordonnances, ce qu‘il a répété mercredi aux syndicats, est tacitement accepté.

« J'ai cru comprendre qu'il était d'accord avec moi en matière de délais de négociation... C'est plutôt une bonne chose puisque ça va permettre de continuer le débat que nous avons eu l'année dernière » sur la loi El Khomri, a déclaré Philippe Martinez, le dirigeant de la CGT à la sortie de sa rencontre avec Macron. Il dit encore : « Descendre dans la rue ?…. On sera là pour la rentrée sociale », c‘est à dire quand les ordonances seront passées.

« Tout dépend de la façon dont Emmanuel Macron s’y prend pour faire son ordonnance. La CFDT souhaite que la phase législative, quelle que soit sa forme, soit précédée d’une phase de dialogue », a déclaré sur France Inter le numéro deux de la CFDT, Véronique Descacq.

Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, a expliqué ."Il y aura une concertation cet été mais on ne règle pas certains problèmes en trois réunions... ou alors c’est un blocage. Je n’ai pas senti une volonté de blocage du président“. Il ajouta: « J’ai senti qu’a priori, il y a des marges de manœuvre ». La nouvelle ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a elle recruté Stéphane Lardy, ancien proche collaborateur de Mailly, comme conseiller à la formation et à l’apprentissage.

Un des projets de Macron concernant les syndicats est de faire passer leur financement directement et ouvertement par l‘employeur. Dans son livre Révolution, il évoque un « mécanisme clair de financement par lequel les salariés orienteront des ressources abondées par l'entreprise vers le syndicat de leur choix ». Une mesure qui va dans le même sens que le projet d‘inspiration pétainiste qu‘on trouve dans le programme de Marine Le Pen, du financement des syndicats directement par l‘Etat.

Le gouvernement Macron prépare avec la complicité des appareils syndicaux des attaques sans précédent, avec l‘état d‘urgence d‘abord et ensuite en attaquant les droits fondamentaux des travailleurs comme le droit de grève, de manifestation, de libre circulation et celui de la libre expression, en censurant Internet.

Dans les luttes sociales explosives qui s'annoncent en France comme en Europe, la classe ouvrière ne peut gagner contre l‘aristocratie financière dont Macron et son gouvernement sont les représentants, que si elle s‘organise indépendemment des syndicats et adopte une perspective politique révolutionnaire et internationale. C‘est la perspective mise en avant par le Parti de l'égalité socialiste.

 

 

 

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