L’enquête sur Grenfell et l’argument pour le socialisme

L’ouverture officielle de l’enquête sur l’incendie de la tour Grenfell organisée par le gouvernement, est un affront aux victimes et aux survivants du terrible enfer qui a balayé la tour de 24 étages à l’ouest de Londres le 14 juin, tuant au moins 80 personnes.

Dans sa déclaration de 45 minutes, le président de l’enquête, Sir Martin Moore-Bick, a parlé de se souvenir de ceux qui avaient souffert avec « humilité et compassion », « consternation » et « tristesse ».

Le cynisme de ses remarques a été révélé par son refus de prendre des questions de ceux qui étaient présents. Jusqu’à 200 places étaient disponibles pour ceux qui voulaient y assister selon le principe du premier arrivé premier servi. Moore-Bick s’est levé immédiatement après avoir fini de parler, a tourné le dos à l’auditoire et a quitté la pièce aux cris de « foutaises ».

Son attitude méprisante n’est pas simplement celle d’un individu. Il incarne la même arrogance de classe et l’indifférence des pouvoirs actuels envers les travailleurs qui ont garanti que la tour de Grenfell devienne un piège mortel pour tant de ses habitants.

Exactement trois mois après l’incendie, aucune personne n’a été arrêtée, et encore moins mise en examen. Le nombre officiel de décès n’a pas non plus été publié. Un nombre inconnu d’entre eux sont toujours à l’hôpital, alors que des centaines de survivants et leurs familles ont été abandonnés dans des logements temporaires. Une vingtaine de personnes ont estimé avoir essayé de se suicider en raison du traumatisme qu’elles subissent.

L’affirmation centrale de l’enquête – que personne ne pouvait connaître les dangers – est un mensonge. Les gens sont morts parce que leur vie est considérée comme sans valeur dans un pays où seules les super-riches comptent.

Dans la précipitation pour rendre la tour plus « jolie » pour des résidents voisins super-riches de Chelsea et de Kensington, l’arrondissement le plus riche de Londres, la vie et la sécurité de ses résidents ont été mises en danger sans états d’âmes.

Le feu, qui a commencé en raison d’une panne électrique d’un réfrigérateur dans un appartement du quatrième étage, a pu engloutir rapidement l’ensemble du bâtiment, car il avait été recouvert d’un bardage très inflammable. Selon les experts, le choix d’utiliser le matériau composite à base d’aluminium choisi était l’équivalent de mettre 32 000 litres d’essence sur l’extérieur du bâtiment. Ensuite, il suffisait de l’allumer. Mais il a été sélectionné parce qu’il était 303 000 euros moins chers qu’une autre solution qui n’était pas inflammable.

Sous ce bardage, on a installé une couche d’isolation thermique qui, lorsqu’elle brûle, libère de grandes quantités du cyanure d’hydrogène – les effets dont souffrent encore beaucoup de survivants. Le sort de ceux qui sont décédés a été scellé par l’absence de mesures fondamentales de sécurité d’incendie, y compris l’absence de système d’arrosage, le manque des alarmes centrales d’incendie et le fait que le bâtiment possède une seule cage d’escalier.

Les habitants de Grenfell ont continuellement averti qu’une « perte de vies catastrophique » était en préparation. Ils n’étaient pas seulement ignorés, mais ils étaient menacés de poursuites judiciaires s’ils continuaient à se plaindre.

En ce qui concerne la référence de Moore-Bick au « défi sans précédent » auquel ont fait face les services d’urgence qui sont arrivés cette nuit-là, il a présenté cela comme s’il n’était pas lié aux coupes radicales imposées par le gouvernement central et local au service des incendies. Rien qu’à Londres, 10 postes de pompiers ont été fermés et les emplois de 6000 pompiers ont été éliminés sous le maire de Londres, Boris Johnson – aujourd’hui, ministre des Affaires étrangères – qui a déclaré notoirement que ceux qui s’opposaient à ces coupes peuvent « aller [se] faire voir ! ».

Voilà pour l’affirmation de Moore-Bick que l’enquête « répondra aux questions pressantes de la façon dont une catastrophe de ce genre pouvait se produire au 21 siècle à Londres » et, sur cette base, « fournir une petite dose de réconfort ».

Une telle consolation bien maigre est tout ce qui est proposé. Moore-Bick a déclaré que l’enquête n’a pas le pouvoir de « punir quelqu’un ou d’accorder une indemnité » en déclarant que « l’article 2 de la Loi de 2005 sur les enquêtes (qui régit l’enquête sur Grenfell) m’interdit de statuer sur la responsabilité civile ou criminelle de quelqu’un ».

L’insulte ultime était l’explication de Moore-Bick de la raison pour laquelle il avait rejeté les propositions de nommer un résident local pour servir comme évaluateur de l’enquête. Nommer quelqu’un « qui avait eu une implication directe dans l’incendie risquerait de compromettre mon impartialité aux yeux d’autres personnes qui sont profondément impliquées dans l’enquête » [notre italique].

Quelle impartialité ! L’enquête a été créée par le gouvernement conservateur, dont les politiques d’austérité, de déréglementation et de privatisation ont servi de cadre à la catastrophe de Grenfell. Ce même gouvernement a déterminé la mission de l’enquête et a nommé Moore-Bick comme président. En outre, le personnel de premier plan de l’enquête provient des ministères, comme son secrétaire, Mark Fisher, qui était auparavant responsable de l’élaboration du programme « Workfare » pour le ministère du Travail et des Retraites.

En ce qui concerne les « autres personnes profondément impliquées dans l’enquête », ce sont les mêmes chefs du conseil d’administration de Royal Borough de Kensington et de Chelsea ainsi que l’organisation de gestion des locataires de Kensington et de Chelsea et les sociétés réduisant les coûts qu’ils ont contractés, qui sont toutes directement responsables du grand incendie.

Quand Moore-Bick parle de ne pas favoriser une « classe de témoins », ce qu’il veut vraiment dire, c’est que la participation des témoins de la classe ouvrière ne doit pas interférer avec la dissimulation en cours. Tout comme les plaintes des habitants de Grenfell ont été réduites au silence, les voix des travailleurs continuent d’être exclues.

Pour l’élite dirigeante, cela est essentiel. Non seulement pour que personne parmi eux ne soit tenu responsable de leurs décisions et de leurs actions, mais aussi pour assurer que l’establishment politique dans son ensemble puisse continuer avec les mêmes politiques anti-classe ouvrière qui ont produit ce crime social.

Cela a été souligné par l’entretien du magazine Esquire avec l’éditeur de l’Evening Standard et ancien chancelier de l’Échiquier (ministre des finances), George Osborne. Attaquant ceux qui « se sont précipités à attribuer tout [l’incendie de Grenfell] au conseil de Kensington et Chelsea qui aurait voulu faire des économies », a déclaré Osborne, ce qui impliquait « un échec massif des normes incendie pendant de nombreuses années ».

Il a un intérêt direct à faire de telles assertions. En tant que chancelier du gouvernement conservateur précédent, il a imposé les mesures d’austérité les plus draconiennes entreprises depuis la Seconde Guerre mondiale. Cela était intimement lié avec l’éviscération des règles de sécurité. C’est David Cameron, Premier ministre du même gouvernement, qui s’est vanté qu’il menait une « guerre » visant à « détruire ces foutaises de santé et de sécurité pour de bon » et que les gens devaient reconnaître que « certains accidents sont inévitables ».

Mais ces politiques n’étaient qu’une continuation de la contre-révolution sociale commencée sous Thatcher dans les années 1980 et approfondie par le gouvernement Blair du Parti travailliste. C’était le conseiller de Blair, Peter Mandelson, qui a déclaré que le Parti travailliste était « très détendu au sujet des gens devenant super-riches », car il a facilité le pillage des fonds publics et des ressources par ses partisans dans l’oligarchie financière.

Ce n’est pas seulement un phénomène britannique. Les catastrophes telles que Grenfell sont reproduites dans tous les pays dans le monde entier – plus récemment, et graphiquement, dans l’échec flagrant de la classe dirigeante des États-Unis d’entreprendre même les mesures les plus élémentaires pour assurer que la sécurité publique puisse faire face aux ouragans Harvey et Irma.

Beaucoup de travailleurs et de jeunes n’ont aucune confiance dans l’enquête Grenfell. Ils savent qu’une dissimulation est en cours. Il faut donc tirer des conclusions politiques de ces événements.

Un système social tout entier, le capitalisme, est mis en accusation. La classe dirigeante sociopathe dans sa folie monétaire est incapable d’organiser quoi que ce soit, à l’exception du transfert de richesses aux super-riches, et de la provocation des guerres par sa politique de la corde raide qui menace l’humanité d’une apocalypse nucléaire.

La libération des ressources sociales pour répondre aux besoins des travailleurs exige de briser l’étau de l’aristocratie financière et de ses représentants politiques, et de réorganiser la société sur des fondements socialistes. C’est la perspective du Parti de l’égalité socialiste.

(Article paru d’abord en anglais le 15 septembre 2017)

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