Perspectives

Le retour du conflit germano-américain

La première rencontre entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président américain Donald Trump à Washington le week-end dernier a mis en évidence la détérioration rapide des relations transatlantiques.

Le refus de Trump de serrer la main de Merkel lors de la séance photo dans le bureau ovale a suscité l’attention au niveau international. Une fois que les chefs d’État de deux pays étroitement liés durant la période d’après-guerre se sont présentés devant la presse, suite à un entretien en tête à tête d’une quinzaine de minutes, et que les photographes les ont priés de se serrer la main pour une photo, Trump n’a pas réagi. Merkel se tourna vers lui en répétant la demande des photographes, mais le président américain l’ignora en tournant un regard énervé dans une autre direction.

La conférence de presse qui suivit fut glaciale et tendue. En répondant à la question d’une journaliste allemande de savoir s’il « n’y avait pas aussi un danger pour l’Amérique si « l’Amérique d’abord » affaiblissait l’Union européenne ? » Trump a répondu : « Je […] crois qu’une politique commerciale devrait être une politique équitable et que les États-Unis ont été traités très, très injustement par de nombreux pays au fil des années, mais cela va s’arrêter. »

Avant son entrée en fonction, Trump avait à plusieurs reprises menacé l’Allemagne de prendre des mesures de guerre commerciale. Sans entrer dans les détails, Trump souleva de nouveau la question lors de la conférence de presse en déclarant : « Les négociateurs allemands ont longtemps fait un bien meilleur travail que les négociateurs américains. Mais nous espérons compenser cela. »

Il a ensuite ajouté d’un air menaçant : « C’est probablement la raison pour laquelle je suis là, peut-être la principale – ça et l’armée – renforcer notre armée, ce que nous ferons, et nous seront plus forts que jamais – Et nous espérons ne jamais avoir à l’utiliser. Mais nous serons plus forts, et peut-être bien plus forts que jamais auparavant. »

Pendant que Merkel, qui d’après les comptes rendus de la presse cherchait à désamorcer le conflit avec Trump, effectuait son vol de retour à Berlin, Trump était allé encore plus loin. Dans un de ses tweets notoires, il a écrit : « L’Allemagne doit d’énormes sommes d’argent à l’OTAN et les États-Unis doivent être payés plus pour la défense très puissante et très coûteuse qu’ils fournissent à l’Allemagne ! »

La ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, s’est empressée de riposter : « il n’y a pas de compte débiteur auprès de l’OTAN. »

La conférence du G20 à Baden Baden, en Allemagne, et qui avait pris fin le jour du voyage de Merkel à Washington, s’était également terminée avec une provocation. Le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin avait empêché l’inclusion dans la déclaration finale de la formule traditionnelle en faveur du libre-échange et en opposition au protectionnisme. Le contenu des communiqués passés n’était « pas forcément pertinent de mon point de vue », avait dit Mnuchin en guise de justification.

La classe dirigeante allemande a réagi à l’escalade du conflit avec un mélange de préoccupation et d’agression. Lundi, le quotidien Handelsblatt a publié un commentaire intitulé « Une confrontation transatlantique » disant : « Quiconque avait espéré que la visite d’Angela Merkel au président américain Donald Trump poserait les bases d’une normalisation des relations transatlantiques devrait se rendre compte de son erreur. Le président américain reste fermement sur ses positions en intensifiant même le conflit avec ses partenaires internationaux. Le tweet attaquant la chancelière est un affront et l’incident lors de la réunion du G20 une rupture historique avec le passé. »

Même des représentants de l’élite dirigeante allemande qui avaient été pro-américains avec véhémence dans le passé en soutenant les guerres menées par les États-Unis, ne considèrent plus comme évident le partenariat de l’Allemagne avec les États-Unis. « Finie la plaisanterie. Le patron généreux n’existe plus, quelqu’un gouverne maintenant qui ne connaît pas d’alliés, mais seulement de présumés débiteurs qui tirent profit de l’Amérique. Oui, une nouvelle ère a commencé à la Maison Blanche », écrivait Klaus-Dieter Frankenberger dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung.

Un commentaire paru dans le Rheinische Post a résumé de façon percutante la réaction de l’impérialisme allemand à la défense agressive par Trump des intérêts américains. Il serait maintenant nécessaire, « de trouver des paroles encore plus explicites contre le nouveau protectionnisme américain et de mobiliser la majorité les États restants contre Trump ». L’Allemagne et l’Union européenne doivent « s’imposer et mettre en avant leurs propres objectifs différents » face à Trump, « au lieu de se laisser intimider par Washington ». Les perspectives à cet égard sont bonnes, a écrit le journal, parce qu’au sommet du G20 il était apparu clairement « qu’en matière de politique commerciale, l’Allemagne n’a pas seulement le reste de l’UE, mais la quasi-totalité du reste du monde, notamment la Chine, le Brésil et le Japon, de son côté. »

Personne ne devrait sous-estimer l’importance historique et politique de ces développements. Vingt-cinq ans après la dissolution de l’Union soviétique, les conflits entre les puissances impérialistes, qui par deux fois au 20 siècle ont mené à de terribles guerres mondiales, dégénèrent une fois de plus en une guerre commerciale et en des préparatifs pour un conflit militaire.

La classe ouvrière internationale doit opposer sa propre stratégie aux projets des élites dirigeantes de part et d’autre de l’Atlantique. C’est l’objectif pour lequel luttent conjointement le Socialist Equality Party (SEP) aux États-Unis et le Sozialistische Gleichheitspartei (SGP) en Allemagne, avec toutes les autres sections du Comité international de la Quatrième Internationale.

(Article original paru le 22 mars 2017)

 

 

 

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