Plongeon des marchés mondiaux alors que le Dow enregistre sa plus grand chute en un jour

Les actions de Wall Street ont plongé hier dans un mouvement de liquidation du marché mondial. À la fin de la journée, le Dow Jones a baissé de 1175 points, la plus grosse chute en jour de son histoire, après une journée de mouvements violents.

En incluant la chute de l’automne dernier, le Dow Jones a perdu plus de 1800 points en deux jours, effaçant tous les gains réalisés cette année.

L’une des caractéristiques les plus significatives du déclin d’hier fut sa rapidité. En l’espace d’environ 11 minutes, juste après 15 heures, le Dow Jones est allé d’une baisse de 700 points à une baisse de 1600 points, dans ce qui a été décrit comme une « avalanche » de ventes, avant de se redresser quelque peu. Cependant, la liquidation a repris et l’indice a terminé en baisse de 4,6 % pour la journée.

Les autres indices ont également chuté brutalement dans la plus grande baisse du marché depuis 2011. L’indice S&P 500 a chuté de 4,1 %, le Nasdaq de 3,78 % et le Russell 2000 de 3,63 %. Les valeurs technologiques ont enregistré de fortes baisses, avec Apple et Alphabet (la société mère de Google) en baisse de plus de 10 %.

Tous les secteurs de l’indice général S&P 500 étaient en baisse. Les valeurs financières ont chuté de 4,7 %, les soins de santé de 4,6 %, les valeurs industrielles de 4,5 % et l’énergie de 4,3 %.

La turbulence sur le marché s’est reflétée dans la hausse rapide de l’indice « Vix », ou indice de volatilité, qui a augmenté de 117 pour cent, sa plus forte augmentation en un jour. Cela a marqué une rupture majeure par rapport à la situation l’an dernier, lorsque le Vix a enregistré son taux annuel moyen le plus bas.

Dans son rapport sur la chute du marché, le Wall Street Journal a noté que les « traders décrivaient un sentiment croissant d’anxiété » lorsque la chute du Dow a atteint 1600 points, citant un gestionnaire d’investissement qui disait que c’était « la première fois depuis longtemps, je dirais que cela ressemble à une liquidation à la limite du type panique », a-t-il déclaré au moment où des cris ont éclaté sur le parquet de la Bourse de New York.

La chute rapide a fait craindre qu’elle pourrait avoir été le résultat d’un « accident instantané » – une chute soudaine produite par un soi-disant commerce « gros doigt » ou un autre mauvais fonctionnement. Mais rien de tel ne semble avoir eu lieu. La chute a été précipitée par de grandes ventes générées par un modèle informatique.

Le repli de Wall Street a suivi des baisses importantes sur les marchés mondiaux, les marchés ayant été ouverts après la chute des marchés américains vendredi dernier. Le marché de Hong Kong a chuté de 2,7 % à un moment donné, tandis que l’indice japonais Topix a chuté de 2,2 %.

Au début de la journée de négociations en Europe, les marchés étaient également en baisse. L’indice FTSE de Londres a chuté de 1,5 %, tandis que l’indice Stoxx Europe 600 a perdu 1,6 %.

Les analystes du marché et les commentateurs étaient divisés sur les raisons des ventes massives. Certains ont soutenu qu’il s’agit d’une correction nécessaire et que les fondamentaux économiques restent sains, avec de meilleures perspectives de croissance plus élevée. D’autres ont attiré l’attention sur les mesures prises par les banques centrales pour freiner l’assouplissement quantitatif et commencer à mettre fin au régime de taux d’intérêt bas qui a joué un rôle clé dans la flambée des marchés depuis la crise financière de 2008.

Bien qu’il soit impossible de prédire l’évolution à court terme des marchés, il y a manifestement des changements importants. La liquidation qui a commencé vendredi a été déclenchée par le rapport que les salaires moyens aux États-Unis avaient augmenté de 2,9 % l’année dernière, la plus forte augmentation depuis 2009. Cela a conduit à une augmentation du taux d’intérêt sur les obligations du Trésor américain, la référence, qui ont atteint 2,85 %, ce qui a fait craindre que le taux ne soit en passe d’atteindre le niveau critique de 3 %.

La signification de la hausse des salaires n’était pas tellement le nombre lui-même, une augmentation relativement faible dépassant de peu les attentes du marché d’une hausse de 2,7 %. Les marchés craignent surtout une recrudescence de luttes pour des hausses de salaire dans la classe ouvrière aux États-Unis et à l’échelle internationale, dont les signes ne cessent de grandir. Cela mettrait un terme à ce qui a été un aspect central de la politique monétaire des États-Unis, en remontant jusqu’au krach boursier d’octobre 1987.

À ce moment-là, Alan Greenspan, le nouveau président de la Réserve fédérale américaine, annonça que la banque centrale ouvrirait ses vannes afin de soutenir le marché, et à chaque période de turbulence du marché depuis, action qui devint connue sous le nom du « Greenspan put ».

Mais dans une situation où la classe ouvrière cherche à repousser la baisse continue des salaires des quatre dernières décennies, cette politique devra peut-être être abandonnée alors que la Fed lève les taux pour contrer une telle offensive.

Alors que le taux de la Fed est encore relativement bas, entre 1,25 % et 1,5 %, le mouvement des taux du marché obligataire vers 3 % est considéré avec inquiétude en raison de son impact sur les entreprises américaines et de ses ramifications à l’échelle mondiale.

Selon un rapport de Longview Economics à Londres, dont les résultats ont été cités dans le Financial Times, si les taux d’intérêt aux États-Unis passent rapidement au-dessus de 3 %, l’effet sera considérable. Quelque 12 % des entreprises américaines sont des « zombies ». Autrement dit, leurs revenus ne couvrent pas les paiements de leurs intérêts, et une hausse soudaine des taux les ferait tomber en faillite, si bien qu’elles sont devenues dépendantes de l’approvisionnement continu en argent ultra bon marché.

Selon un rapport publié par CNBC sur des recherches menées par la Bank of America Merrill Lynch, il existe une situation similaire en Europe, avec un nombre important de firmes « zombies » qui dépendent d’un crédit bon marché. Le rapport de la banque a révélé que 9 % des entreprises en Europe étaient des « zombies » avec des « indicateurs de couverture d’intérêts très faibles ». Ceci est à comparer à 6 % avant la crise de 2008 et 5 % fin 2013.

« La pléthore de soutiens monétaires en Europe au cours des cinq dernières années a permis aux entreprises à faible rentabilité de continuer à refinancer leur dette et d’éviter les défauts », note le rapport.

Quel que soit l’avenir immédiat des marchés, la liquidation d’hier a déjà eu un impact politique en approfondissant la crise de l’administration Trump. Il y a une dizaine de jours, dans son discours au sommet des élites mondiales à Davos, en Suisse, Trump a cité la montée de la bourse, « brisant un record après l’autre », comme preuve des vertus de sa politique économique.

Dans un discours dans une entreprise manufacturière de la région de Cincinnati hier après-midi, il a salué un « raz de marée de bonnes nouvelles », tandis que la couverture télévisée de son discours suivait une nouvelle baisse dans le Dow vers une baisse de 1600 points dans un coin de l’écran.

(Article paru en anglais le 6 février 2018)

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