Le chef de l'armée américaine exhorte à une «préparation au combat» accrue pour une guerre contre la Corée du Nord

Le chef d'état-major de l'armée américaine, le général Mark Milley, a souligné l'urgence des préparatifs américains pour une guerre contre la Corée du Nord dans un discours mardi à un rassemblement de hauts officiers militaires.

«Être prêt au combat c’est notre priorité absolue», a déclaré Milley en s'adressant à la conférence annuelle de l'Association de l'armée américaine. «N'attendez pas les ordres et l’impression de nouveaux règlements et manuels. N'attendez pas les changements de structure des forces. Vous et vous seul êtes responsables de la capacité de votre unité à intervenir. En termes simples, je vous veux prêts pour ce qui pourrait arriver.»

«Pourquoi devons-nous être prêts?» A-t-il demandé de façon rhétorique. «Eh bien, vous n'avez pas besoin d'avoir accès à des renseignements secrets. Tout ce que vous avez à faire est de prendre un journal ou de regarder les nouvelles... C'est sur la péninsule coréenne où, à mon avis, nous trouvons la menace la plus dangereuse à court terme pour les États-Unis.»

S'exprimant plus tôt aux médias, le général a averti: «Une guerre totale sur la péninsule coréenne sera inévitablement horrible. Personne ne doute de cela.» Cependant, ne laissant aucun doute sur le fait qu'une telle guerre est exactement ce qui est en train d'être préparé, Milley a déclaré que «le temps presse... Cette situation ne peut pas durer indéfiniment. Et des décisions seront prises, il n'y a pas de doute.»

Le discours de Milley a souligné que le secrétaire à la Défense, James Mattis, a déclaré au même rassemblement militaire lundi que les forces armées devaient «veiller à ce que nous ayons des options militaires auxquelles notre président peut recourir». Au cours des deux dernières semaines, le président Trump a publié une série de tweets belligérants signalant que la guerre contre la Corée du Nord est imminente.

Ces préparatifs au conflit s'accompagnent d'un déluge de propagande dans les médias américains et internationaux, gonflant grossièrement la menace supposée de la Corée du Nord et de son arsenal nucléaire limité. En réalité, ce que les États-Unis et leurs alliés envisagent est une guerre d'agression illégale contre la Corée du Nord à une échelle qui éclipserait les interventions militaires en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie.

En septembre dernier, le caractère des plans de guerre américains a encore été mis en évidence par les nouvelles que des pirates informatiques de la Corée du Nord avaient réussi à accéder à un serveur militaire sud-coréen sécurisé et copié quelque 235 gigaoctets de documents militaires, dont OPLAN 5015. Alors que les médias se sont concentrés sur l’expertise du piratage nord-coréen, ils ont ignoré le fait qu'OPLAN 5015 est un plan détaillé pour une guerre d'agression visant à détruire le régime de Pyongyang.

L'OPLAN 5015, adopté par la Corée du Sud et les États-Unis en novembre 2015 sous l'administration Obama, passe d'une position militaire nominalement défensive à une position explicitement basée sur des attaques préventives. L'OPLAN 5015 inclut des frappes préventives sur les sites nucléaires et de missiles de la Corée du Nord et des «raids de décapitation» par les unités des forces spéciales pour assassiner les plus hauts responsables du régime de Pyongyang, y compris son dirigeant, Kim Jong-Un.

Washington n'est pas seulement pleinement impliqué dans ces plans, mais les dirigerait. En cas de guerre avec la Corée du Nord, les États-Unis, qui maintiennent 28.500 soldats en Corée du Sud, assumeraient automatiquement le plein contrôle opérationnel des forces militaires sud-coréennes, y compris près d'un demi-million de soldats appuyés par des forces navales et militaires lourdement armées.

Ainsi, les énormes exercices de guerre annuels de la Corée du Sud et des États-Unis au cours des deux dernières années dans le cadre de l'OPLAN 5015 ne sont rien de moins que des répétitions pour une attaque à grande échelle dirigée par les États-Unis contre la Corée du Nord: un plan que l'Administration Trump est sur le point de déclencher.

Toute guerre avec la Corée du Nord menace d’y entraîner d'autres puissances nucléaires, y compris la Chine et la Russie, qui ont appelé à plusieurs reprises à un apaisement des tensions. Les deux pays ont proposé un retour aux négociations sur la fin des exercices conjoints américano-sud-coréens en échange d'un gel nord-coréen des essais nucléaires et de missiles. Washington a carrément rejeté le prétendu plan de gel des deux côtés, et Trump a exclu toute négociation avec Pyongyang.

Un nouveau rapport publié mardi par la Rand Corporation, un groupe de réflexion étroitement lié à l'establishment militaire américain et aux services de renseignements, a sondé le danger qu’une guerre entre les États-Unis et la Corée du Nord puisse se transformer en une guerre avec la Chine. Intitulé «Conflit avec la Chine revisité», il a révisé les estimations contenues dans un rapport de 2011 et a suggéré avec prudence qu'une guerre des États-Unis avec la Chine était plus probable qu'il y a six ans.

La Rand Corporation a identifié la Corée comme «le centre le plus probable de conflit en Asie». Attribuant la faute aux essais nucléaires et de missiles de la Corée du Nord, elle a mis en garde contre le potentiel accru «d'une spirale d'escalade involontaire dans la péninsule ou même d'une frappe américaine préventive sur les ressources nucléaires de la Corée du Nord».

«Dans le cas d'un tel conflit, poursuit le rapport, les forces américaines et sud-coréennes avanceraient probablement au nord au moins assez loin pour faire reculer l'armée nord-coréenne pour ne plus que Séoul soit à la portée de son artillerie. Plus les forces américaines ou sud-coréennes avanceraient au-delà de ce point, plus une intervention chinoise serait probable».

Le rapport a souligné que lorsque l'armée sud-coréenne pousserait plus loin en Corée du Nord, «un soutien américain substantiel» serait nécessaire. «Les forces d'opérations spéciales et les unités spécialisées dans les explosifs chimiques, biologiques, radiologiques, nucléaires et à grande puissance seraient insuffisantes pour faire face à la situation.»

«La probabilité d'affrontements, accidentels ou non, entre les forces américaines et chinoises serait élevée, avec un potentiel important d'escalade», a averti le rapport.

Pourtant, c'est une telle guerre que l'administration Trump est prête à déchaîner. Quand Trump a menacé la Corée du Nord le mois dernier à l'ONU de «destruction totale», c'est exactement ce qu'il voulait dire. Loin de limiter l'action militaire contre la Corée du Nord à un blocus naval ou aux prétendues frappes aériennes chirurgicales, l'impérialisme américain prépare un assaut total, avec des armes conventionnelles ou nucléaires pour détruire la capacité de représailles de la Corée du Nord.

Le rapport de la Rand Corporation indique clairement qu'une guerre dirigée par les États-Unis contre la Corée du Nord pourrait rapidement mener à un conflit avec la Chine. Ce qui est dit publiquement par la Rand Corporation est sans aucun doute discuté au Pentagone de manière beaucoup plus concrète: comment les États-Unis mèneraient-ils une guerre contre la Chine.

En décembre 2015, juste après la mise au point de l'OPLAN 5015, le chef d'état-major interarmées des États-Unis, le général Joseph Dunford, a déclaré qu'une nouvelle guerre de Corée ne serait pas comme la dernière. Dans ses commentaires cités par la Brookings Institution, le principal général du Pentagone a averti que tout conflit avec la Corée du Nord ne se limiterait pas à la péninsule coréenne et serait inévitablement «transrégional, multidomaine et multifonctionnel».

Traduit du jargon militaire, les remarques de Dunford signifiaient que le Pentagone devait se préparer à mener un conflit «transrégional» – c'est-à-dire une guerre mondiale – dans tous les domaines (terre, mer, air, espace et cyberespace), avec toutes les armes disponibles, y compris l'arme nucléaire. Moins de deux ans plus tard, l'administration Trump plonge dangereusement le monde vers une telle catastrophe.

(Article paru d’abord en anglais le 11 octobre 2017)

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