Volkswagen prévoit de licencier tous les travailleurs intérimaires dans ses usines allemandes

Le 4 janvier, le quotidien allemand Tagesschau a annoncé que le groupe Volkswagen (VW) envisageait de licencier toute sa main-d’œuvre intérimaire d’ici 2020. Cette décision est une conséquence d’un « Pacte pour l’avenir » conclu entre le syndicat l’IG Metall (IGM) et les comités d’entreprise du constructeur automobile allemand il y a un an.

Une déclaration de la société affirme : « Malheureusement, nous ne pouvons pas continuer à prendre en charge [le personnel en intérim] comme les années précédentes […] Volkswagen et l’ensemble de l’industrie automobile subissent des changements profonds pour lesquels la marque Volkswagen s’est préparée avec son Pacte pour l’avenir. »

La décision s’applique aux 400 travailleurs temporaires actuellement employés dans l’usine principale de l’entreprise à Wolfsburg ainsi qu’aux travailleurs temporaires dans d’autres usines VW. En décembre, des intérimaires ont manifesté à l’usine de véhicules utilitaires de Hanovre pour s’opposer à 200 suppressions d’emplois imminentes. En fin de compte, 60 intérimaires ont reçu des prolongations de contrat, 47 ont été transférés à l’usine VW de Kassel et plus de 90 ont perdu leur emploi.

Les 200 intérimaires ont été embauchés à l’usine de Wolfsburg en 2015 par l’intermédiaire de l’agence de travail temporaire de VW, Autovision, et transférés à l’usine VW à Hanovre au printemps 2017. Les intérimaires avaient espéré obtenir des postes à temps plein sur la base du « bon état des commandes » de la compagnie. Le fait qu’ils aient été jetés à la rue, malgré les carnets de commandes pleins, a provoqué une colère généralisée.

Et le comble, les ouvriers licenciés vont être remplacés par d’autres intérimaires actuellement employés dans l’usine VW d’Osnabrück. Trois cents de ces ouvriers étaient auparavant employés à l’usine VW d’Emden. Ils ont été transférés à Osnabrück en avril dernier dans le cadre du plan « Pacte pour l’avenir ». Une centaine de travailleurs sont retournés à Emden au début de l’année et ceux qui travaillent actuellement à Hanovre sont censés retourner à Emden en 2019.

Le déplacement des ouvriers d’une usine à l’autre et d’une ville à l’autre sert avant tout à les désorienter et à les discipliner. Avec l’aide d’IG Metall et du comité d’entreprise, l’entreprise est en mesure d’accrocher l’épée de Damoclès des pertes d’emplois sur la tête de ces ouvriers.

Comme suite du Pacte pour l’avenir, environ 30 000 emplois devraient être supprimés au cours des prochaines années, soit plus d’un septième de l’effectif total de 200 000 personnes de l’entreprise dans le monde. En Allemagne, 23 000 emplois doivent être supprimés. Alors que les intérimaires sont les premiers à perdre leur emploi, le même sort attend les travailleurs employés par d’autres constructeurs automobiles tels que Porsche ou des usines anciennement détenues par GM-Opel.

Le directeur du personnel de VW, Karlheinz Blessing, et le chef du comité d’entreprise, Bernd Osterloh, tous les deux des fonctionnaires de longue date du Parti social-démocrate et d’IG Metall, ont travaillé en étroite collaboration afin de préparer et de faire respecter les suppressions d’emplois.

Blessing a rejoint le SPD en 1974 et était actif dans son mouvement de jeunesse à Bade-Wurtemberg. En 1984, il a été promu au sein du syndicat pour devenir directeur de bureau du chef d’IGM Franz Steinkühler. En 1991, Blessing est passé du siège social de l’IGM au siège du SPD et a été pendant deux ans le directeur fédéral du SPD. Il a ensuite été nommé chef du personnel de la sidérurgie de Dillinger Hütte et a fait ses armes en détruisant des emplois dans l’industrie sidérurgique de la Sarre.

Les représentants du SPD et d’IGM siègent des deux côtés de la table de négociation au siège de VW à Wolfsburg pour finaliser les suppressions d’emplois. Osterloh a défendu les derniers licenciements dans un entretien détaillé avec le Wolfsburger Allgemeinen Zeitung. « Le Pacte de l’avenir est un succès. Nous avons déjà économisé deux milliards d’euros ». Volkswagen est également en bonne voie avec son plan de retraite, a déclaré Osterloh, notant que « 9200 collègues ont opté pour une retraite anticipée ». Le Pacte de l’avenir, a-t-il dit, assure « que la marque VW a le pouvoir financier d’investir dans ses futurs produits ».

Osterloh a affirmé que le licenciement des intérimaires était moins une conséquence du Pacte de l’avenir et plus une conséquence de la baisse de l’utilisation de la capacité, malgré le fait que l’entreprise a enregistré des ventes record en 2017.

Dans la première moitié de 2018, le chef du comité d’entreprise de VW « a demandé à l’entreprise de réfléchir à la manière dont nous gérons le travail temporaire à l’avenir », suggérant « à l’avenir, Volkswagen devrait employer directement les gens pour une période limitée » grâce à une agence de placement temporaire. « Au moins, la direction de l’usine peut décharger des collègues lorsque leurs contrats expirent », a-t-il déclaré.

Dans son entretien, Osterloh a également indiqué que l’entreprise prévoyait de réduire le nombre d’apprentis. En tout état de cause, les projets de l’entreprise de passer à des véhicules électriques, avec une automatisation accrue, signifient que les suppressions d’emplois actuelles ne sont qu’un début. Significativement moins de travailleurs sont nécessaires pour produire des moteurs électriques, « Spiegel Online » a récemment écrit, citant des représentants d’IGM, que chez VW « 10 à 15 usines deviendraient inutiles ».

Ces développements constituent le contexte des négociations en cours dans les industries métallurgique et électrique en Allemagne. Les contrats de salaires couvrant 3,9 millions de travailleurs de l’acier, de l’automobile et de l’ingénierie expirent à la fin du mois de janvier.

Les fonctionnaires de l’IGM proposent une réduction de la durée du travail hebdomadaire de 35 à 28 heures, avec le droit de revenir à plein temps après deux ans, pour les travailleurs postés et ceux qui s’occupent d’enfants ou d’autres membres de la famille. Cependant, seuls les travailleurs des groupes de rémunération les plus bas recevraient une compensation quelconque pour des heures de travail plus courtes. En même temps, IG Metall demande une augmentation de salaire de 6 pour cent.

Il existe un soutien populaire pour la réduction des heures de travail. Le syndicat sanctionne régulièrement les « exceptions » à la semaine de 35 heures, y compris le travail de fin de semaine, lorsque les besoins de production l’exigent. La proposition d’IG Metall, cependant, n’a rien à voir avec l’amélioration de « l’équilibre travail-vie » pour les travailleurs qui s’occupent d’enfants et de parents âgés. Sa principale préoccupation est d’apaiser l’opposition de base qui surgira au sujet de la restructuration et de la réduction des effectifs de l’industrie automobile et de son effet sur des milliers d’ouvriers à temps plein.

En décembre, IG Metall et le comité d’entreprise ont conclu un accord sur la suppression d’emplois, renvoyant cyniquement à un « accord-cadre social pour un avenir durable » avec le groupe français PSA, qui prévoit d’éliminer jusqu’à 4500 des 19 000 emplois chez Opel usines en Allemagne, que PSA a repris de General Motors. Le programme prévoit des formules de retraite anticipée, une « mobilité interne » accrue et des horaires plus courts dans le cadre d’un programme baptisé « nouveau programme de travail mobile » censé de « contribuer à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des salariés ».

Selon la proposition de IGM pour VW, les ouvriers à temps partiel travaillant actuellement plus de 28 heures seraient rémunérés pour leurs heures perdues et gagneraient plus d’argent que les ouvriers à temps partiel qui travaillent actuellement 28 heures. Ces derniers n’auraient pas non plus droit à un emploi à temps plein, contrairement à ceux qui bénéficient de la réduction du temps de travail convenue contractuellement.

VW rejette la proposition en raison de son souci spécieux de défendre « l’égalité de traitement des ouvriers ».

Pendant des années, VW et de nombreuses autres entreprises allemandes, avec l’aide de l’IGM et du comité d’entreprise, ont mené une campagne systématique pour séparer les ouvriers par rapport aux heures travaillées et aux rémunérations. En plus des travailleurs intérimaires, VW emploie des travailleurs intérimaires et divers autres types de contrats – faisant souvent le même travail ou presque que les travailleurs en CDI à temps plein, mais pour des salaires très différents.

IG Metall a réagi en feignant des hurlements de désapprobation et a annoncé une « vague de grèves d’avertissement » des ouvriers de VW, de Porsche et d’autres alors que le compte à rebours de l’expiration du contrat salarial du 31 janvier approche. Cela fait cependant partie d’un modèle bien établi. Toute manifestation sera mineure et inefficace, tout en étant limitée à un groupe restreint de travailleurs pour empêcher une mobilisation plus large de la classe ouvrière.

Il est clair que l’attaque contre les intérimaires est le prélude à des suppressions d’emplois massives et à des attaques contre d’autres acquis sociaux de la classe ouvrière. Les ouvriers doivent s’opposer à la conspiration des constructeurs automobiles, d’IGM, du comité d’entreprise et du SPD et construire des comités d’usine afin d’unir les ouvriers à temps plein, à temps partiel et les intérimaires dans une lutte commune contre les licenciements et le démantèlement de leurs conditions. La grève sauvage des travailleurs de Ford en Roumanie et les grèves des ouvriers de VW en Slovaquie et des travailleurs de Fiat en Serbie montrent l’opposition internationale croissante des ouvriers aux salaires de misère et la possibilité d’unir les ouvriers à travers les frontières afin de combattre les constructeurs d’automobiles sur le plan mondial.

(Article paru d’abord en anglais le 8 janvier 2018)

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