Les États-Unis menacent la Corée du Nord de nouvelles sanctions et un renforcement militaire

À la suite du voyage du secrétaire d’État américain Rex Tillerson en Chine, les États-Unis concentrent une pression croissante sur la Chine pour forcer la Corée du Nord à se plier aux exigences de Washington d’abandonner ses programmes nucléaires et de missiles. À l’arrière-plan, comme Tillerson l’a déclaré la semaine dernière, toutes les options, y compris l’action militaire contre Pyongyang, sont à l’étude.

Le secrétaire de presse de la Maison Blanche, Sean Spicer, a déclaré lundi aux médias que l’administration continue « à exhorter la Chine à intervenir et à jouer un rôle plus important dans la dissuasion des menaces posées par les missiles balistiques et autres de la Corée du Nord […] Le président et le secrétaire d’État espèrent que la Chine a employé [sic] de multiples points de pression sur la Corée du Nord. »

Les commentaires de Spicer sont intervenus au moment où un haut fonctionnaire américain a dit à Reuters que l’administration Trump envisageait, dans le cadre de son examen de la stratégie américaine envers Pyongyang, des sanctions radicales visant à couper la Corée du Nord du système financier mondial. Les sanctions iraient de pair avec un renforcement militaire par les États-Unis et leurs alliés, le Japon et la Corée du Sud.

Le responsable anonyme de l’administration a déclaré que Tillerson avait averti en privé les dirigeants chinois que les États-Unis préparaient des « sanctions secondaires » plus larges qui cibleraient les banques et autres entreprises qui ménent des affaires avec la Corée du Nord, dont la plupart sont des Chinoises. Washington a accusé à maintes reprises la Chine de ne pas faire assez pour appliquer les sanctions de l’ONU en utilisant son poids de premier partenaire commercial de la Corée du Nord.

Une autre source du gouvernement américain a déclaré à Reuters que l’administration Trump pourrait également opter pour intensifier des cyber-attaques et autres actions secrètes visant à saper le gouvernement de la Corée du Nord. Le New York Times a déjà rapporté que l’administration Obama a monté des cyber-attaques contre les systèmes de missiles nord – coréens. Le premier responsable a déclaré qu’aucune des options n’était à prendre en « isolement », ajoutant : « Ce sera une sorte “de l’ensemble déjà cité”, probablement sans l’action militaire. »

Au cours de son voyage en Asie, Tillerson a déclaré à un journaliste de Indépendant Journal Review que l’administration adoptera une « approche par étapes » pour donner le temps au gouvernement nord-coréen de « prendre des décisions et d’ajuster […] Ce n’est pas notre objectif de les forcer à prendre une action impétueuse. » Personne ne devrait croire en de telles assurances. Les sanctions économiques, les cyber-attaques et les intrigues de changement de régime, pour ne pas citer les menaces répétées d’attaque militaire, sont toutes des actions provocatrices qui augmentent délibérément les tensions et les risques de représailles.

L’imprudence de l’administration de Trump est soulignée par la suggestion de Tillerson au Independant Journal Review que les États-Unis pourraient encourager le Japon à développer ses propres armes nucléaires, un geste qui conduirait à une dangereuse course aux armements nucléaires en Asie. À la question de savoir si cette option était à l’étude, Tillerson a répété que « toutes les options sont sur la table », ajoutant : « Nous pensons qu’il est important que tout le monde dans la région comprenne clairement que les circonstances pourraient évoluer au point que, pour des raisons de dissuasion mutuelle, nous pourrions être obligés de le considérer. »

Selon les sources de Reuters, l’administration Trump est aux dernières étapes de l’élaboration de sa stratégie nord-coréenne. « Les recommandations de politique générale qui sont réunies par le conseiller de Sécurité nationale du président Donald Trump, H.R. McMaster, devraient arriver au bureau du président dans quelques semaines, peut-être avant un sommet avec le président chinois Xi Jinping début avril […] La Corée du Nord devrait être la question principale à l’ordre du jour de cette réunion, » a rapporté Reuters.

Un tambour battant à crescendo contre la Corée du Nord dans les médias américains et internationaux ouvre la voie à une action imprudente et provocatrice américaine. La spéculation va bon train que Trump, qui a déclaré précédemment que « l’imprévisibilité » serait une devise de sa politique étrangère, pourrait autoriser une forme d’action militaire.

S’adressant à Fox News dimanche dernier, le président de la Commission du renseignement de la Chambre des représentants, Devin Nunes, a mis son poids dans la balance pour des frappes militaires contre la Corée du Nord. « Plus le régime nord-coréen arrive à être en mesure de lancer une arme nucléaire […] nous devrons être en mesure de mener un certain type de frappe préventive », a-t-il dit. « Au bout du compte, il faudra peut-être faire quelque chose parce que nous ne pouvons pas permettre l’explosion d’une arme nucléaire à Séoul, à Tokyo ou aux États-Unis d’ailleurs. »

Le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique, Yukiya Amano, a jeté de l’huile sur le feu de la confrontation. Prétendant s’appuyer sur une imagerie par satellite, il a affirmé que la Corée du Nord avait doublé la taille de son installation d’enrichissement d’uranium. Dans une interview au Wall Street Journal, il a minimisé la possibilité d’un accord négocié semblable à celui conclu avec l’Iran. « Il s’agit d’une question hautement politique », a-t-il dit. « Un accord politique est essentiel. Nous ne pouvons pas être optimistes. La situation est très mauvaise. »

La préoccupation croissante dans les capitales du monde sur le risque d’une guerre en Asie orientale provoquée par une attaque des États-Unis contre la Corée du Nord a été exprimée dans un commentaire du Financial Times lundi par le chroniqueur Gideon Rachman, intitulé « Bombarder la Corée du Nord n’est pas une option. » Il a déclaré : « L’idée de bombarder le programme nucléaire nord-coréen est une folie dangereuse. Depuis 20 ans, les États-Unis ont à plusieurs reprises envisagé l’idée et l’ont écarté à maintes reprises – pour de bonnes raisons. »

Rachman a souligné le danger très réel d’une guerre qui coûterait des millions de vies humaines dans la péninsule coréenne et au Japon, où les États-Unis ont de grandes bases militaires. « Elle pourrait également impliquer la Chine, qui est à la fois un voisin et un allié officiel de la Corée du Nord », a-t-il averti. « Il est intéressant de se rappeler que la dernière fois que les troupes américaines et chinoises se sont battues, ce fut sur la péninsule coréenne dans les années 1950. »

La réaction belliqueuse du régime nord-coréen face aux menaces américaines est réactionnaire et fait directement le jeu de l’administration Trump. Pyongyang a publié une vidéo cette semaine montrant un porte-avions américain consommé par des boules de feu générées par ordinateur, avec un commentaire déclarant que les missiles nord-coréens seraient « lancés à la gorge du porte-avions. »

Un porte-parole du ministère nord-coréen des Affaires étrangères a publié lundi un communiqué selon lequel il continuerait à développer ses armes nucléaires, les qualifiant de « dissuasion de guerre la plus fiable pour défendre la patrie socialiste et la vie de son peuple » : Ces remarques sont fausses à tout point de vue : le régime stalinien oppressif, englué dans le chauvinisme coréen, n’a rien à voir avec le socialisme et sa rhétorique sanglante divise les ouvriers nord-coréens de ceux de la Corée du Sud, du Japon et de tous les pays.

Les armes nucléaires de Pyongyang, loin de protéger le peuple nord-coréen, ne font qu’augmenter le risque de guerre. Le mois dernier, le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, a prévenu que toute utilisation des armes nucléaires par la Corée du Nord se traduirait par une réponse « efficace et écrasante ». Un seul bombardier stratégique américain suffirait pour lancer assez d’armes nucléaires pour anéantir la plupart des capacités militaires et industrielles de la Corée du Nord.

L’Associated Press a cité hier les responsables militaires américains en train de dire que l’intensification de la surveillance américaine de la Corée du Nord avait révélé des signes qu’elle s’apprêtait à tester un autre missile dans les prochains jours. Un tel geste intensifierait la clameur à Washington pour une action contre Pyongyang. À l’heure de la mise en ligne de cet article, les médias rapportent des allégations sommaires des États-Unis et la Corée du Sud d’un lancement échoué de missiles nord-coréen ce matin. Si c’est vrai, cela ne fera que renforcer cette tendances.

(Article paru en anglais le 22 mars 2017)

 

 

 

 

 

 

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