Blairistes et libéraux-démocrates organisent une manifestation pro-UE à Londres

Des dizaines de milliers de personnes ont défilé à Londres samedi lors d’une manifestation libellée Unite for Europe (S’unir pour l’Europe). Celle-ci était organisée par des représentants de l’élite dirigeante qui soutiennent le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne (UE) avec un accès continu au marché unique.

Une partie de la manifestation Unite for Europe

Un rassemblement anti-Brexit, qui a attiré environ 1500 personnes, appelé par le Mouvement européen de jeunes pro-UE, a eu lieu au centre-ville d’Édimbourg. Des personnalités pro-UE ont pris la parole, y compris des députés parlementaires du Scottish National Party (SNP) Tommy Sheppard et Joanna Cherry, Alex Cole-Hamilton, un député libéral-démocrate du Parlement écossais et Ross Greer un député des Verts écossais.

La manifestation de Londres a eu lieu seulement cinq jours avant que le Premier ministre conservateur Theresa May déclenche la législation de l’article 50, qui commence le processus de la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

Tim Farron s’exprimant lors de la manifestation d’Unite for Europe

Le défilé se déroulait à Park Lane, avant de passer par Trafalgar Square et de se terminer à Parliament Square. Ceux qui étaient présents étaient principalement des couches de la classe moyenne. Un grand cortège portait des drapeaux bleus et jaunes de l’UE, avec de nombreuses personnes portant des banderoles improvisées, ornées d’un large sélection de déclarations pro-UE.

Parmi ceux qui ont pris la parole se trouvaient, le chef des démocrates libéraux Tim Farron et son prédécesseur Nick Clegg ; Alastair Campbell, le propagandiste en chef de l’ancien Premier ministre travailliste Tony Blair ; David Lammy, le député travailliste de la circonscription électorale de Tottenham à Londres ; plusieurs membres travaillistes du Parlement européen ; et Jonathan Bartley, le codirigeant du parti des Verts.

La date de la manifestation a été choisie pour coïncider avec la commémoration par les dirigeants de l’UE à Rome du 60 anniversaire du Traité de Rome de 1957 qui a lancé les tentatives pour réaliser l’intégration de l’Europe capitaliste. Les dirigeants des 27 autres États membres se sont rassemblés dans la capitale italienne, sans aucun représentant du Royaume-Uni.

Alastair Campbell prenant la parole au rassemblement

Alors que bon nombre des participants, y compris un nombre considérable de jeunes, y ont pris part en raison de leurs préoccupations réelles concernant l’impact économique et politique du Brexit, dont le danger de la montée du nationalisme et de la xénophobie, la plate-forme n’a pas eu d’option progressiste à proposer. En effet, le fait que l’événement a été supervisé par Alastair Campbell ne fait que révéler de manière dévastatrice son caractère de droite, pro-capitalistes. Le maître de Campbell, Blair, a récemment lancé son Institut for Global Change (Institut pour le Changement mondial) après avoir appelé le mouvement pro-UE à « se soulever et combattre le Brexit à tout prix. » Il serait en train d’investir 8 millions de livres de sa grande fortune acquise de manière douteuse dans la campagne.

À toutes fins pratiques, cela aurait pu être Blair qui s’adressait au public. Campbell a joué un rôle essentiel dans la fabrication des mensonges que Blair a utilisé pour lancer son invasion illégale de l’Irak en 2003 et est lui-même un criminel de guerre qui a su faire en sorte de ne pas être mise en examen. Pour l’essentiel, son discours devant le rassemblement était un amalgame de toutes les déclarations récentes de Blair sur le Brexit.

Les manifestants portant des drapeaux britannique et de l’UE

Le camp Remain (Rester dans l’UE) de l’élite dirigeante – tout autant que la faction en faveur du Brexit – affiche un programme nationaliste. Par conséquent, les organisateurs ont fait en sorte que la toile de fond du podium des orateurs soit un drapeau massif de l’UE, avec un drapeau de la Grande-Bretagne bien en évidence qui recouvrait le pupitre du microphone. Se référant au drapeau britannique, Campbell l’a tenu devant le public et a dit, « C’est fantastique de voir tous ces drapeaux européens, mais le drapeau dont je me soucie vraiment est celui-ci, et c’est la direction que la Grand-Bretagne emprunte, et c’est cette direction que nous devons changer, alors c’est de cela dont il est question en cette journée. »

Il a poursuivi : « Ne laissez personne vous dire que ce que nous faisons n’est pas patriotique. Il n’y a rien de plus patriotique que de penser que votre pays prend un mauvais tournant et que vous êtes déterminé à faire quelque chose pour l’arrêter. »

Campbell a dit du Brexit, « quand vous voyez une voiture se diriger vers une falaise, vous ne la laissez pas continuer sur son chemin. […] Je sais que je suis minoritaire en pensant que le Brexit peut être arrêté, mais je ne suis pas en minorité en pensant que ce devrait l’être. »

L’aile droite du Parti travailliste avait monté un putsch infructueux contre le chef du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, après le vote de Brexit en juin dernier, au motif qu’il n’était pas suffisamment pro-européen et qu’il facilitait le Brexit. Dans son discours, Campbell a averti, « Nous devons peser sur Jeremy Corbyn pour qu’il change son avis [permettant le déclenchement du Brexit]. »

Cela faisait écho à la dénonciation par Blair de Corbyn plus tôt ce mois-ci, dont le leadership avait signifié que « le Parti travailliste est le facilitateur de Brexit. »

Une partie de la manifestation Unite for Europe

Les médias de droite ont soutenu la campagne de Brexit, notamment le quotidien The Sun, détenu par l’oligarque milliardaire Rupert Murdoch. Campbell a déclaré : « Les médias dans ce pays sont un cartel de droite de fraudeurs du fisc et exilés fiscaux qui prétendent parler pour leurs lecteurs quand ils parlent pour eux-mêmes et leurs propres intérêts. »

Il faut posséder un degré de sans-gêne sidérant pour faire une déclaration pareille. Campbell a passé la majeure partie de sa vie à défendre ces mêmes forces de droite. À l’exception de Blair lui-même, il est celui que l’on associe le plus à la cour faite par les politiciens à Murdoch pour qu’il soutienne son programme et celui de Blair du New Labour (Nouveau parti travailliste) durant la préparation de leur victoire électorale en 1997.

La semaine dernière, il a été annoncé que Campbell deviendrait rédacteur en chef du New European, un journal pro-Remain fondé à la suite du référendum du Brexit et qui est devenu une tribune de Blair. Le New European a distribué 1800 pancartes lors de la manifestation.

Lammy, le député travailliste, a poursuivi sur ce thème en disant : « Dans les démocraties, les gens sont toujours autorisés à changer d’avis. Au cours des prochains mois et années, nous nous battrons. Nigel Farage [ancien leader du Parti de l’indépendance du Royaume-Uni et l’un des meneurs de la campagne pour sortir] ne renoncerait pas. Le Parti travailliste doit redécouvrir son mojo [charisme], et rapidement. »

Farron, dont les libéraux-démocrates sont engagés à organiser un second referendum sur le Brexit, a déclaré que le mouvement Remain doit « gagner un soutien pour un referendum sur l’accord [que le gouvernement de May mettra au point avec l’UE], pour changer la direction du débat et changer la direction de notre pays. »

Parce que le critère central par lequel ils évaluent le Brexit est le degré auquel il endommage les intérêts du capitalisme britannique, les orateurs ont été incapables de prononcer un seul mot de vérité sur l’UE. Plutôt qu’un bastion des valeurs de « libre circulation » et « progressistes », promu par la plate-forme, les dirigeants de ce bloc ont passé la dernière décennie à appauvrir des millions de gens par des mesures brutales d’austérité et à imposer une « Europe forteresse » composée de fils barbelés et des murs de béton pour exclure les réfugiés désespérés, qui sont forcés de fuir les conséquences des guerres impérialistes menées par les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Europe.

La manifestation a été suivie dimanche par un préavis dans l’Observer pro-UE de ce qu’il décrit comme un « grand discours de politique » que le porte – parole du Parti travailliste sur le Brexit, Keir Starmer, doit faire lundi. L’Observer prétend que Starmer « établira six tests pour la Première ministre May et les dirigeants de l’UE à respecter, y compris une exigence selon laquelle toute entente offrirait les « mêmes avantages » que ceux dont le Royaume-Uni bénéficie en faisant partie du marché unique et de l’union douanière actuellement. »

(Article paru en anglais le 27 mars 2017)

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