Québec solidaire utilisera ses liens avec Jean-Martin Aussant pour se rapprocher du PQ

Lorsque Jean-Martin Aussant – un ex-banquier d’affaires et ex-député péquiste qui avait fondé Option nationale (ON) en critiquant le manque de chaleur du Parti québécois pour l’indépendance du Québec – a annoncé sa décision de retourner au PQ, Québec solidaire a aussitôt admis qu’il avait eu d’intenses discussions avec lui.

Amir Khadir, l’un des trois députés de QS, a déclaré: «Nous étions intéressés par Jean-Martin Aussant. C'était réciproque et jusqu'à la dernière minute, il a soupesé toutes les considérations… On avait besoin de lui pour conquérir de nouveaux espaces.»

De façon significative, QS a quand même fait l’éloge d’Aussant. Khadir a déclaré: «Jean-Martin a fait le choix qui lui semblait le plus opportun. Je ne partage pas cet avis, mais souhaitons qu'il réussisse!» Quant à Gabriel Nadeau-Dubois, autre député et porte-parole masculin de QS, il a dit qu’il conservait son «respect et son affection» pour Aussant.

Nadeau-Dubois, qui a développé des liens étroits avec Aussant, y compris dans le cadre de leur tournée nationaliste «Faut qu’on s’parle», a révélé plus qu’il ne le voulait lorsqu’il a dit qu’Aussant, en rejoignant le PQ, retournait dans sa «famille politique naturelle».

L’affection de QS pour Aussant montre, une fois de plus, que QS fait partie intégrante de cette famille indépendantiste. Dominée par le PQ, celle-ci représente une faction de la classe dirigeante québécoise qui voit la création d’un troisième État impérialiste en Amérique du nord comme un moyen de se rapprocher de Wall Street et de mieux attaquer la classe ouvrière.

QS joue un rôle clé dans cette grande famille en utilisant son image de «gauche» pour empêcher les travailleurs de rompre avec le PQ et son programme souverainiste – un programme de plus en plus discrédité après les années d’austérité du PQ et son tournant vers le chauvinisme anti-musulman.

En tentant de recruter Aussant, QS poursuivait les politiques mises de l’avant lors de son dernier congrès en décembre où il a fusionné avec Option nationale sur la base suivante: abandon de ses vagues promesses sociales au profit d’un accent plus prononcé sur l’indépendance du Québec; promotion de sa «crédibilité économique» auprès de l’élite dirigeante en se déclarant «fiscalement responsable», donc prêt à imposer l’austérité capitaliste; nouveaux efforts de rapprochement avec le Parti québécois par une alliance avec ce dernier – avant ou après les prochaines élections – sous le prétexte de barrer la voie à la «droite dure» et de poursuivre la lutte pour la souveraineté du Québec.

QS aurait préféré voir Aussant rejoindre ses rangs. Mais, les bons mots de QS à son égard, y compris la fausse étiquette de «progressiste», montre que QS voit d’un bon œil sa présence au PQ. C’est pour QS un moyen de favoriser la «convergence», sous une forme ou une autre, avec ce parti de la grande entreprise.

Lors de son congrès en mai dernier, les membres de QS avaient rejeté, pour des raisons tactiques, un pacte électoral avec le PQ en vue des élections de cet automne. Plusieurs craignaient qu’un rapprochement trop ouvert avec le Parti québécois inextricablement lié aux politiques d’austérité et de chauvinisme ne nuise aux efforts de QS pour se présenter comme un parti de «gauche» et faire renaître le programme réactionnaire de l’indépendance du Québec.

La direction de QS était largement en faveur d’une alliance avec le PQ et elle avait rapidement tendu la main au Parti québécois après le vote. Cependant, l’autre initiative présentée au même moment – entamer des discussions avec ON en vue d’une fusion – avait fait l’unanimité au sein de QS, ce qui représentait aussi, quoique moins ouvertement, un pont vers le Parti québécois.

Considéré comme un disciple de l’ex-premier ministre péquiste Jacques Parizeau (lui-même né dans la grande bourgeoisie québécoise et l’un des représentants les plus conscients de son aile souverainiste), Aussant espère sauver le Parti québécois en profonde crise. Le chef péquiste Jean-François Lisée l’a accueilli en disant: «C’est sûr que l’arrivée de M. Aussant consolide et donne de la crédibilité à notre message».

Comme plusieurs partis sociaux-démocrates ou associés à la social-démocratie, tels que PASOK en Grèce, le SPD en Allemagne ou le Parti socialiste en France, le PQ est en chute libre. Il est bon troisième dans les intentions de vote, loin derrière le parti populiste de droite Coalition Avenir Québec, qui est en tête, largement par défaut.

L’évolution des partis que QS considère comme ses «modèles» – SYRIZA en Grèce ou La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon – montre clairement le rôle anti-ouvrier que QS est appelé à joué. Ce dernier cherche à canaliser l’opposition des travailleurs à l’austérité et à la guerre derrière le Parti québécois et la bureaucratie syndicale pro-capitaliste.

SYRIZA, qui avait été élu en faisant appel à la profonde haine des masses grecques contre des années d’austérité dévastatrices imposées par l’élite financière, s’est allié avec un parti de droite dès son élection et a imposé des mesures d’austérité encore pires que ses prédécesseurs, tout en utilisant les réfugiés comme boucs-émissaires.

Mélenchon, un ex-ministre du Parti socialiste, a aussi utilisé un discours anti-guerre et de gauche lors des élections présidentielles françaises de 2017 pour ensuite refuser de mobiliser les travailleurs et les jeunes contre le choix illégitime du deuxième tour – entre le banquier Emmanuel Macron et la néo-fasciste Marine Le Pen. Récemment, LFI a appelé à renforcer l’armée française en soutenant une hausse massive des dépenses militaires (voir: Un outil de l'impérialisme: La France insoumise appelle à renforcer l'armée). Québec solidaire, de son côté, est resté muet lorsque le gouvernement fédéral canadien a annoncé une hausse de 70 pour cent des dépenses militaires sur 10 ans.

Les bons sentiments de QS pour Aussant, ainsi que ses liens politiques avec SYRIZA et LFI, montrent que ce parti des des classes moyennes aisées est prêt à imposer les diktats de l’élite financière – que ce soit dans un gouvernement QS ou en alliance avec un gouvernement péquiste.

Peu importe le sort électoral du PQ, Québec solidaire continuera de subordonner les travailleurs à ce parti de la grande entreprise. Ce faisant, son rôle politique fondamental est d’empêcher les travailleurs du Québec de se joindre à leurs frères et sœurs de classe dans le reste du Canada, aux États-Unis et à l’international dans une lutte commune contre le capitalisme en faillite.

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