Tokyo soutient « l’option militaire » de Trump contre la Corée du Nord

Dans une tribune publiée dans le New York Times dimanche, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a apporté un soutien sans réserve aux menaces de guerre téméraires de Washington contre la Corée du Nord.

Evoquant la prétendue menace posée par la Corée du Nord, Abe a déclaré: « Le Japon a réagi en réaffirmant l'inébranlable alliance américano-japonaise, et le Japon collabore étroitement avec les États-Unis et la Corée du Sud. »

Abe a poursuivi: « Je soutiens fermement la position des États-Unis, selon laquelle ‘toutes les options sont sur la table’ ». Cette phrase-code qui avertit que Washington se prépare à utiliser la force pour imposer son diktat, revêt une signification encore plus sinistre depuis l’arrivée au pouvoir de Trump.

En août, pour l'anniversaire des bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki, Trump a menacé de submerger la Corée du Nord dans «le feu et la fureur comme le monde n'en a jamais vu». Mardi, à l'ONU, il a menacé de «détruire totalement» le pays. Ceci ne peut que signifier que Washington prépare l'annihilation nucléaire de la Corée du Nord.

En soutenant une guerre américaine contre la Corée du Nord, Abe a catégoriquement exclu toute issue par la négociation. « Donner la priorité à la diplomatie et souligner l'importance du dialogue ne marcheront pas avec la Corée du Nord. L'Histoire montre que la pression de l'ensemble de la communauté internationale est essentielle », a-t-il écrit.

Ensuite, Abe a falsifié l'histoire des postures agressives de Washington envers Pyongyang depuis la dissolution de l'Union soviétique en 1991.

Les États-Unis ont retiré leurs armes nucléaires tactiques de la Corée du Sud et exigé que la Corée du Nord se dénucléarise. Après avoir évoqué la décision nord-coréenne de se retirer du Traité sur la non-prolifération nucléaire, Abe a cité le prétendu accord « Agreed Framework » (Cadre convenu) en 1994 comme exemple d'un accord échoué.

« Nous savons ce qui s'est passé ensuite: plusieurs années après la livraison du fioul lourd et la construction des réacteurs à eau légère, la Corée du Nord a avoué avoir un programme d'enrichissement d'uranium en violation de l'accord », a déclaré Abe.

Abe a fait le silence sur le fait qu'en 1994, Washington a menacé d'attaquer la Corée du Nord sous prétexte de sa «menace nucléaire», puis fait marche arrière en raison du nombre de pertes probables. En 2000, la construction de réacteurs à eau légère avait à peine commencé et les États-Unis n'avaient respecté aucune de ses autres promesses, surtout en ce qui concerne l’allègement du blocus diplomatique et économique de la Corée du Nord.

Abe a fait porter la responsabilité à la Corée du Nord pour l’échec du « Agreed Framework », mais ce fut l’arrivée au pouvoir du président Bush en 2001 qui en était responsable. Bush a immédiatement appelé à une révision de la politique américaine à l'égard de Pyongyang et, en 2002, a marqué la Corée du Nord comme faisant partie d'un «axe du mal» avec l'Irak et l'Iran.

De même, Abe a reproché à Pyongyang l'échec d'un deuxième accord de dénucléarisation en 2007. En réalité, le gouvernement Bush n'a accepté l'accord qu'à cause de la crise militaire liée à son occupation militaire de l'Irak et n'avait aucune intention de respecter l'accord. Bien que la Corée du Nord ait respecté l'accord, Bush a exigé un régime d'inspection plus rigoureux, qui a fait capoter l'accord. Obama n'a même pas essayé de relancer l'accord et a tout fait pour resserrer les sanctions contre la Corée du Nord.

Le récit tendancieux d'Abe sur les «négociations échouées» répète bêtement la version des faits colportée par les médias internationaux. Sa déclaration que «le dialogue ne marchera pas avec la Corée du Nord» est une menace de s’occuper de Pyongyang soit par un coup d'Etat, soit par une guerre.

Tout en applaudissant les dernières sanctions de l'ONU suite au sixième test nucléaire par la Corée du Nord en septembre, Abe a dit que «le monde ne doit pas devenir complaisant après l'adoption de ces sanctions. ... Il est maintenant temps d'exercer la plus grande pression sur le Nord. Il ne devrait plus y avoir de retards.»

Mais quel est l’objectif d'imposer des sanctions si on exclut la négociation? Abe, comme le Trump, veut imposer un blocus économique et financier total de la Corée du Nord qui ouvrirait la voie aux États-Unis pour renverser le régime.

Parallèlement, Abe exploite l'impasse avec la Corée du Nord pour faire pression sur la Chine, le principal partenaire commercial de la Corée du Nord, ainsi que la Russie. C'est pour cela qu'il dit qu' «il y a des pays, surtout en Asie, qui continuent leurs échanges avec la Corée du Nord. Pour certains, jusqu'en 2016, leurs échanges dépassaient ceux de l'année précédente ».

Jusqu'à l'année dernière, les sanctions de l'ONU ciblaient les programmes de missiles et nucléaires nord-coréens. Même les résolutions de 2016 permettaient le commerce avec la Corée du Nord. Mais à présent, Abe préconise un embargo commercial complet, un acte de guerre qui pourrait provoquer le régime instable à Pyongyang, voire déclencher un conflit.

Comme le gouvernement Trump, Abe exploite la prétendue menace qu'incarne la Corée du Nord pour attiser une atmosphère de peur et de panique dans le pays, afin de justifier le programme de remilitarisation du Japon.

Abe a déjà fait adopter des lois inconstitutionnelles pour légitimer une soi-disant autodéfense collective, c'est-à-dire la participation militaire japonaise aux guerres américaines. Il veut créer un climat politique dans lequel il peut imposer une révision complète de la constitution et supprimer toutes les contraintes sur l'utilisation de l'armée pour poursuivre les intérêts prédateurs de l'impérialisme japonais.

Dimanche, les États-Unis ont organisé leur exercice militaire le plus provocateur à ce jour contre la Corée du Nord, en envoyant deux bombardiers stratégiques B-1 de Guam et quatre avions furtifs pour larguer des bombes sur un champ de tir sud-coréen à proximité de la frontière nord-coréenne.

Les avions de guerre sud-coréens ont accompagné les avions américains dans la péninsule coréenne, et des avions de chasse japonais se sont joints à eux au-dessus des eaux près du Japon - soulignant l'engagement d'Abe à toute guerre américaine contre la Corée du Nord.

(Article paru en anglais le 20 septembre 2017)

Loading