Le vote de la loi antiterroriste prépare un régime autoritaire en France

La loi antiterroriste votée par le parlement entérine la pérennisation de l'état d'urgence dans le droit commun français. C'est une attaque fondamentale contre l'Etat de droit et contre les droits du citoyen énoncés dans la constitution française. A présent, ces droits seront exercés selon le bon vouloir de la police, qui fonctionnera en dehors de toute contrainte judiciaire réelle.

Ce mardi, le parlement a largement voté en faveur du projet de loi antiterroriste destiné à prendre le relais de l’état d’urgence à partir du 1er novembre. La majorité présidentielle et le groupe Modem ont votés la loi à la quasi-unanimité, tout comme les Constructifs (ex-LR), au sein desquels seul Meyer Habib s’est opposé. Si les députés Insoumis et communistes ont voté contre sans que cela n'ait de conséquence, les élus Nouvelle gauche – des députés du PS qui avaient mis en place l'état d'urgence sous Hollande et des écologistes – se sont partagés entre 24 votes pour et 5 abstentions.

La loi antiterroriste voté par le parlement parachève la mise en place d'un régime autoritaire en France, donnant de vastes pouvoirs de manière permanente à la police et l'armée. Contrairement à l'annonce du gouvernement que cette loi protègera les citoyens contre les terroristes, cette loi antiterroriste sera dirigé contre les travailleurs, et notamment les musulmans et les immigrés.

Pour la mettre en oeuvre, le budget du ministère de l’Intérieur verra son portefeuille gonflé de 7 pour cent en 2018. Les principales mesures de la loi prévoyent le contrôle et l'enregistrement des identités dans n'importe quelle événement susceptible d’être exposé à un risque terroriste ; les préfets pourront mettre en œuvre des périmètres de protection avec des mesures d’inspection et de filtrage pour les gens souhaitant y pénétrer, faites au besoin avec le concours d’agents de sécurité privée ou de policiers municipaux.

Ceci fut mis en pratique pendant les manifestations contre la loi travail de 2016. Le gouvernement avait assigné des personnes à résidence et fait des perquisitions de masse arbitrairement pour intimider les jeunes et les travailleurs hostiles à la loi. Plusieurs militants ont été interdit de manifestation, et lorsque des sections plus large de travailleurs se sont mis en lutte contre la loi travail, le PS a fini par limiter les manifestations sur Paris qu'a un endroit.

Les personnes jugées hostiles pourront être assignées dans un périmètre qui s’étendra au territoire de la commune. La personne visée devra se présenter à la police chaque jour. Les personnes ciblées devront « fournir tous leurs numéros de téléphone et identifiants de communication électronique ». Le préfet pourra faire procéder, sur autorisation du juge des libertés et de la détention du TGI de Paris, à des perquisitions pouvant s’accompagner de saisies de documents ou de données.

Ce projet de loi prolonge jusqu’en 2020 les écoutes de masse de la population pour détecter des connexions susceptibles de révéler une soi-disant menace terroriste par le recours à des algorithmes sur les réseaux de communication.

Le code Schengen permet des contrôles d’identité, pendant une durée de six heures, dans une zone de vingt kilomètres le long des frontières intérieures, ainsi que dans les ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international. Le texte élargit la durée de ces contrôles à douze heures et leur périmètre « aux abords » des gares et autre lieux de transport, mettant les deux-tiers du territoire français sous haute surveillance.

La presse insiste sur tous les tons que cette loi est plébiscitée par les Français. Selon un sondage Elabe « L'Opinion en direct » réalisé au lendemain de l'adoption de la loi antiterroriste en première lecture par les députés, au moins huit personnes interrogées sur dix se disent favorables à chacune de ces mesures, voire même "très favorables" pour 50 pour cent des sondés.

En fait, il existe une large opposition à la politique de Macron, et notamment ses ordonnances qui visent à détruire la législation du travail. Macron, qui mène une politique plus agressive que son prédécesseur Hollande, est devenu en quelques mois le président le plus impopulaire, à la même période de gouvernance, de la Ve République.

L'état d'urgence permanent en France fait partie d'un effondrement généralisé des acquis sociaux et des droits démocratiques à travers l'Europe dans l'époque post-soviétique. Surtout depuis le krach de Wall Street et la crise économique mondiale de 2008, les élites dirigeantes en Europe et en Amérique ont toutes cherché à renforcer les armées et la police tout en imposant une austérité dévastatrice aux travailleurs. De partout dans le monde, les inégalités et les tensions sociales atteignent des niveaux incompatibles avec un régime démocratique.

L'élite dirigeante est terrifiée par les sentiments révolutionnaires des masses. Selon le sondage «Generation What» en 2017, plus de la moitié des jeunes européens de moins de 34 ans – plus de 60 pour cent en France, en Espagne, en Italie, en France et en Grande-Bretagne – rejoindraient un «soulèvement de masse» contre l'ordre existant.

Face à la colère sociale, l'élite dirigeante se tourne vers la guerre et un régime d'Etat policier. La brutalité de la police espagnole ce week-end en Catalogne est un avertissement sur ce qui signifierait l'émergence d'un Etat policier dans les pays Europe.

Madrid a réprimé brutalement les personnes voulant voter au référendum sur l'indépendance de la Catalogne, jugé illégal par le pouvoir central. Celui-ci a envoyé des dizaines de milliers de policiers et de gardes civils qui sont toujours en Catalogne pour terroriser la population. De ce déchaînement de la violence policière, on compte 900 blessés, des arrestations de militants indépendantistes et de fonctionnaires catalans et un contexte de guerre civil qui risque d'exploser.

L'imposition d'un état d'urgence permanent en France est fondée sur une série de mensonges politiques racontés à la population. L'élite dirigeante a fait croire que l'état d'urgence n'était utilisé que pour se protéger de la menace terroriste islamiste, à la suite des attentats de novembre 2015.

En fait, les actes terroristes en France et en Europe proviennent des guerres criminelles menées par les puissances de l'OTAN contre principalement les régimes libyen et syrien. Les dirigeants des deux principaux attentats à Paris en 2015—les frères Kouachi contre Charlie Hebdo, et Abdelhamid Abaaoud le 13 novembre—étaient tous liés aux réseaux islamistes et connus du renseignement français. Mais, comme des centaines d'autres islamistes qui servent de truchements à la politique de guerre menée par l'impérialisme français, les services les protégeaient.

Les agences du renseignement européenne ont laissé se développer des réseaux islamistes, à qui elles permettaient de se déplacer de partout entre l'Europe, pour partir combattre en Libye et contre le régime syrien de Bachar Al Assad avec le soutien de l'Otan. Ce sont ces mêmes forces qui ont commis des attentats en Europe qui servaient de prétexte à la mise en place de mesures détruisant les droits démocratiques.

La répression des CRS contre les manifestants opposés à la loi travail ne sont qu'un aperçu de la violence de l'état contre la classe ouvrière que prépare ce projet de loi antiterroriste.

Le passage de cette loi est un avertissement que d'un point de vue juridique, la transformation de la France en Etat policier est achevée. Un attachement profond aux droits démocratiques demeure parmi des masses de travailleurs en France, mais il ne sera possible de la défendre qu'en une lutte politiquement indépendante des travailleurs contre l'austérité et le capitalisme et pour le socialisme à travers l'Europe.

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