Etudiantes à Paris : « je ne veux pas passer ma vie à voter de droite parce que j’ai peur de Le Pen »

Des correspondants du World Socialist Web Site ont parlé à propos des élections présidentielles françaises à deux jeunes femmes, Anna et Zoé, à Paris.

Q : Qu’est-ce que vous pensez des élections ?

Anna : On ne sait pas quoi faire du tout parce qu’on se trouve entre une personne qui est complètement à vomir, Marine Le Pen, qui a une politique raciste, et de l’autre côté on a quelqu’un d’autre, néolibérale, qui nous ne convient pas totalement aussi.

Zoé : C’est ma première élection. Déjà, je ne me reconnais pas dans le principe de l’élection. Je trouve cela dommage que ce soit la seule manière dont je peux participer politiquement. Il faut s’organiser autrement, mais c’est vague parce que je ne sais absolument pas comment mettre en place d’autres formes d’organisation politique qui ne sont pas simplement de mettre un bulletin dans une urne pour quelqu’un avec qui je suis plus ou moins d’accord.

J’ai quand même voté au premier tour et là je me trouve avec deux candidats pour le deuxième tour pour moi qui sont dangereux dans deux sens différents.

Si jamais le Le Pen du FN passe, je ne serai pas touché de façon pareille comme certaines personnes qui ne vont pas avoir leurs titres de séjour renouvelés. Il y a pas mal de personnes autour de moi qui sont dans cette situation-là qui seraient plutôt à voter pour Macron, alors que moi, je n’ai pas de toute envie de voter.

Anna : C’est à dire, c’est le problème qu’on a : on nous fait croire que notre droit et notre engagement, elles passent par un bulletin de vote.

Aujourd’hui, je pense que beaucoup de choses me montrent qu’on n’est pas vraiment en démocratie parce qu’on n’a pas tellement le choix parce que les gens qu’on nous propose viennent d’une même élite et des mêmes écoles et les quelques personnes qui peuvent arriver au pouvoir sans venir de cette élite-là sont complètement décrédibilisées par les médias. Donc ils ne peuvent pas voter pour eux parce que cela ne servirait à rien.

Du coup, on se retrouve dans un système où on a le choix entre deux personnes et l’on n’a pas vraiment le choix parce qu’on nous dit que si l’on ne vote pas pour Macron on va arriver à l’horreur – l’horreur du FN – et du coup on est obligé de voter pour quelqu’un, qui ne nous correspond pas.

Je pense qu’il y a même pas un tiers de la France qui est d’accord avec les idées de Macron et même les autres Présidents. Donc on se trouve avec des Présidents au pouvoir qui ne correspondent à personne voire à très peu de gens et surtout à des gens privilégiés.

Après, moi, je suis privilégiée. Je pense que Macron ou Le Pen en soi, dans mon confort personnel, pourraient m’aller. En revanche, moi, dans mes idées, je ne veux pas cela. Je veux qu’on soit uni et je veux voter pour des gens où je sais que je n’aurais pas honte de mon pays.

Quand je suis allée dans les camps de réfugiés en France, j’ai eu honte d’être Française et je sais que ni avec Macron ni avec Le Pen ça ne ferait quelque chose pour ces gens-là qui sont dans une nécessité totale – un problème vital.

Même pour mon avenir, il y a plein de gens autour de moi qui se retrouvent pour cinq heures de travail [par jour] à même ne pas être payés plus de 20 heures [par semaine]. Moi, je ne veux pas rentrer là-dedans. Mais, si mes amis qui rentrent dedans, ils rentrent dedans parce qu’ils ont besoin d’avoir des sous. Ils ne trouvent pas d’autres moyens pour avoir des sous et ils se trouvent payés moins de 3 euros à l’heure parce qu’ils n’ont pas le choix.

Zoé : Donc on est un peu dans un choix et on ne sait pas quoi faire. Comme [ma copine] disait, parce que, je suis blanche, blonde aux yeux bleus et je viens d’un milieu privilégié, si Marine Le Pen passe, je ne serai pas la première touchée.

Donc je me retrouve à ne pas vouloir voter pour mes idées et avoir peur pour mes amis et même pour les gens que je ne connais pas, mais qui sont quand même là. Du coup, je ne sais pas dans quelle mesure je peux me permettre de ne pas voter.

Q : Si on vote pour Macron, est-ce qu’on pourrait arrêter le néo-fascisme ?

Anna : Non, dans le programme de Macron il n’y a aucune mesure sociale. Il y a très peu de mesures pour les réfugiés. [Le mot d’ordre] « Arrêt le fascisme » cela pourrait éviter que Le Pen soit Présidente. Mais on peut se demander aussi si ce n’est pas des politiques libérales qui font le terreau des électeurs du FN en descendant les gens du côté économiquement.

Au final, il n’y a aucun moyen dans cette élection de faire quelque chose par un bulletin de vote. On nous brandit l’idée de faire barrage au FN. La diabolisation du FN permet de dédiaboliser tout le reste et le fait de dire qu’on ne vote pas FN parce que c’est le diable, c’est horrible, c’est le cas, mais du coup, on accepte tout le reste. Cela, je le trouve problématique qu’on a toujours cette menace du FN qui sert à pas mal de gens.

Zoé : Qui a servi à passer Chirac il y a quelques années, qui va servir à faire passer Macron aujourd’hui et je pense que c’est aussi un moyen de faire passer des gens qui ne correspondent pas au peuple en nous faisant peur d’un autre, d’un diable. Du coup on se dit qu’on laisse passer tout le reste et l’idée aujourd’hui ça sera de trouver un autre moyen de faire.

Moi, je ne veux pas passer ma vie à voter de droite parce que j’ai peur de Le Pen parce que, du coup, on fait stagner les choses.

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