Les syndicats tentent de diviser les luttes pour étouffer l'opposition à Macron

Face à la montée rapide de la colère ouvrière contre les ordonnances de Macron attaquant le Code du Travail, les appareils syndicaux essayent d'essouffler l'opposition à Macron. Ils organisent des grèves par roulement dans divers secteurs, visant à effriter l'énergie des travailleurs et empêcher l'unification des grèves en une lutte révolutionnaire contre l'austérité à travers la France et l'Europe.

La crainte de se faire déborder par les travailleurs domine largement les calculs des appareils syndicaux, dont les actions disposent du soutien tacite du gouvernement. Les différentes fédérations syndicales annoncent en série des mobilisations d'un jour pour diverses dates. Hier, les routiers de la CFDT et CFTC ont organisé des barrages filtrants à Paris et en région tandis que la CGT-Transport et FO appellent à une grève des routiers reconductible qui affectera les dépôts de carburant, le 25 septembre.

Une deuxième journée d'action est prévue le 21 septembre. Les journalistes de France Télévisions ont déposé un préavis de grève pour ce jour-là, qui verra également des grèves dans les transports parisiens. Le 28, neuf organisations syndicales appellent les retraités à manifester sur Paris.

Après avoir refusé de participer à la mobilisation du 12 septembre organisée par les syndicats CGT et Solidaires, qui avait rassmblée environ 400 000 personnes, la CFDT organise le 3 octobre une rassemblement au Paris Event Center. Le 10 octobre, l’intersyndicale de la fonction publique appelle à une journée d’action.

Les syndicats n'ont pas pour l'heure annoncé de mobilisation dans les raffineries. Toutefois, selon la presse la classe politique discute du danger d'un tel mouvement, qui a rapidement mis à sec les stations service à travers la France en 2010 et 2016.

Signe de conflits aigus au sein de l'appareil d'Etat lui-même, un quart des compagnies de CRS, 9 sur 36 au niveau national, seraient en grève contre des mesures fiscales qui les visent.

La bureaucratie locale remonte le mécontentement des travailleurs et, comme c’est le cas notamment de la CFDT métallurgie, font pression sur les centrales à appeler à des mobilisations afin d'éviter d'être totalement discrédités auprès des travailleurs.

« Le choix a été fait de ne pas appeler à une mobilisation nationale », rappelle la fédération métallurgie de la CFDT au chef de la CFDT, Laurent Berger dans un courrier transmis à l’AFP. « C’est ce choix qui a occasionné la colère de nombreux militants qui, appartenant à la première organisation syndicale du privé, s’attendaient à une réaction bien plus forte de la CFDT ... Ce qu’attendent les militants, relayés massivement par l’expression des membres du bureau fédéral, c’est un appel national à manifester de la part de la CFDT ».

Les liens incestueux entre l'Etat qui impose la casse sociale et l'état d'urgence et les chefs des appareils syndicaux, qui font semblant de les combattre afin de canaliser la colère des travailleurs, sont pleinement en évidence. Comme l'a révélé Le Canard enchainé, deux rencontres secrètes ont eu lieu le 28 août entre Macron et Mailly de FO et ensuite Berger, le secrétaire général de la CFDT avec Pénicaud, la ministre du Travail. Selon l'hebdomadaire satirique, le gouvernement voulait être sûr que Mailly et Berger « tenaient leur base ».

Les rencontres se poursuivent constamment, comme lors d'un débat le 14 septembre entre les responsables des organisations patronales et les chefs des confédérations syndicales au Sénat auquel ont participé Pénicaud et le premier ministre, Edouard Philippe. Lors de ce débat, qualifié de « convivial » voire de « débat entre copains » par Le Monde, Philippe a assuré le chef de la CGT Philippe Martinez qu'il comprenait « la légitimité de la critique » faite par la CGT.

Pénicaud s'est dite « très preneuse » des discussions sur la formation des syndicalistes, une des principales avenues par lesquelles les décrets de Macron font parvenir de nouveaux fonds patronaux dans les caisses des centrales syndicales. Asséchées depuis les années 1980 par l'effondrement de bases ouvrières des syndicats et donc des cotisations, les caisses syndicales dépendent déjà à 95 pour cent des subventions étatiques et patronales, selon le rapport Perruchot.

Le gouvernement compte dans ses cabinets ministériels plusieurs personnalités issues de la bureaucratie syndicale. Pénicaud a recruté Stéphane Lardy, l'ex-numéro deux du dirigeant de FO Jean-Claude Mailly, passé l’an dernier à l’inspection générale des affaires sociales, comme conseiller à la formation et à l’apprentissage. Marc Ferracci, professeur d’économie et témoin de mariage d’Emmanuel Macron, sert de liaison avec la CGT. Pierre Ferracci, le père de Marc est le patron du cabinet Secafi, un pourvoyeur de conseils et d’arrangements financiers pour la CGT.

Ces liens soulignent la faillite politique essentielle de la stratégie qui consiste à faire remonter les revendications ouvrières vers les dirigeants des centrales syndicales. Faire pression pour que l'Etat négocie avec les dirigeants syndicaux signifie laisser la décision aux mains de membres d'une même élite dirigeante hostile aux travailleurs. Alors que Macron se prépare à pérenniser l'état d'urgence dans le droit commun et de dépenser des milliards d'euros pour augmenter l'effort de défense, les travailleurs sont face à face à une lutte non pas syndicale, mais politique.

Les travailleurs se verront forcés de créer de nouvelles organisations de lutte, et surtout un nouveau parti révolutionnaire, le Parti de l'égalité socialiste, afin de leur donner une direction politique.

L'opposition à Macron fait partie d'une large radicalisation des travailleurs et des jeunes contre l'austérité et les dangers de dictature et de guerre qui pèsent sur toute l'Europe. 68 pour cent des Français s’opposent aux ordonnances et la population soutient à 55 pour cent des grèves contre cette politique, tandis que la cote de popularité de Macron a chuté à 30 pourcent. Ceci fait partie d'une radicalisation plus large des masses en Europe où, dans un sondage cette année, une majorité des jeunes s'est déclarée prête à rejoindre un soulèvement de masse pour renverser l'ordre établi.

Cette opposition ne pourra se développer dans le cadre étriqué et faussé de négociations entre les chefs syndicaux et le gouvernement Macron-Philippe, qui visent tous à défendre la rentabilité des entreprises françaises sur le marché mondial. Il s'agit de fédérer l'opposition ouvrière qui monte à travers l'Europe, indépendamment des appareils syndicaux, dans une lutte révolutionnaire sur un programme socialiste.

On ne peut accorder aucune confiance aux manœuvres de Jean-Luc Mélenchon, qui a expliqué hier à Europe1 qu'il veut utiliser les mobilisations syndicales et sa position médiatique de principal opposant à Macron pour devenir son premier ministre. Il a pris comme référence la grève des cheminots de novembre-décembre 1995 contre les réformes des retraites.

Europe1 écrit que Mélenchon « a un exemple en tête : les manifestations de 1995 contre les réformes d’Alain Juppé. Un puissant mouvement social qui aboutit alors à l'abandon des réformes puis, un an plus tard, à des élections législatives anticipées (qui ont installé la Gauche plurielle et Mélenchon personnellement au gouvernement). "Chirac avait compris que le rapport de force de 1995 n'existait plus", analyse le député des Bouches-du-Rhône. "Je suis sûr que l'on gouvernera ce pays ! Nous sommes dans une guerre de mouvements" ».

 

La stratégie d'entrée dans un gouvernement de Macron est un piège pour les travailleurs. Un duo Macron-Mélenchon imposerait des politiques anti-ouvrières comme la Gauche plurielle ou, plus récemment, le gouvernement Syriza en Grèce. Ce gouvernement grec, allié de Mélenchon, après avoir prétendu lutter contre l’austérité, s’est aplati devant l’UE une fois au pouvoir et a imposé les pires attaques contre la classe ouvrière. Cette perspective, que Mélenchon développe par le biais de son alliance avec les appareils syndicaux, n'est qu'un leurre et un piège pour les travailleurs.

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