#MeToo se retourne contre le ministre de l'Environnement Nicolas Hulot

Alors que la campagne #metoo/#balancetonporc rencontre de la résistance, des accusations de viol contre le ministre de l‘Environnement, Nicolas Hulot, ces derniers jours ont porté à son comble une frénésie médiatique et politique frôlant l‘absurde.

Les accusations contre Hulot, qui circulaient depuis une bonne semaine, venant d‘un magazine nouvellement fondé, Ebdo, ont été reprises et amplifiées par les médias avant même leur publication par ce magazine vendredi. Ebdo a relayé une plainte de 2008 «pour fait de viol» à l‘encontre de Hulot, déposée à dessein après la prescription des faits, qui remontent à 1997, par une petite-fille de l‘ex-président François Mitterrand.

La seconde accusation viendrait d‘une ex-collaboratrice de la fondation Hulot qui, elle, «dément» sur la chaine Lci «formellement les rumeurs» et n‘a «aucun commentaire à faire sur une affaire qui n'en est pas une». Ebdo a été lancé en janvier par un ex-secrétaire à la Réforme de l‘Etat du gouvernement Hollande-Valls, Thierry Mandon.

Hulot, que le président Emmanuel Macron et son premier ministre avaient publiquement soutenu mercredi, a devancé la publication de l‘article par une interview à BFMTV, a rejeté les accusations et écarté une démission. Quelques heures plus tard Gérard Collomb, le ministre de l‘Intérieur, insistait sur le soutien du gouvernement à Hulot.

L'auteur de la plainte, Pascale Mitterrand, avait insisté pour que son identité ne soit pas révélée et pour que l‘affaire ne soit pas utilisée politiquement contre Hulot, et dit ne pas avoir recherché sa médiatisation. Elle n'a pas voulu évoquer un viol, préférant parler d‘ «acte sous la contrainte». Son père Gilbert Mitterrand avait dit à Lci que sa famille «n'avait rien à voir avec ce buzz médiatique».

Le WSWS n‘a aucune sympathie politique pour Hulot, un représentant de longue date de l‘élite médiatique et patronale. Il fait partie d‘un gouvernement réactionnaire qui prépare la guerre et la casse des acquis sociaux historiques des travailleurs. Mais ce dégommage de politiciens n‘a rien à voir avec la démocratie. Cela attise une atmosphère réactionnaire de délation, de condamnation et de licenciements sommaires écartant des droits démocratiques fondamentaux et œuvre à l‘établissement d‘un climat d‘intimidation profitant aux forces les plus réactionnaires.

Le gouvernement Macron, qui a donné son aval à l'offensive #MeToo alors qu'il préparait une loi instaurant une police des mœurs ciblant les jeunes hommes des banlieues immigrées, se voit rattrapé par l'hystérie sexuelle médiatisée qu'il a encouragée et qui se retourne à présent contre lui.

En même temps, la montée de l'hystérie sexuelle et islamophobe continue à faire des victimes parmi les cibles initiales de #MeToo. Tariq Ramadan, contre qui deux accusations de viol avaient circulé juste après le lancement en France de #metoo/#balancetonporc en octobre, a été arrêté le 31 janvier, mis en examen et reste à ce jour en détention. Dès les premières allégations, non prouvées, de viols, l‘université d‘Oxford, où Ramadan enseignait, l‘avait congédié.

Ramadan nie les accusations. Alors que des descriptions ultra-détaillées des actes incriminés circulaient dans la presse, une confrontation avec une de ses accusatrices a abouti, selon une source «proche du dossier», à ce que chacun des protagonistes maintienne sa version des faits, Ramadan refusant de signer le procès-verbal.

Ses avocats ont accusé le parquet de Paris d‘avoir influencé l’enquête et écarté des pièces à décharge, et demandé une enquête de l‘IGJ (Inspection générale de la Justice) dans la procédure. Ils ont aussi demandé l‘identification d‘un juge qui aurait entendu une des accusatrices de Ramadan en 2009, sans que celle-ci ne porte plainte alors.

L'accusation contre Ramadan, même s‘il s‘avérait coupable, est tendancieuse depuis le début, liée qu‘elle est à une campagne soi-disant laïque aux relents identitaires anti-musulmans.

Une des protagonistes les plus en vue des accusations contre Ramadan est la journaliste «féministe laïque» et ex-collaboratrice de Charlie Hebdo, Caroline Fourest. A l‘origine promotrice de la politique d‘identité promue par la pseudo-gauche, ciblant depuis 2001 l‘intégrisme musulman, elle a écrit en 2004 un livre sur Ramadan, «Frère Tariq». Fourest fait campagne depuis plus d‘une décennie pour présenter l‘«islam politique» comme le plus grand danger pour la démocratie.

Dans une interview à RTL en octobre dernier, elle affirme avoir, suite à une discussion avec une des femmes accusant Ramadan, «présentée [celle-ci] à un juge». Elle y dit encore que Ramadan a une «haine des femmes» et que sa «sexualité correspond aux idées qu‘il défend». Fourest qui avait affirmé être au courant d’accusations contre Ramadan dès 2009 a été entendue en novembre et a fourni «de nombreuses pièces» au dossier.

Ramadan est un représentant d‘une bourgeoisie musulmane hostile à la classe ouvrière. Mais son cas est une illustration très claire du fait que #MeToo sert à renforcer des campagnes islamophobes menées par un large éventail de forces allant de Charlie Hebdo au Front national.

Ces dernières semaines la campagne #metoo/balancetonporc s‘est heurtée à la résistance d‘une partie de l‘opinion. Des voix se sont élevées entre autre dans les milieux de la culture pour dénoncer son caractère hystérique et répressif.

Le jour de la publication de l‘article d‘Ebdo, francetvinfo publiait une interview du cinéaste autrichien Michael Haneke dénoncant #metoo comme une « chasse aux sorcières ». « Je trouve l'hystérie et les condamnations sans procès auxquelles on assiste aujourd'hui tout à fait dégoûtantes…chaque shitstorm (tempête de merde) que ces révélations déclenchent même sur les forums internet de journaux sérieux empoisonnent le climat au sein de la société » dit Haneke.

L‘évocation d‘un «malaise» par certains journaux qui avaient pourtant salué et soutenu #MeToo, montrent qu‘une partie de la presse craint de se voir totalement démasquée par son soutien à cette chasse aux sorcières réactionnaire.

Des journaux ont souligné l‘inconsistance et le vague des accusations contre Hulot. Libération écrit le 8 février dans un article intitulé: «Rumeurs sur Nicolas Hulot: l‘emballement jusqu‘au malaise», «De fait, on sort de la lecture avec plus de questions que de réponses. Comme si le magazine avait allumé la mèche et comptait feuilletonner». L‘Obs parle lui, d‘un «malaise de la presse».

«Tout repose sur le témoignage anonyme, et qui est sensé le rester, de la victime présumée. On est typiquement dans un univers d'allégation, d'accusation, de rumeurs, sans preuve, pour l'instant en tout cas, tangible,» déclare le commentateur politique Alain Duhamel.

Duhamel souligne les risques pour le gouvernement Macron: « Cette affaire ne pouvait pas tomber plus mal alors qu'il y a déjà l‘affaire Darmanin [le ministre des Comptes publics récemment visé par des accusations de viol]. » Il averti encore de l‘effet sur la classe politique: «On est en plus dans une période où une affaire de violence sexuelle fait la Une tous les jours… La classe politique apparaît déjà financièrement corrompue pour la majorité des Français. Si elle apparaît sexuellement corrompue, ça fait beaucoup.»

Ce commentaire laisse entrevoir les profonds conflits au sein des classes possédantes dont #MeToo est une expression. Ayant permis l'éclosion médiatique de cette campagne féministe et réactionnaire, elles se demandent si, dans l'intérêt de la stabilité d'un régime discrédité et honni par les masses, il ne serait pas plus sage d'en modérer les ardeurs.

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